Pour éviter la répétition, j’avais il y a quelques années écrit > cette revue de deux Optima > à laquelle il n’y aura pas grand chose à ajouter sinon du bavardage.
Pour se fixer, reprise de quelques éléments concernant la marque et le modèle. 1919, fondation et installation via della Basilica à Turin de la maison Aurora. 1992, dans la veine « roots », lancement de l’Optima qui reprend des dessins anciens de la marque, en particulier celui du Duplex des années 30. Les premiers Optima (bleu, vert, gris et brun) étaient fabriqués dans un celluloid de toute beauté* appelé alors « Celluxoide » dont on s’apercevra rapidement qu’il est sujet à de gros problèmes, déformation, rétrécissement… et qui sera vite remplacé par un plastique plus stable qu’Aurora appellera « Auroloide », toujours utilisé à ce jour. En couleurs unies, ont existé un rouge et un vert qui ne sont plus fabriqués mais qu’on peut toujours trouver neufs, plus le noir de base toujours en production. L’Optima existe également aujourd’hui en deux versions transparentes ainsi qu’en plusieurs habillages en argent guilloché. Ce modèle a servi et sert toujours de base à de très nombreuses éditions limitées qu’on ne détaillera pas ici.

En 1994, Aurora sort à l’occasion du 75e anniversaire de la marque deux stylos en édition limitée, un modèle en métal plaqué or et l’Optima rouge de cet essai. L’édition est limitée, on ne rit pas, à 7500 exemplaires. On s’étonne un peu que le service commercial n’ait pas ensuite proposé des éditions super-limitées ou d’autres super-extra-top-méga limitées, il y avait de la marge.

Ce stylo rouge, fabriqué en Auroloide, n’est donc pas touché par les problèmes de déformation. Ce sera le premier d’un lignée de séries limitées très colorées : en 1996, le Sole orange, le Primavera vert… printemps vif en 1998, le Mare bleu doux lumineux en 2000, sans compter les Aurora Optima Minima déclinés eux aussi en couleurs vives. Le Christophe Colomb et Le Goldoni en argent les avaient précédés en 92 et 93, de nombreux autres modèles suivront.
J’avais une déraisonnable envie de ce modèle depuis longtemps, j’étais parvenu à résister des années quand dans un moment d’absence je me suis laissé prendre par un stylo abandonné neuf dans son emballage d’origine avec papiers et bouteille d’encre qui est venu me visiter chaque nuit durant une semaine en me susurrant « T’sais que je dormirais bien avec toi ? ». Le pauvret s’est offert pour un prix très raisonnable. J’ai dû me faire avoir, il n’était ni maigre ni plein de puces quand il est arrivé.
Dans sa forme, le 75e anniversaire est pratiquement semblable au modèle actuel, la différence principale étant la forme de sa section quasi-cylindrique, redessinée et affinée un peu plus tard avec une forme plus conique et une butée. La plume est une 18 carats quand les modèles de série actuels sont des 14 carats, sa gravure n’est pas la gravure dépouillée avec le logo de la marque (voir la plume du vert dans l’essai précédent) mais le dessin plus orné moderne estampé. La bague qui couvre la lèvre du capuchon, sur laquelle est gravé le numéro du stylo, est le premier modèle de bague à deux fins anneaux noirs encadrant la frise grecque. Enfin la mention « 75° » est gravée sur le haut de l’agrafe. Autant dire que le stylo est quasi-identique au modèle courant, le corps est seulement plus court de deux ou trois millimètres. Le rouge mouvant est éclatant sans être claquant, la matière et la couleur vibrantes donnent comme l’impression que le stylo se consume de l’intérieur, c’est un rouge de braise réjouissant, sensuel, tirant à peine sur le vermillon, réhaussé par le noir de la section et des extrémités et l’or des attributs.

La plume à présent. Une 18 carats donc. Ayant acheté le stylo presque à l’aveugle, je ne connaissais pas la taille de la plume, j’avais espéré tant j’aime les M de la marque une autre moyenne. Bingo ! Pour être franc, il y avait peu de risques, en bon adepte de la Pensée Magique, l’addition des chiffres du numéro du stylo donnait 7, c’était forcément un Signe, et si j’en vois un(e) qui ricane bêtement je le balance au Baron Samedi. Elle ressemble en nettement plus doux à l’autre M de l’époque, celle du vert de l’essai précédent, ma plume préférée. Assez ferme tout en gardant un léger mœlleux, douce avec un reste très lointain de la marque de famille qu’est la légère accroche des plumes Aurora, c’est une plume parfaite pour un usage quotidien. Par rapport à une M actuelle Aurora, elle est bien plus douce et fait moins de bruit sur le papier. Si la M d’aujourd’hui - du moins la mienne - est plus rêche, la sensation générale dans la main est identique, sur le papier on ne différencie pas les traits et l’écriture de l’une ou de l’autre. Cette plume permet de « conduire » très précisément le stylo, plus nettement qu’avec certaines plumes encore plus douces dont on a parfois l’impression qu’elles vous échappent un peu, avec lesquelles on ne sent pas grand chose. Ce 75e anniversaire a été encré d’entrée avec de l’Aurora noire, le mariage est évidemment parfait entre le rouge et le noir du stylo et le magnifique noir profond, velouté et lubrifié de l’encre Aurora. Forme du stylo, style de plume, j’avais immédiatement ressenti la belle et rare impression de retrouver mon écriture naturelle avec l’Optima.
Minuscule détail : la belle a dormi durant vingt ans, elle s’est un peu patinée jusqu’à ce que l’or devienne très légèrement rouge, ce qui s’accorde bien avec le corps. Elle retrouvera à l’usage sa couleur d’origine, c’est presque dommage.
Pour le reste, rien à ajouter au premier essai. Feed en ébonite, alimentation en encre abondante et régulière, fenêtre d’encre bien lisible et réservoir de secours très pratique, piston très doux, bloc-plume à vis instantanément interchangeable comme sur les Pelikan, ce qui en passant facilite le nettoyage, bel équilibre avec ou sans capuchon, joli marquage à l’ancienne sur le corps « Fabrica italiana di penne a serbatoio » encadrant le triangle de la marque, qualité de fabrication irréprochable.

Généralités sur l’Optima. Que dire d’autre, sinon répéter que le jour où j’ai eu en mains un Optima, j’ai immédiatement ressenti la très agréable impression de rencontrer le stylo que je cherchais depuis longtemps. Rarement l’attrait pour un stylo aura été aussi fort, rarement l’accord avec la main et l’esprit aussi parfait, au point de presque faire oublier les autres stylos modernes. Et ça dure, c’est le plus beau ! Qui saura jamais dire d’où vient l’accord avec un de ces petits objets ? Physiquement, le diamètre un peu plus important que la moyenne, la longue section, le poids plume très confortable pour moi : la prise en mains est idéale, l’écriture servie par de longues plumes faciles au toucher un peu particulier. Esthétiquement, le dessin classique qui remonte le temps, la forme compacte en tonneau, un peu trapue, avec ses extrémités tronquées, l’alliance du noir et de la couleur, les couleurs, la longue plume, l’élégance du stylo, l’idée d’un instrument à écrire au sérieux tempéré par la fantaisie qu’apporte la couleur m’ont toujours beaucoup plu. J’ai un petit regret, celui de ne pas avoir acheté un jour l’édition limitée Carlo Goldoni de 1993 en argent guilloché de l’Optima.
Aparté : et si tout simplement c’était le stylo de Mon Papa ? Hop, mon Chichille, tu m’émeus ! Noooon Enezia, on se retient de dire des bêtises !
Un mot sur la plume F actuelle de la marque qui partage le même toucher de famille avec les autres : excellente et très précise elle aussi, je la préfèrerais très légèrement plus souple.

J’aurais pu parler du beau Nero perla gris, les commentaires, à quelques détails cosmétiques près, sont bien entendu valables pour les deux, la plume moyenne du gris étant comme écrit plus haut plus rêche et à mon goût plus agréable, avec le même « feeling Aurora » en plus marqué. Les couleurs discrètes et changeantes des gris, gris-noir, gris-bleuté, gris nacré font du Nero perla un des plus délicats à mon goût parmi la production actuelle et esthétiquement mon préféré certainement.

Les commentaires sur le poids, les plumes, etc. sont évidemment personnels et subjectifs.
Je voulais pour terminer faire un clin d’œil à Silverado (et aux autres) : j’avais choisi en fond d’image des photos en noir et blanc d’Italie et de photographes italiens. Au dernier moment, j’ai changé d’avis, l’auteur de ces photos en couleurs sera bien trop facile à identifier pour les amateurs de photographie. Ce sera pour une autre fois.
Comme toujours, merci à qui aura envie de compléter, éclairer, commenter, dire ses désaccords, etc.
Juillet 2016 : Troisième revue de deux autres Optima, 365 brun et Carlo Goldoni argent.
Jimmy
* De minuscules fêlures sont apparues en 2014 sur le stylo vert de l’essai précédent. L’usine a rapidement remplacé le matériau d’origine par un Auroloide courant pour une somme modique, SAV parfait. Ce matériau nouveau, tout joli qu’il soit, n’a pas la beauté du matériau original.