1) INTRODUCTION ET PROBLÈMES LIÉS AUX CARTOUCHES PILOT « DOUBLE SPARE » :
Je suis un collectionneur de stylos-plume porté principalement sur les stylos japonais et précisément sur la marque Pilot. Les quelques 70 exemplaires de stylos-plume Pilot présents dans ma collection personnelle couvrent les années 1930 aux années 2010. Les stylos-plume créés par le fabriquant nippon durant la décennie des années 1960 présentent la particularité d’avoir fait coexister de nombreux systèmes de remplissage et, parmi ceux-ci, deux types de cartouches différentes : la cartouche courante standard que l’on connait et la petite cartouche dite « Double Spare ». Ces deux cartouches sont incompatibles par leur diamètre.
Sur les photos ci-dessous, vous pouvez voir les cartouches Pilot courantes standard à gauche comparées aux cartrouches « Double Spare » à droite :
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J’apporte un repère temporel sur ces deux cartouches. J’ai toujours cru que la cartouche courante standard était sortie vers 1970 et c’est la croyance la plus communément répandue à ce sujet. Or cette cartouche standard existait déjà depuis 1963/1964 et alimentait certains modèles de stylos-plume tandis que la cartouche « Double Spare » en équipait d’autres. Je me fonde là sur deux sources d’informations :
1) L’ouvrage « Fountain Pens of Japan », d’Andreas Lambrou & Masamichi Sunami - p. 227.
2) L’article de Bruno Taut « Pilot Filling Systems in the 1960’s ».
Durant les sixties, c’est néanmoins la cartouche « Double Spare » qui semble avoir été embarquée par de très nombreux stylos-plume de la marque japonaise, comme par exemple le premier modèle de Capless (on dit « Vanishing Point » aux USA) à bouton poussoir, le C200 de l’année 1964, qui figure ici.
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Or il est strictement impossible d’utiliser la cartouche courante standard dans un stylo-plume qui utilise des « Double Spare » en raison de l’incompatibilité de leurs circonférences. Voir ci-dessous :
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À la toute fin des années 1960, courant 1969 selon l’article de Bruno Taut « Pilot Filling Systems in the 1960’s », Pilot a définitivement abandonné le système des cartouches « Double Spare ».
Depuis l’année 1970, tous les stylos-plume Pilot dont le système d’alimentation est la cartouche/converter utilisent donc les cartouches standard que l’on connait.
La fabrication de cartouches « Double Spare » fut probablement assurée durant encore quelques années après 1969 pour permettre aux utilisateurs d’écrire avec leurs stylos, mais elle a fini par être arrêtée définitivement. Nous nous situons à présent quelques quarante-cinq années plus tard, et ces cartouches Double Spare sont devenues quasiment introuvables — même au Japon — alors qu’un collectionneur de stylos-plume Pilot trouve encore très facilement de nombreux modèles de stylos-plume vintages des sixties à Double Spare. Un tel collectionneur peut souhaiter, légitimement, écrire durablement avec ces stylos : c’est mon cas.
La pénurie quasi-totale de cartouches Double Spare, je la constate depuis trois ans dans la mesure où de nombreux particuliers mais aussi des professionnels vendent parfois ces stylos-plume sans pouvoir livrer les cartouches DS adéquates. Bien souvent, ils ne savent même pas que ce stylo-plume Pilot là nécessite des cartouches spécifiques qui ne sont pas les cartouches standard.
Dans le meilleur des cas, les vendeurs les plus sérieux s’efforcent de livrer une à deux cartouches Double Spare, vides ou pleines, qui permettront d’utiliser les stylos-plume durant un certain temps en rechargeant ces cartouches à la seringue. Ces vendeurs ne font pas de rétention de cartouches Double Spare, ils n’en ont tout simplement pas davantage à disposition et livrent les seuls contenants qu’ils peuvent offrir avec le stylo.
En bons connaisseurs de la marque Pilot, vous m’objecterez : « Il n’y a plus de cartouches DS, mais il existe un converter compatible ». Et vous aurez raison, car effectivement Pilot a conçu un converter spécifique au diamètre des cartouches DS. Ce converter s’appelle le « W-Converter » ou « W-CON ». Il ressemble au CON-20 car il est conçu sur la même base métallique exceptée l’adjonction d’un téton « Double Spare », mais ce n’est pas un CON-20. Voilà à quoi ressemble le W-CON :
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Vous me direz alors : « À quoi bon parler de la pénurie de cartouches Double Spare puisqu’un converter compatible existe ? ». OK, but not so simple !
Le W-CON, comme le CON-20 ainsi que de multiples converters d’autres marques, ne sont rien d’autre qu’un squeezer à barre métallique actionnant un sac par pression. Et ce type de converters vieillit très rapidement très mal : on finit par user ou cisailler le sac avec le squeezer en métal à force d’actionner la pompe. Je ne compte même plus les CON-20 que j’ai fusillés à force de remplir mes stylos d’encre ou d’actionner frénétiquement le converter pour rincer mes stylos quand je ne les utilise plus. Et si ce n’est pas la barre qui use le sac, c’est l’utilisateur qui laissera son stylo encré pendant des mois sans l’utiliser. Inutile de vous expliquer l’effet de l’encre séchée sur un sac. Disposer d’un seul W-CON n’est donc pas une solution durable pour utiliser ses stylos-plume Double Spare en toute tranquillité.
Vous me direz ensuite : « Et bah, quand ton W-CON est fusillé, tu en rachètes un autre, c’est super simple ». Hum, hum, not so simple once again !
On pourrait penser que PILOT a créé le W-CON, dans son infinie magnanimité, pour assurer une longévité aux stylos des utilisateurs de Double Spare. Il n’en n’est rien. Pour d’obscures raisons, ce W-CON n’est pas distribué ni disponible auprès du grand public. Il n’est fourni au compte-gouttes qu’à certains vendeurs de stylos-plumes Pilot, principalement des vendeurs situés au Japon qui vendent aussi des vintages. Ce W-CON est tellement officieux qu’ici en France certains vendeurs ne savent même pas qu’il existe, et encore moins ce que c’est ! Ces mêmes vendeurs ne peuvent plus vendre les stylos-plume Pilot à DS qu’ils ont en magasin parce qu’ils n’ont plus de cartouches compatibles.
Parce que ce converter W-CON est distribué avec parcimonie par la marque nippone, les vendeurs qui en détiennent quelques-uns ne sont pas plus capables d’en vendre à volonté que de fournir des cartouches Double Spare. Cela fait qu’un W-CON n’est proposé ou vendu qu’avec un stylo-plume utilisant des Double Spare. Cela fait encore que lorsqu’on fusille l’unique W-CON que l’on possède, il est relativement ardu d’en acquérir un autre, à moins de trouver un vendeur accommodant qui en détienne suffisamment d’avance et veuille bien vous en vendre un. Ou bien il faut acquérir un autre stylo-plume des sixties juste pour accéder au W-CON (ou à la cartouche DS) qui sera livré avec : j’ai déjà été obligé de faire cela…
Vous me direz enfin : « Oui mais, quand on a une ou deux Double Spare, c’est bon ! On peut utiliser son stylo ad vitam aeternam en remplissant sa cartouche vide ! ». Et bien, je ne suis pas d’accord.
De même qu’un squeeze converter à sac s’use quand on l’utilise régulièrement, une cartouche vide que l’on enfonce ou retire régulièrement d’un conduit d’encre pour la recharger à la seringue finit par se fendiller puis se fendre complètement : l’action répétée dans le temps du pincement du pouce et de l’index sur le plastic mou et fragile des Double Spare affaiblit le plastic et fout en l’air la cartouche. N’oublions pas qu’une cartouche en plastic semi-mou n’est pas conçue à la base pour une utilisation durable et régulière, mais pour un usage unique et jetable. En définitive, dans l’optique d’utiliser ses stylos-plume Double Spare en toute tranquillité, disposer d’une à deux cartouches Double Spare n’est pas une solution plus durable que disposer d’un seul W-CON.
Je finirai cette introduction en disant que je suis vraiment fana des créations de la marque Pilot. Mais je suis un collectionneur qui écris avec ses stylos-plume et veux pouvoir les utiliser autant qu’il le veut tant que ces stylos voudront bien rester fonctionnels. L’état des lieux de la pénurie des Double Spare et des W-CON a fini par me mettre complètement hors de moi en septembre 2013. Voilà pourquoi je me suis penché sur le sujet. J’ai décidé de trouver une solution pour remédier définitivement à ce problème. C’est pour cela que j’ai assis mon cul devant mon bureau durant quelques après-midis jusqu’à ce que je trouve ce qui suit.
2) LA MÉTHODE : PAS-À-PAS POUR FABRIQUER DES CARTOUCHES COMPATIBLES DOUBLE SPARE
2.1- LE MATÉRIEL DONT VOUS AVEZ BESOIN :
1) Quelques cartouches Montblanc vidées de leur encre.
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2) Un cutter ou une lame de découpe pour graphistes, équipés d’une lame neuve et propre.
008-PilotDS-CutterOrX-ActoKnife

3) Un mini chalumeau ou un simple briquet qui fera aussi bien l’affaire.
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4) Un foret standard pour perceuses électriques dont l’extrêmité ronde fait un diamètre d’environ 4,42 millimètres. Pas plus de 4,45 millimètres en tous cas.
- On ne se servira pas du côté torsadé perforant du foret, seulement de sa partie ronde
- Mon propre foret est un foret standard à béton n°5 (5 mm de diamètre, dont la partie ronde fait effectivement 4,42 millimètres)
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2.2 - LE PAS-À-PAS :
1) Dans quelle partie de la cartouche Montblanc trouver le bon diamètre :
- Le bon diamètre compatible avec la Double Spare se trouve quelque part dans le biseau du nez de la cartouche :
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Mon pied à coulisse numérique m’indique que le feed des FPs Pilot Double Spare a une circonférence de 4,50 millimètres min. à 4,53 millimètres max.
Comme mon foret a une circonférence de 4,42 millimètres, la cartouche que nous allons créer aura donc un goulot d’une circonférence de 4,42 millimètres, soit un peu plus étroit que celui du feed d’environ 1/10ème de millimètre. Ainsi, la cartouche s’enfichera fermement dans le feed et sera suffisamment serrée pour bien tenir autour de la section autant que pour assurer l’étanchéité.
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2) Détacher soigneusement au cutter la goupille de la cartouche Montblanc, sans entamer la partie biseautée :
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3) Chauffer le foret et percuter la cartouche d’un coup progressif, puis sec :
- Pas besoin de porter de gants ni de protections. Pas de risque de se brûler les doigts : la chaleur nécessaire à faire fondre la cartouche n’est pas assez élevée pour traverser toute la longueur du foret jusqu’à vos doigts. Et si l’on chauffe trop le foret, le goulot de la cartouche se liquéfiera et fondra l’ensemble de la partie biseautée, ce qu’il ne faut pas car le diamètre de la cartouche serait alors trop large
- On tient la cartouche bien verticalement, presque perpendiculaire au plan de travail, pour pratiquer une perforation bien droite, régulière et propre
- Une fois le foret chauffé à la bonne température, on l’essuie rapidement sur un torchon de coton pour oter la suie, puis on le pose bien droit au milieu du goulot pré-agrandi par la découpe de la goupille
- On laisse la chaleur faire son effet progressivement, puis on enfonce le foret toujours bien droit d’un coup sec et assez rapide, puis on retire le foret
- Un seul passage du foret suffit si c’est bien fait
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4) Laisser refroidir la cartouche quelques instants que le plastic redurcisse (2 minutes suffisent amplement), puis essayer d’ajuster la cartouche sur le conduit d’encre.
- Il faut forcer gentiment la pénétration — rien de sexuel ici, ne vous excitez-pas — de la cartouche dans le conduit
- Si le foret a le bon diamètre, cela fonctionne du premier coup
- L’orifice est assez resserré pour assurer une bonne tenue de la cartouche ainsi que son étanchéité sans aucun risque de fuite : j’ai testé ces cartouches customisées pendant des semaines, d’abord avec de l’eau seulement, par peur des fuites, puis avec de l’encre. Cela fonctionne sans aucun problème
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5) Remplissez d’encre votre cartouche à l’aide d’une seringue, enfoncez-là dans le conduit d’encre.
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6) Écrivez...
017-PilotDS-Write

7) et ABRACADABRA voilà le résultat final !
- Vos stylos-plume Pilot des sixties sont prêts pour le service
- Vous ne manquerez plus jamais de cartouches Double Spare : même si vous en usez ou en fendez quelques-unes à l’usage, vous saurez toujours en refabriquer
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8) Dernières considérations sur ce pas-à-pas :
On peut penser que sauter l’étape du foret en coupant au cutter la cartouche directement au milieu de son biseau, et tenter de trouver comme cela le bon diamètre permettra tout autant de construire une cartouche compatible Double Spare. Je pense que ce n’est pas la bonne méthode :
- Premièrement, je ne sais pas où il faut couper précisement dans le biseau pour parvenir au bon diamètre. Devoir chercher à chaque fabrication de cartouche où couper exactement au risque de louper un certain nombre de cartouches n’est pas une méthode fiable, reproductible et efficace, tandis que percer au foret chauffé permet de trouver mécaniquement le bon diamètre sans se poser la question.
- Deuxièmement, il est plutôt ardu de réussir à couper très droit manuellement au cutter un objet rond biseauté, vous le constaterez par vous-mêmes si vous essayez de découper rien que la goupille de la cartouche.
- Enfin, l’étape du perçage au foret chauffé a une utilité fondamentale : pendant qu’il met le plastic en fusion, le va-et-vient du foret crée une lèvre d’environ un millimètre de largeur. Cette lèvre contribuera à assurer l’étanchéité de la cartouche et son serrage autour du conduit (les Double Spare recouvrent le feed sur presque 4,5 millimètres). Couper directement le biseau de la cartouche au cutter ne permet pas de créer de lèvre du tout, mais seulement un bord biseauté trop mince et insuffisant à assurer la stabilité de la tenue de la cartouche autant que son étanchéité.
3) COMMENT J’AI FAIT POUR TROUVER UNE SOLUTION ?
J’avais déjà déjà discuté à gauche à droite de l’éventualité de faire réaliser des moules de cartouches à partir des Double Spare et d’en faire refabriquer « industriellement » à petite échelle. J’ai compris rapidement le coût prohibitif d’une telle solution mis en perspective d’un marché potentiel atone, et j’ai rapidement abandonné cette option.
Sans aucune formation d’ingénieur, je ne disposais pas plus d’outils spécifiques ni de beaucoup de matériel : j’ai fait avec ce que j’avais dans mon environnement. Au départ, je ne disposais d’ailleurs pas de pied à coulisse électronique, et j’en ai un peu bavé avec les imprécisions d’un pied à coulisse classique pour un travail de ce type.
Lorsque je me suis assis à ma table de travail, j’ai commencé par vider de leur encre le maximum de cartouches de toutes les marques que j’ai pu trouver : Waterman courtes et longues, cartouches standard internationales, Parker, Lamy, Pilot, Sailor, Platinum, Waterman C/F (je n’ai pas de cartouches Sheaffer). Puis j’ai simplement observé, étudié, mesuré, comparé, analysé ces cartouches ainsi que les cartouches Double Spare et les conduits des stylos-plume Pilot DS que j’avais à disposition. Il a s’agit davantage d’expérimentation que de méthode d’ingénierie organisée.
Je pensais trouver facilement une solution au problème en deux heures de travail, pas plus, et j’ai rapidement déchanté... J’ai passé en tout quatre après-midis à réaliser des essais et des tests, à trouver quelques solutions fonctionnelles mais sans avenir, avant de trouver la bonne. Pour moi, « la bonne solution », c’est la plus simple, la plus facile à réaliser et la plus durable.
Voilà ci-dessous un de mes petits cimetières de cartouches après seulement deux heures de boulot, ce qui illustre assez bien les nombreuses tentatives avortées.
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4) LES SOLUTIONS ALTERNATIVES QUI FONCTIONNENT ... ET POURQUOI CE NE SONT PAS DE BONNES SOLUTIONS
Quelques autres solutions fonctionnelles trouvées :
Au cours de mes petites expériences d’ingénieur en herbe, j’ai trouvé au moins quatre autres solutions fonctionnelles utilisant d'autres enveloppes de cartouches. Ci-dessous, quelques-uns de mes « prototypes », OK le terme est pompeux …
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Je ne développerai pas d’explications approfondies concernant ces solutions abandonnées, étant préférable d’expliquer ce qui marche. Pas trop de temps ni d’énergie à perdre avec ce qui ne marche pas.
Deux remarques néanmoins :
- La cartouche Platinum a été à deux doigts de faire une bonne cartouche de susbsitution par une manipulation assez simple : l’inversion de son goulot. Mais cette solution implique de la colle à polymères car, à l’inversion du goulot, on perd l’étanchéité de la cartouche. Par ailleurs, le diamètre du goulot autant que la circonférence de la cartouche elle-même impliquent de forcer un peu trop son installation dans le conduit et de forcer aussi lors de son retrait. Ceci en fait une utilisation inadéquate au quotidien et assez difficile dans certains modèles de stylos. Mon objectif était de trouver une solution simple, facile à fabriquer, facile à employer au quotidien et surtout compatible avec le maximum de modèles de stylos-plume des sixties. Exit cette solution-là.
- La cartouche Sailor a été à un seul petit doigt de faire une solution native valable, native c’est-à-dire sans aucune transformation de la cartouche. La cartouche Sailor est quasiment et nativement compatible avec la Double Spare, mais trop large d’un tout petit demi-millimètre. Le conduit des Sailor doit mesurer environ 4,85 mm / 4,90 mm : cette différence pourtant minime d’un tout petit demi-millimètre avec le conduit des Double Spare fait que le goulot de la cartouche glisse dans le conduit des DS sans le serrer assez fermement. On en est réduit a espérer le serrage juste grâce à l’anneau de la goupille lorsqu’on percute la cartouche, et cet anneau est trop fin pour assurer une solution fiable, à savoir une bonne tenue et sans fuites. J’ai d’ailleurs eu des fuites en testant cette solution que j’estime fort aléatoire. Contrairement à ce qui a été répondu ici dans un fil du FPN, la cartouche Sailor n’est pas assez fiable selon moi, juste à un cheveu près : dommage, elle aurait été pourtant la solution la plus simple.
Désavantages de ces solutions alternatives :
Toutes ces solutions présentent l'un et/ou l'autre des défauts suivants, non négligeables, ce qui fait que je les ai abandonnées :
1) Il faut fragiliser la cartouche en dégradant sa struture pour obtenir le bon diamètre (par exemple la cartouche Platinum rabotée à gauche). Une cartouche fragilisée, ce n’est pas bon ma bonne dame.
2) Il faut couper ou détacher des pièces de cartouches de différentes origines, puis assembler ces diverses pièces entre elles et les coller. Or coller des parties d’éthypropylène et/ou de polypropylène entre elles est plutôt ardu : les colles à polymères efficaces ne courent pas le marché. C’est pénible et fastidieux à réaliser. Trop compliqué. Au passage, j’ai noté là que les constructeurs se sont bien débrouillés pour créer des cartouches maisons le plus incompatible possible avec celles des autres marques !
3) Ces solutions prennent beaucoup plus de temps à être réalisées.
4) Les cartouches créées sont plus fragiles et moins durables que la solution exposée au chapitre 2.
Avantages de ma solution :
1) Les cartouches customisées sont compatibles potentiellement avec tous les modèles de stylos-plume Pilot qui embarquaient des cartouches Double Spare, compte-tenu du diamètre et de la longueur très courte de ces cartouches : elles entrent dans toutes les sections de plumes et ne butent contre aucun cul de corps de stylo. Elles n’empêcheront pas son revissage avec la section de plume.
2) La solution que je propose est la plus simple et la plus rapide à réaliser tout en étant totalement fiable.
3) Cette solution est la plus durable : notez que toutes les cartouches standard internationales courtes ou les Waterman courtes feraient aussi bien l’affaire que les cartouches Montblanc. À ceci près que leur plastic est de moins bonne qualité. Le plastic des cartouches Montblanc est assez épais, rigide et résistant. Chaque cartouche créée aura ainsi une excellente durabilité.
5) QUELS SONT LES STYLOS-PLUME PILOT DES SIXTIES COMPATIBLES AVEC DES DOUBLE SPARES ?
Les trois stylos-plume Pilot des sixties avec lesquels j'ai testé mes cartouches DS customisées :
- Le PILOT Capless C200 :
… et ses frères de couleurs différentes (turquoise, corail, rouge, etc …, et leurs déclinaisons en Rhod Trim ou Gold Trim) : c’est le premier Capless à bouton-poussoir, datant de 1964. Un must have pour tout collectionneur de Capless !
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- Le PILOT RS150 :
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- Le PILOT Capless CS200-RW :
Ce Capless à bouton-poussoir est sorti en 1965, soit un an après le premier Capless poussoir, le C200. Le CS200 reste cependant largement moins connu que son aîné. Sa partie centrale est en aluminium brossé. Ses extrêmités en résine se déclinent en diverses couleurs. Il existe en deux formats : court ou long. C’est un Capless très futé : tout petit et très maniable dans sa version courte, il se révèle aussi ultra léger. Il était moins luxueux que son aîné le C200 parce que destiné au marché des étudiants. J’adore ce Capless là. Un peu rare et difficile à trouver, mais pas trop pour un collectionneur motivé. Par contre, il existe une version demonstrator de ce Capless CS200RW dont seulement quatre à cinq exemplaires au monde sont connus : celle-là est un vrai graal des collectionneurs de Capless !
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Les autres stylos-plume Pilot des sixties avec lesquels ces cartouches DS customisées sont compatibles :
- Le PILOT Capless C600-MW :
Ce Capless là est en fait le tout premier Capless de Pilot. Il a devancé le C200 car il est sorti l’année 1963. À la différence du C200 qui s’ouvre par clic-pression, le C600 s’ouvre par rotation du bouton arrière. Le public — et l’histoire — ont surtout retenu la version à bouton-poussoir bien plus pratique à mettre en oeuvre au quotidien, et ce premier Capless à rotation est tombé dans l’oubli. Aujourd’hui, il est assez difficile à trouver. C’est l’un des cinq Capless les plus rares, exceptés les prototypes et l’ultra-rarissime Capless demonstrator CS200RW encore plus rares à dénicher. Voir cette image p.228 du « Fountain pens of Japan » de Lambrou/Sunami.
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Il existe sûrement bien d’autres modèles de stylos-plume Pilot des années 1960 embarquant des cartouches Double Spare. Je ne les connais pas tous. J’ai partagé avec vous ce que je savais.
Les faux-amis :
- Le PILOT Capless C250-SS, un Capless faux-ami :
Tous les Capless des sixties n’ont pas utilisé des cartouches DS comme par exemple ce Capless rarissime, le C250-SS, modèle à « Clip-poussoir » unique en son genre utilisant la gravité pour sortir/rétracter le bloc-plume. Sorti en 1968 vers la fin de l’ère des Double Spare, il utilisait la cartouche courante standard. Ce C250-SS fait également partie des cinq Capless les plus rares, exceptés les prototypes et l’ultra-rarissime Capless demonstrator CS200RW encore plus rares à dénicher. La photo de référence est puisée p.235 du « Fountain pens of Japan » de Lambrou/Sunami.
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- Le PILOT L100-V :
Datant de 1965 environ, la version de ce stylo-plume que je possède embarque pourtant bel et bien les cartouches courantes standard ainsi que le converter CON-20.
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6) CONCLUSIONS
Avec le recul, maintenant que j’ai découvert comment « fabriquer » des Double Spare, je rigole un peu quand je repense à cette petite aventure : il y avait franchement un côté pied-nickelé-qui-part-en-guerre-bite-au-vent à vouloir créer comme ça une cartouche sans outils appropriés ni connaissances en mécanique ou en ingénierie. Je ne pensais pas que concevoir une cartouche d’encre compatible recouvrait autant aspects techniques et de contraintes mécaniques, et je n’avais même pas imaginé l’existence de toutes ces contraintes avant de me pencher sur la question.
Mais avec obstination et motivation, j’ai trouvé une solution simple et durable. When there’s a will, there’s a way. Je suis particulièrement content de me dire que je pourrai utiliser tant que je veux mes Pilot des sixties. J’espère que vous aurez appris quelque chose en lisant cet article et qu’il en aidera certains. Et si vous avez besoin de cartouches compatibles DS, mais pas l’envie de les réaliser, contactez-moi par messagerie privée.
Autres sources d’informations sur la question des Double Spare :
- http://www.stutler.cc : http://www.stutler.cc/pens/converters/
- FPN : http://www.fountainpennetwork.com/forum ... pare-pens/
- FPN : http://www.fountainpennetwork.com/forum ... e+%2Bspare


- Une cartouche Double Spare Pilot prend 0,8 ml d’encre
- Un W-CON prend 1 ml d’encre
- Une cartouche Montblanc prend 1 ml d’encre
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Crédits photos de l’article :
- Bernard POULAIN pour le shooting du pas-à-pas
- Russell STUTLER
- Yoshiharu TAKAHASHI
Graphiste/Coach pour les photomontages Photoshop :
- Sarah VINET
Texte édité pour corrections de coquilles