Nous allons donc passer en revue dans cet article les subtiles différences entre ces deux outils étonnants : le Rotring 600 et le Rotring Newton...
Heureusement, pour les différencier plus facilement ici, nous avons la chance d'avoir deux modèles de couleur distinctes. Le Rotring 600, pour commencer, est présenté ici dans sa livrée métal nu. Il existe aussi en noir mat et en « lave » (?). Le Rotring Newton, par opposition, est visible en noir, mais il existe en diverses couleurs. Sans cette petite différence, nous aurions eu autant de mal à les distinguer que deux terribles canidés que sont le loup de Sibérie et son alter ego le teckel à poil ras.
Pour le reste, nous avons donc deux stylos plume, plume acier, corps métallique, section hexagonale, capuchon clipsé, alimentation par cartouches internationales. E-qui-va-lents vous disais-je !
Vue de face :

Et vue de profil :

Alors quels autres différences ? Procédons sérieusement, par étape.
La plume d'abord. Celle du 600 est parfaitement lisse, hormis la taille, B ici, indiquée sur la tranche. Celle du Newton possède une gravure asymétrique, et c'est une taille M. Pour l'anecdote, la plume du 600 est d'une très grande douceur dans le sens normal. Sur l'envers elle écrivait très fin, mais en accrochant horriblement le papier. J'ai donc tenté un adoucissement au micromesh sur l'envers... Que ce machin est puissant ! En deux passage de grain fin, la plume était déjà adoucie. Un passage supplémentaire au grain moyen, elle n'écrivait plus qu'à la verticale... deux passages supplémentaires et c'était réglé. Elle écrit maintenant parfaitement des deux côtés ! La plume du Newton fait la même chose. Pour l'anecdote ici,c'est la première plume que j'ai utilisée lors de mon retour aux stylos plumes...
Les plumes :

Elles écrivent très bien :

Le corps et le capuchon : Manier le Rotring 600 donne l'impression d'être aux commandes d'un tank. Lourd, tout en métal anguleux, blindé, utilitaire, efficace... . Pour rester dans la famille des véhicules, le Newton me fait plutôt penser à un avion. Plus léger, plus subtil, métallique également, mais plus en rondeur, et plus fragile aussi. Pas vraiment un Concorde, plutôt un ATR, efficace et utilitaire...

Quelques mots encore sur le capuchon et son accroche sur le stylo. Ces stylos à section hexagonale seraient disgracieux si le corps et le capuchons se montaient alignés n'importe comment. Rotring a donc intégré un système de détrompage pour éviter cela. Le 600 comporte des ergots à la base de la section qui imposent de parfaitement aligner les faces du capuchon et du corps pour pouvoir se clipser, en exerçant un effort significatif. Une fois clipsé, plus rien ne bouge et on pourrait se suspendre sans inquiétude, si ce n'est sans risque, à l'assemblage. Pour le Newton, il y a aussi un truc : la découpe du capuchon et du corps est oblique, le capuchon se clipse en alignant ces biseaux. De fait les faces du corps et du stylo fermé sont toujours alignées. De plus, une légère rotation du capuchon permet de le déclipser sans effort. Presque trop facilement d'ailleurs, il est fortement déconseillé d'accrocher le stylo dans un sac par le capuchon, au risque de voir la plume partir visiter le fond du sac (ou de la poche, ou de la chemise etc...).
Autre fonctionnalité propre aux premiers membres de la famille des 600 : une bague rotative sur le capuchon permet d'afficher la taille de la plume. On pourrait discuter de l'intérêt sur un stylo pour lequel la taille de la plume change assez peu souvent, Rotring a donc simplifié le système sur la suite de la série... En revanche pour les porte-mines de la série 600, je trouve ça très utile car on peut y afficher la dureté de la mine...
Il faut maintenant démonter les stylos pour voir l'intérieur.

Le 600 se démonte comme n'importe quel stylo, avec un solide pas de vis sur la section métallique. Il fait apparaître un logement pour cartouches internationales. Il semble qu'il y ait un débat sur le type de convertisseur compatible (Waterman, Rotring, international...) Pour ce cheval de trait utilitaire jusqu'au bout de l'agrafe, je ne me suis pas posé de questions et suis retourné aux bonnes vieilles cartouches Waterman bleu noir... (ou mystère, comme il faut dire maintenant?).
Pour le Newton il y a un encore un truc. Toujours une histoire de biseaux et d'obliques : le problème vient du fait que le corps est en appui oblique sur la section Voyez les photos : impossible à dévisser de manière classique. La solution est apportée par un système d'accroche par vis interne au corps. Il faut tourner la partie arrière du stylo, là où on voit les petites cannelures, pour dévisser le corps interne du stylo. Plutôt ingénieux, mais il faut connaître le système... L'alimentation se fait par cartouches ici aussi.
A l'utilisation, ces deux engins sont particulièrement efficaces. Comme déjà évoqué, ce sont des outils de travail, pas forcément luxueux, mais très techniques (voir la qualité des ajustements du 600, la complexité du système du Newton). On doit oublier l'envie de pleins et de déliés avec ces plumes aussi rigides qu'un barreau d'acier, mais leur douceur et leur fiabilité les rendent néanmoins particulièrement agréables à utiliser. Sans surprise, ce sont des stylos plutôt lourds. Sur d'autres stylos, il m'arrive de poster les capuchons, mais ici c'est juste hors de question. C'est techniquement possible, mais le poids rajouté à l'arrière déséquilibre complètement le stylo. Question durabilité, là aussi c'est du solide. Le Rotring 600 a sans doute bien vécu et en porte les traces, mais on le sait fait pour cela. Le seul point un peu faible semble être le joint torique à l'arrière du stylo qui a craquelé. Comme il ne sert à rien d'autre qu'à maintenir le capuchon posté, ce que je ne fais pas, cela n'a pas vraiment d'importance. Le Rotring Newton a aussi bien servi, mais son habillage est plus fragile. Le revêtement en peinture laquée est plus sensible aux chocs, et laisse apparaître le laiton en dessous à un endroit. Quant à l'anneau rouge, la peinture a tendance à s'écailler... un peu dommage, mais cosmétique uniquement.


Professionnellement, il m'arrive dans certaines réunions de terrain, entourés de blocs notes, de bics et de porte mines, à me sentir un peu déplacé en sortant même un « simple » Pilot 912 noir brillant. Disons, comme si j'avais une belle Lexus au milieu d'engins de chantier. Si le Newton passe déjà plus inaperçu, avec le Rotring 600 plus aucun état d’âme : c'est moi qui ai le plus gros camion...
Voilà, nous avons fait le tour de ces stylos finalement bien sympathiques. Si on voit bien le lien de parenté entre les deux, ils ne sont finalement pas si faciles à confondre. Il semblerait qu'une partie de cette confusion vienne en fait de la stratégie marketing de Rotring qui aurait partagé le nom de Newton entre la fin de la série 600 et le début de la série redesignée Newton en tant que telle. Du coup on trouve un peu de tout sur internet, entre les Rotring 600, 600 Newton, 600 new design, Newton old design... il faut bien regarder les photos...
Et pour faire complètement le tour de la question, nous pourrions également ouvrir le débat sur un stylo complètement différent, à savoir le Parker Facet, mais c'est une autre histoire...