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Bonjour à toutes et tous,

Je ne sais si c’est la chaleur ou le programme estival d’Arte « Summer of Passion », mais j’ai relevé certaines expressions, subliminales ou non, au fil du dernier SDD intitulé « Le stylo-plume : un signe extérieur de … ? ».

Je les cite pêle-mêle : « convaincue du plaisir que procure une plume et son utilisation … encre lubrifiée … l’utilisation du stylo plume me procure des sensations uniques : le contact et le bruit de la pointe de la plume sur les fibres du papier, sa précision, sa vitesse et son agilité offrent l’action d’écrire jouissive … je milite pour le plaisir et si possible le mien … petit objet phallique … le soyeux du capuchon qui glisse par friction sur le corps »

Si bien que je vous propose le sujet torride de ce dimanche 24 juillet :
« Collectionneurs ou fétichistes ?»

Ce qui revient à dire : qui ou que sommes-nous en réalité ? Des collectionneurs ou des fétichistes de tout ce qui est relatif à l'écriture ? Que cachons-nous (hommes et femmes) dans nos coffres-forts, dans nos étuis gainés de cuir et sous nos encres lubrifiées ?

Je n’irai pas jusqu’à employer le terme de « pervers » (je mets les guillemets et les fleurs ) ... quoique … vu la façon dont nous idolâtrons nos Précieux avec leurs pistons siliconés et que nous caressons langoureusement nos carnets et vélin, il n’y a qu’un pas

Pour information, et vu le nombre de définitions qui existent de ces termes, j'en joins glisse quelques unes issues :

_ du Petit Larousse illustré 1987 :

"Fétiche : n. m. (portug. feitiço, sortilège).
Objet ou animal auquel sont attribuées des propriétés magiques, bénéfiques pour leurs possésseurs.
Psy. Objet inanimé ou partie du corps non sexuelle, capables de devenir à eux seuls objets de la sexualité."

_ et celle du Dictionnaire encyclopédique Quillet 1958 :

"Fétiche : objet artificiel auquel on attribue un pouvoir enchanteur, magique.
Objet matériel auquel certaines tribus attribuent un culte.
Objet que les superstitieux, surtout ceux qui courent quelque risque, considèrent comme devant les protéger, portent sur eux ou auprès d’eux.
S’emploie comme adjectif en ce sens : par ex. pierre fétiche, chien fétiche, poupée fétiche …

Fétichisme : culte des fétiches
Méd. Perversion sexuelle dans laquelle une seule partie du corps ou de l’habillement, à l’exclusion de toutes les autres, est susceptible d’éveiller l’appétit vénérien."

Bon dimanche avec thé glacé (ou ce que vous voulez) !

J'espère juste ne pas être fétichiste, moi qui apprécie tout particulièrement les Pilot FA avec leurs petites plumes toute fine qui se "tordent" facilement...

...

Je me qualifie plutôt de sensuelle .

Bonjour,


Le petit Larousse est un gamin savant, mais ici, il se trompe : car si le terme, attesté en 1669, est bien emprunté au Portugais, il ne signifiait alors pas "sortilège", mais "amulette", le Portugais l'ayant lui même tiré du Latin "facticius".......


Pour le reste, chers amis, nous sommes bien d'accord : nos chers stylos-plume ne sont au fond que des grigris, vecteurs des pires perversions psychiques, sensorielles, sexuelles et autres...


Et, pour démontrer irréfragablement le propos, je vais prendre ici l'exemple du plus ancien membre de SPO, d'autant plus terrifiant qu'il s'agit d'une femme !

J'en vois d'ici certaines qui commencent à trembler........... Mais, rassurez-vous, Gabian et les autres, il ne n'agit pas de vous, mais d'une certaine Emma.................


Eh oui, frustrée quant à ses attentes romanesques, sociales, conjugales et sexuelles, Emma Bovary commande les accessoires nécessaires pour jouer le rôle de ses rêves : écharpes, robes, et même « une papeterie, un porte-plume et des enveloppes, quoiqu’elle n’eût personne à qui écrire ».....
Par la suite, elle se rêvera en héroïne de roman écrivant son histoire jusqu’au grand rôle final : son suicide, en avalant de l’arsenic qui a « l’affreux goût de l’encre ».

L'affaire est claire : voilà où mène l’addiction à la plume ! Et je laisse au demeurant la parole à M. l’avocat impérial, M. Ernest Pinard, qui poursuivit Flaubert ("Madame Bovary, c'est moi !") devant la Justice : "La couleur générale de l'auteur, permettez-moi de vous le dire c'est la couleur lascive, avant, pendant et après ces chutes ! "

Tremblez donc tous, pervers membres de SPO, car vous ne savez pas jusqu'en quelles extrémités vous porteront vos dérèglements et votre fétichisme !

Et encore, mieux vaut ne pas aborder le cas des maniaques doublement endurcis qui se sont aventurés à écrire ici : viewtopic.php?f=39&t=8925

Ni l'un ni l'autre.
Testeur. Curieux.
Mais je n'ai plus grand chose à tester...

Je suis venu au stylo plume par la correspondance à un moment où le clavier ne me satisfaisait plus pour toucher l'espèce humaine. Est-ce que cela fait de moi un fétichiste par extension? Je ne crois pas vraiment, ou peut-être un peu?

Et puis j'ai découvert la variété des prises en main, tailles de plume et autres réglages qui m'ont fait essayer plein de stylo, jusqu'à ce que mon penchant pour la collection me pousse à ça...

Conway Stewart 58


Conway Stewart DURO 2


Aurora Hastil


Montblanc Danois 20x


des mini-collections de vintages.

Bref, je suis certainement un peu des deux

(je recycle mes photos car j'ai beaucoup de pain sur la planche en ce moment...)

"(…) un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'étais inoccupé et triste, me proposa de me faire découvrir, comme à l'accoutumée, un de ses instruments favoris...
Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai.
Elle envoya chercher un écritoire et revint avec un petit objet, une plume nouvelle qu'elle appela « Montblanc » qui semble avoir été dessiné par un maître orfèvre. Il était gravé des initiales : M. P.
Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes yeux ébahis l'objet lisse, noir, orné d'argent sculpté. Mais à l'instant même où ma main saisit l'instrument, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause."
Avec la permission de M.Proust . A la recherche du thon perdu"

"Monsieur entra. Ah ! le drôle de bonhomme, et qu’il m’amusa !... Figurez-vous un petit vieux, tiré à quatre épingles, rasé de frais et tout rose, ainsi qu’une poupée. Très droit, très vif, très ragoûtant, ma foi ! il sautillait, en marchant, comme une petite sauterelle dans les prairies. Il me salua et avec infiniment de politesse :
– Comment vous appelez-vous, mon enfant ?
– Célestine, Monsieur.
– Célestine... fit-il... Célestine ?... Diable !... Joli nom, je ne prétends pas le contraire... mais trop long, mon enfant, beaucoup trop long... Je vous appellerai Marie, si vous le voulez bien... C’est très gentil aussi, et c’est court... Et puis, toutes mes femmes de chambre, je les ai appelées Marie. C’est une habitude à laquelle je serais désolé de renoncer... Je préférerais renoncer à la personne...
Ils ont tous cette bizarre manie de ne jamais vous appeler par votre nom véritable... Je ne m’étonnai pas trop, moi à qui l’on a donné déjà tous les noms de toutes les saintes du calendrier... Il insista :
– Ainsi, cela ne vous déplaît pas que je vous appelle Marie ?... C’est bien entendu ?...
– Mais oui, Monsieur...
– Jolie fille... bon caractère... Bien, bien !
Il m’avait dit tout cela d’un air enjoué, extrêmement respectueux, et sans me dévisager, sans fouiller d’un regard déshabilleur mon corsage, mes jupes, comme font, en général, les hommes. À peine s’il m’avait regardée. Depuis le moment où il était entré dans le salon, ses yeux restaient obstinément fixés sur mon petit stylo Waterman's, celui qui pendait à mon cou, attaché à sa chainette par un anneau bélière.
– Vous en avez d’autres ?... me demanda-t-il, après un court silence, pendant lequel il me sembla que son regard était devenu étrangement brillant.
– D’autres noms, Monsieur ?
– Non, mon enfant, d’autres stylos plume...
Et il passa, sur ses lèvres, à petits coups, une langue effilée, à la manière des chattes.
Je ne répondis pas tout de suite. Sur une interrogation plus pressante, je finis par répondre, mais d’une voix un peu rauque et troublée, comme s’il se fût agi de confesser un péché galant :
– Oui, Monsieur, j’en ai d’autres...
– En ébonite ?
– Oui, Monsieur.
– En ébonite marbrée ?
– Mais oui, Monsieur.
– Bien... bien... Et en ébonite marbrée jaune ?
– Je n’en ai pas, Monsieur...
– Il faudra en avoir... Je vous en donnerai.
– Merci, Monsieur !
– Bien... bien... Tais-toi !
J’avais peur, car il venait de passer dans ses yeux des lueurs troubles... des nuées rouges de spasme... Et des gouttes de sueur roulaient sur son front... Croyant qu’il allait défaillir, je fus sur le point de crier, d’appeler au secours... Mais la crise se calma, et, au bout de quelques minutes, il reprit d’une voix apaisée, tandis qu’un peu de salive moussait au coin de ses lèvres:
– Ça n’est rien... C’est fini... Comprenez-moi, mon enfant... Je suis un peu maniaque... À mon âge, cela est permis, n’est-ce pas ?... Ainsi, tenez, par exemple je ne trouve pas convenable qu’une femme nettoie ses stylos plume, à plus forte raison les miens... Je respecte beaucoup les femmes, Marie, et ne peux souffrir cela... C’est moi qui nettoierai vos stylos, vos petits stylos, vos chers petits stylos plume... C’est moi qui les entretiendrai... Écoutez bien... Chaque soir, avant de vous coucher, vous porterez vos stylos dans ma chambre... Vous les placerez près du lit, sur une petite table, et, tous les matins, en venant ouvrir mes fenêtres... vous les reprendrez.
Et, comme je manifestais un prodigieux étonnement, il ajouta :
– Voyons !... Ça n’est pas énorme, ce que je vous demande là... C’est une chose très naturelle, après tout... Et si vous êtes bien gentille...
Vivement, il tira de sa poche deux louis qu’il me remit.
– Si vous êtes bien gentille, bien obéissante, je vous donnerai souvent des petits cadeaux. La gouvernante vous paiera, tous les mois, vos gages... Mais, moi, Marie, entre nous, souvent, je vous donnerai des petits cadeaux. Des Waterman's, des Unic, des Gold Starry... Et même des Parker... Et qu’est-ce que je vous demande ?... Voyons, ça n’est pas extraordinaire, là... Est-ce donc si extraordinaire, mon Dieu ?
Monsieur s’emballait encore. À mesure qu’il parlait, ses paupières battaient, battaient comme des feuilles sous l’orage.
– Pourquoi ne dis-tu rien, Marie ?... Dis quelque chose... Pourquoi n’écris-tu pas avec ton petit stylo ?... Ecris un peu, que j’en voie la plume... que je la voie vivre sur le papier, ta petite plume en or…
Il s’agenouilla, baisa mon stylo, le pétrit de ses doigts fébriles et caresseurs, le décapuchonna... Et, en le baisant, le pétrissant, le caressant, il disait d’une voix suppliante, d’une voix d’enfant qui pleure :
– Oh ! Marie... Marie... ton petit stylo... donne-le-moi, tout de suite... tout de suite... tout de suite... Je le veux tout de suite... donne-le-moi, ton petit stylo plume...
J’étais sans force... La stupéfaction me paralysait... Je ne savais plus si je vivais réellement ou si je rêvais... Des yeux de Monsieur, je ne voyais que deux petits globes blancs, striés de rouge. Et sa bouche était tout entière barbouillée d’une sorte de bave savonneuse...
Enfin, il emporta mon stylo Waterman's et, durant deux heures, il s’enferma avec lui dans sa chambre...
– Vous plaisez beaucoup à Monsieur, me dit la gouvernante en me montrant la maison... Tâchez que cela continue... La place est bonne...

Quatre jours après, le matin, à l’heure habituelle, en allant ouvrir les fenêtres, je faillis m’évanouir d’horreur, dans la chambre... Monsieur était mort !... Étendu sur le dos, au milieu du lit, le corps presque entièrement nu, on sentait déjà en lui et sur lui la rigidité du cadavre. Il ne s’était point débattu. Sur les couvertures, nul désordre ; sur le drap, pas la moindre trace de lutte, de soubresaut, d’agonie, de mains crispées qui cherchent à étrangler la mort... Et j’aurais cru qu’il dormait, si son visage n’eût été violet, violet affreusement, de ce violet sinistre qu’ont les aubergines. Spectacle terrifiant, qui, plus encore que ce visage, me secoua d’épouvante... Monsieur tenait, serré entre ses dents, mon stylo plume…"

OCTAVE MIRBOT, "LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE"

Les stylos, j’aime les tourner dans tous les sens, les tripatouiller pour en sentir toutes leurs rondeurs et aspérités le temps que vienne l’inspiration.
Ça me détend

C'est cette étrangeté inquiétante dans le regard de Jeanne et ce je ne sais quoi de glaçant en son phrasé qui faisaient d’elle une actrice, et non une poupée, contrairement à telle actrice contemporaine que je ne citerai pas.... Malheureusement, sa place demeure bien vide..........

toltotoll a écrit : ↑24 juil. 2022 13:08 "Monsieur entra...."

Quelle parfaite illustration du sujet!
"ses yeux restaient obstinément fixés sur mon petit stylo Waterman's, celui qui pendait à mon cou, attaché à sa chaînette par un anneau bélière" : ça se trouve ça? je veux çaaaaaaaaaaaaaa!

Pour ma part, je n'ai pas de fétiche et je ne suis pas fétichiste des stylos, du moins pour le premier point pas encore, je ne désespère pas de trouver mon stylo fétiche, celui qui te correspond de ̶p̶i̶e̶d̶s̶ ̶e̶n̶ ̶c̶a̶p̶ plume en capuchon, celui que tu veux emporter partout (y compris sur la table du salon à la place des stylos publicitaires hahaha) celui qui sublimera les écrits, qui ne faillira jamais, et s'il ne coûte pas cher ça sera encore mieux hahahaha Je pensais que ce serait l'Eversharp Skyline, que j'aime beaucoup beaucoup, mais notre amour est platonique, je prends soin de lui mais pour le moment je ne le maîtrise pas, peut être qu'il ne me convient pas, que je force pour rien, peut être que ça viendra,on apprend à se connaître, ça ne fait qu'un an.

Justement ces dernières semaines je brandissais mon M205 Aquamarine comme talisman pour chasser les tentations: non à un Pelikan 400 en écaille de tortue... Non à un M120 bleu... Non à un Mabie Todd Swan... Pas suffisamment puissant pour renoncer à un Carène d'occasion mais qui va de retour par cause de plume tordue...

Déjà dans le SDD "êtes vous un collectionneur" je me défendais, moâ ôh simple "utilisateur"... Mais avec 50 stylos, la défense s'écroule. Si j'ai un fétichisme, c'est plutôt avec la couleur des encres, mais c'est indescriptible; et chacune a besoin de la bonne combinaison de stylo, encre, papier... Lumière.

Puis entre en scène cette combinaison entre la couleur de l'encre et celle du stylo; comme Blood Orange et un Carène taupe (Frosty Brown quoi) qui me laise ébahi: we are not worthy.

Mouhwee a écrit : ↑24 juil. 2022 15:35 Quelle parfaite illustration du sujet!
"ses yeux restaient obstinément fixés sur mon petit stylo Waterman's, celui qui pendait à mon cou, attaché à sa chaînette par un anneau bélière" : ça se trouve ça? je veux çaaaaaaaaaaaaaa!

Disons que j'ai un peu trahi le génial Octave Mirbeau qui, dans son Journal d'une femme de chambre, a écrit la plus célèbre scène fétichiste de toute la littérature française... A l'origine il ne s'agissait pas d'un stylo Waterman's à bélière... mais d'une paire de bottines ! Pour le reste, je n'ai rien changé au texte.

Ceci étant dit, oui, les petits stylos "ladies" de l'époque avaient souvent une bélière pour pouvoir être suspendus au cou de ces dames.

Image, vente collection Francine Gomez

Image Morastylos

Tu peux assez facilement trouver le Lady Elsa, plus récent (années 80), en galalithe et avec bélière.

Image Morastylos

Merci beaucoup pour ces précisions, je vais essayer de fouiner!
J'avoue avoir envie d'un stylo pendentif depuis avoir vu le personnage de Joan en porter un dans la série Madmen, même si on dirait plus un bille qu'une plume

Mouhwee a écrit : ↑24 juil. 2022 16:42 on dirait plus un bille qu'une plume

Je ne saurais me prononcer ; j'ai l'impression que le stylo est surtout un prétexte destiné à mettre en valeur le coussin qui lui sert de présentoir.........

Plagiaire, Toltotoll ! Quoi, moi ?!
et copieur en plus

Bon, c'est bien parce que c'est toi ...Pfff !

"...je tâte mon stylo dans ma poche, comme un chrétien son chapelet, et le diable s'envole, qu'il ait tort ou raison." (Rolland Dubillard)

Stylo fétiche, oui, justement parce que pas collectionneur !
Sans parler d'un stylo tout-terrain (parce que je le transporte exclusivement dans son étui), j'emmène mon Léman partout, et m'en sers tant qu'il y a un papier et un support (pour poser le capuchon !).
Mes autres stylos plume (peu nombreux) me servent à la calligraphie, pour le plaisir et me vider la tête.
Par contre, rien de fétichiste dans mon rapport avec mes stylos : c'est l'utilisation de l'outil, qui m'intéresse ; pas son tripotage !

toltotoll a écrit : ↑24 juil. 2022 13:08 OCTAVE MIRBOT, "LE JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE"