Bonne nouvelle, c’est descendu à quatorze. Sept modernes, sept anciens. Et sans se forcer, hey. Dans cinq ans je bouffe des pommes dans un ermitage en pierre construit de mes mains, parti comme ça. Sans internet, avec un seul stylo chinois à 3 €.

On commence par les modernes, et parmi eux, à tout seigneur tout honneur, le dernier arrivé, parce que la lune de miel semble bien partie pour durer (on en recause dans un an). L’Aurora Optima. Le bleu et argent d’abord, avec sa plume fine, son encre Asa-gao et son papier vergé. Stylo du soir et de la main calme, ça marche moins bien dans la journée. Il aurait pu être trop gros, il me va parfaitement en main. J’adore les racines et le dessin de ce stylo, la longue section et le contraste noir/couleur, j’adore la plume fine et nette un peu dure, qui n’est peut-être pas la meilleure mais se faire la plus belle quand, d’un seul coup, alleluiah, quelque chose se passe entre elle, moi, l’encre et le papier et que je n’ai plus d’autre envie que d’aligner les mots. J’adore ces bleus éclatants et joyeux qui sortent du wabi sabi à deux balles et du noir à tous les étages, j’adore me rappeler chaque détail du jour où je l’ai acheté. J’adore les Italiens quand il sont à la limite de verser dans l’horreur et qu’ils se retiennent juste avant d’y tomber. Bref, j’aime tout de ce stylo massif et élégant à la fois, raffiné mais costaud, quasi-parfait, qui m’a permis de faire mieux connaissance avec la lumineuse Asa-gao. Si je ne devais en garder qu’un, ce serait certainement celui-là. Rarement, ce fut une surprise, stylo m’est allé mieux en main.
Pareil avec le vert et or, sa belle plume moyenne et sa Syo-ro. Les séparer lui et le bleu serait péché, non ? Ils ne servent pas aux mêmes choses, pas aux mêmes moments. Lui est plus tranquille, plus pépère, un peu plus mollasson. Il se la joue un peu, mais il suffit de lui faire dire trois âneries pour qu’il cesse de se prendre au sérieux. Des fois, il fait la course avec le Custom 74 avec qui il partage la même encre, ils sont un peu jaloux l’un de l’autre, c’est rigolo de les voir se tirer la bourre pour me séduire. Et que t’as vu ton tour de taille, rital de mes deux, oui mais t’as bien regardé la gravure de ma bague et mon vert au soleil ? L’Aurora se la pète un peu, il se la joue transparences mystérieuses, poésie raffinée et Orient-Express de pacotille. Dès que le sac de voyage et les carnets sont de sortie, les deux frétillent en roucoulant. Donc, hop, le bleu et le vert dans le même sac. Smack.
Le Namiki Falcon. Vingt dieux, la jolie plume souple, nette et mordante de ce petit stylo qui ne paye pas de mine. Pas bien gros, d’une discrétion à pleurer mais pétard ! quelle plume dynamite, et quelle allure avec son air de rapace ! La plus intéressante des plumes modernes, à laquelle je reviens tout le temps, je ne peux pas m’en empêcher, celle qui a le plus de caractère sans être difficile pour autant, même si elle est un peu brutos comparée aux anciennes. Du pur plaisir. Pssst, écoutez : vous vous trouvez peu sûr de vous, pusillanime, procrastinateur, et pour couronner le tout ça ne marche pas bien avec les filles ? Adoptez un Namiki Falcon : pour moins de 100 euros, il va vous donner une écriture nerveuse et décidée et transformer la déplorable image que vous avez de vous. Je n’en garde qu’un, ce sera toi, p’tit gars.
Pilot again : mon beau Custom 72 de notable de province au dessin classique, élégant, léger, que je manipule toujours avec plus de douceur que les autres, à la superbe plume si douce, toujours rempli de la transparente Kiri-same grise. Je ne peux rien imaginer d’autre dedans. A cause de la frise du capuchon, du guillochage, de la plume légère et de l’encre, je ne pourrais pas m’en séparer, c’est assurément celui que je garderais.
Pilot 74 transparent à plume M. Alors là, je jure que c’est vrai, j’ai bien réfléchi, c’est l’unique que je garderais et que j’emporterais partout. J’en ai souvent parlé, un cheval de trait, un de ces beaux petits bretons durs à la tâche, le stylo avec lequel la Syo-ro est la plus belle sur le papier. Ca y est, je plane rien que d’y penser, à la Syo-ro sous cette plume. Dimensions parfaites en main, bonne plume mœlleuse et généreuse, increvable, un brin de fantaisie en transparent avec le gros convertisseur à poussoir. Ce n’est certes pas le plus sexy, mais je ne sais pas bien de quoi je pourrais rêver de mieux pour le prix (moins de 100 euros). Et le jour où je m’ennuie, je peux toujours en choisir un autre avec une plume différente, puisqu’il en existe des tas, dont des plus souples.
Si je ne mets pas un Sailor dans la bande, ça va me mettre mal avec Loïc. Je rigole, on sait jamais à qui on a à faire sur ces forums, s’pas... Donc, allez, un 1911 à plume fine. Pas parce que la forme du stylo m’emballe plus que ça, encore qu’en mains il se fasse oublier bien qu’un poil gros pour moi, à cause de la superbe plume fine, bien sûr. Ah, les plumes Sailor... Soupir...
J’allais l’oublier, tiens : un de mes petits Pilot Elite et cie des années 70, short pen long cap, plume fine cousine de celle du Custom 72. Très fin une fois le capuchon monté, rhâââ que j’aime ce pur produit des 70’s, je prends au pif celui avec la veste à carreaux, ça fait encore plus d’époque. Rien de spectaculaire lui non plus, juste un stylo délicieux, un de ceux avec lesquels j’écris le mieux sans jamais fatiguer. J’aurais pu choisir son cousin le Myu, très proche, mais avec son corps tout en métal, il me glisse un peu dans la main. Mais quelle plume ahurissante et quel dessin, cet indémodable Myu. Si je ne devais... TA G... OU TU FINIS DANS L’ARBRE !!!!
Avec ceux-là, on joue un rôle différent à chaque fois, ils vous offrent chacun quelque chose de différent. Certains ont été passés en revue : les Aurora, le Falcon, le Custom 72, le Myu, on parle aussi du Custom 74, mais j’ai la flemme de chercher où, allez voir vous-même dans l’index, c’est écrit.
Au tour des anciens, à présent. Pas grand chose n’a changé, pour le plaisir d’écrire (pas d’idée de collection encore ici), on va retrouver presque les mêmes que l’année passée, avec principalement des Waterman et des Pelikan. De la plupart, il a également été question en rubrique Vintage, voir l’index là aussi. Là, j’aurais pu en ajouter de nombreux autres !

Waterman 94 couleur moss agate, c. 1930. Pour la somptueuse couleur, celle que j'aime le plus, la forme Art déco, pour la belle plume fine semi-flexible. Toujours encré en vert. De celui-ci, j’aimerais bien avoir plusieurs déclinaisons. C’est celui qui dans la gamme venait juste après le Patrician.
Waterman 92 rouge et noir. Le troisième dans l’ordre de la gamme des années 30. Très belle couleur, un peu plus fin que le précédent. Je m’étais extasié sur sa plume dans l’essai que j’en avais fait avec le 94, elle m’enchante toujours autant. J’aime beaucoup ces beaux stylos économiques sans prétention, à la qualité sans concession.
Waterman 452 1/2. Encore un stylo courant, la version fine de l’éternel overlay 452 en argent. Plusieurs choses me plaisent beaucoup chez celui-ci : le côté encore un peu XIXème, vaguement victorien, la finesse du stylo, la belle plume qui me fait écrire d’une manière particulière et me rappelle certaines écritures anciennes dont je raffole, celle des vieux journaux de voyages et des belles correspondances.
Pelikan 101N tortoise d’avant-guerre. Un merveilleux stylo, celui-là. Acheté à une Mata-Hari italienne, ambiance Eric Ambler, avec une sacrée rigolade ce soir-là (m’entend-elle, du fond de ses bois ?). Mon stylo à journal de voyage, plume fine semi-flexible parmi les plus agréables qui soient. Je ne vais pas repartir sur mon goût des Pelikan anciens et de leurs merveilleuses plumes, stoooop. La Monaco red lui va si bien. De d'là qu’il est beau qu’il est bon, mon stylo de grand voyage des années 30 !
Pelikan 100 noir, 1940. Pour le plaisir et l’émotion intacte encore de ma première entrée chez les vieux Pelikan. J’en ai parlé ailleurs.
Montblanc 134, 1938. Pour sa plume extraordinairement délicate et chantante, qui me fait toujours penser à un instrument de musique. Son acquisition fut une épreuve !
Sheaffer Balance noir, c. 1936. Le plus ordinaire des Balance, un vieux copain à moi. On se demande pourquoi on a besoin d’autres stylos quand on a touché, quand on a écrit avec un vieux Sheaffer, remarque valable pour tous les anciens Sheaffer dont il existe un choix phénoménal, qu’on peut souvent s’offrir pour une poignée de cerises. La plume Lifetime légèrement recourbée vers le haut façon Waverley est extraordinaire de douceur, il ne pèse rien, il est de taille idéale dans sa version standard, il n’a rien de trop, il fonctionne toujours à la perfection quatre-vingts ans plus tard.
J’aurais pu en ajouter quelques autres, quand même !
Allez, ciao, Ca Continue Cemain Prochain !
Jimmy