J’ai du coup ressorti les stylos qui dormaient, redécouvert la précision de leurs plumes, retrouvé un regain d’intérêt pour le maki-e... et ressorti aussi certains bouquins japonais, dont le rouleau de Masao Yamamoto qui sert de fond aux photos.
Pour des raisons personnelles, alors que la plupart du temps je préfère un contact physique avec l’objet et le vendeur pour de tels objets, j’ai commandé celui-ci sur internet, sans le voir auparavant ni tester la plume. Je voulais faire connaissance avec les plumes modernes Namiki et voir à quoi ressemblait un de leurs maki-e de coût raisonnable. J’ai donc choisi un modèle d’entrée de gamme Tradition à motif d’ukiyo-e qu'on pourra trouver un peu convenu. Petit plaisir du choix, il existe quatre modèles dans cette collection qui doit être à présent discontinuée, même si on trouve toujours les stylos. La Courtisane me plaisait bien avec ses contrastes de rouge, noir et or, j’ai longuement hésité entre la présence du Sharaku et la légèreté du Vidro (le Vidro est un instrument en verre dans lequel on souffle), c’est finalement ce dernier, inspiré d’une estampe d’Utamaro >> que j’ai choisi.

Livré dans la jolie boîte en pawlonia très léger garni de velours cramoisi courante chez les beaux japonais, le stylo est un peu plus imposant que je ne l’attendais, cela est d’abord dû à sa longueur, 14,2 cm fermé, 12,5 sans capuchon, plume comprise. Le diamètre du corps, 12 mm, est parfait pour moi. La première impression du décor est qu’il est simple et un peu terne. Il m’a fallu une ou deux heures pour m’y habituer. J’aime assez à présent l’espèce de quiétude que dégage ce portrait éthéré au regard vague. Le décor du capuchon est très simple, sans grandes nuances, quelques fleurs flottant sur le fond noir rappellent les notes qui sortent de l'instrument. Ce qu’on remarque immédiatement, c’est que la base de ce dessin est mécanique, ce qui est normal sur un maki-e d’entrée de gamme. En le regardant à la loupe, on voit apparaître des détails subtils qui ne se révèlent pas tout de suite, un relief très fin dans la chevelure, le saupoudrage d’or dans les aplats de couleur...

Le stylo en résine a une très agréable présence en main, il est très léger, 18,5/11,5 grammes avec/sans capuchon, convertisseur inclus, ce qui me convient parfaitement pour écrire longtemps sans peine. La forme est belle, même si elle est un peu moins pure que celle des modèles supérieurs à corps en laiton avec sa fine bague à l’arrière et sa forme un peu plus arrondie, un peu moins fuselée. C’est un joli stylo, mais on voit immédiatement que ce n’est pas un stylo de prestige.
La lèvre du capuchon est renforcée à l’intérieur par une bague de laiton sommairement teinté en noir. L’agrafe Namiki est toujours aussi belle (détail totalement mineur, la teinte de sa dorure est légèrement différente de celle de la plume). Le pas de vis du capuchon est à une seule entrée, contrairement à la plupart des stylos qui en comportent trois ou quatre, le motif du corps tombe donc toujours à la même place. Un gros bon point pour les filets adoucis, on ne les sent pratiquement pas sous les doigts, c’est relativement rare et cela rend la préhension douce et plaisante. Le pas de vis de la section est en plastique.
J’avais choisi une plume B : après avoir rempli le stylo avec l’unique cartouche d’encre Pilot noire livrée avec, j’ai immédiatement pensé que c’était une erreur. J’ai aussi pensé que je n’avais à m’en prendre qu'à moi-même puisque je l’avais commandé sur internet sans l’avoir vu ni testé auparavant. La plume est plus large que ce que à quoi je m’attendais, équivalente avec cette encre Pilot noire, un peu grisouille et qui rend le trait un peu flottant, à une M européenne tirant franchement sur le B, quel que soit le papier utilisé. Lui cherchant une encre plus maigre qui donne un trait plus fin et plus net, je l’ai à présent rempli de Diamine Monaco red qui lui va bien mieux à mon goût que l’encre Pilot, trop imprécise. Du coup, je ne regrette plus du tout la plume B. Cette plume impeccablement réglée du côté du débit - je dirais 5,5 à 6/10 selon l'encre utilisée, 6 étant la moyenne selon mon échelle subjective - n’offre que peu de souplesse, moins que ce à quoi je m’attendais. Sans être totalement rigide, je la classe parmi les plumes assez raides. Pour être juste, je sens tout de même une très légère souplesse, que je sentirais davantage si j'avais la main plus lourde. Cette petite plume unicolore 14 carats n°5 (les modèles supérieurs sont équipés d'une n°10 plus grande) ornée du Mont Fuji, très douce sans être trop glissante, précise, est agréable et se contrôle parfaitement, sans avoir une personnalité folle. Mais on est là dans ce qui se fait de mieux et c'est un régal d'écrire avec elle.

Le convertisseur Pilot livré est le CON-70 à bouton, le meilleur convertisseur du marché, celui qui a la plus grande contenance. Plusieurs appuis successifs permettent de le remplir à fond.
Côté fonctionnement, pilotnamiki parle très bien de la fiabilité de cette unité de plume issue du Pilot 74, je ne peux évidemment rien en dire encore, mais on peut faire confiance à ce qu'il écrit. La première chose qu'on constate est que la régularité du débit d'encre est absolument constante.
Je regarde maintenant de plus près les japonais et particulièrement les maki-e, mais là, on change vite de division. Je regarde du côté Pilot un peu anciens, me souvenant de la précision de leurs plumes fines que j’ai eu l’occasion d’utiliser. Je pense au 74 de pilotnamiki.
Voilà rapidement mes premières heures avec le Namiki. Ce stylo vous inspire-t-il ?
Jimmy