PILOT CUSTOM 823 DEMONSTRATOR
QUO ERAT DEMONSTRATUM
Un peu d’histoire:
Pelikan, présent depuis des temps immémoriaux au Japon (dès les années 30 avec les 100 puis 100N) séduit les amateurs de belle écriture de l’archipel. Ces derniers reprochaient à leur production nationale l’utilisation systématique de la cartouche et du convertisseur sur les modèles courants (les Namiki Empereur et les artisans privilégiant eux le eyedropper, compte-gouttes en bon français.)
Pilot, numéro un national se devait de réagir à cet affront germanique qui voyait le M800 progresser constamment en terme de parts de marché . Une équipe fut donc chargée, à la fin des années 90 de disséquer la concurrence européenne pour riposter efficacement.
Le nouveau venu devait présenter des caractéristiques inédites :une plume plus volumineuse que la numéro 10 utilisée jusque là et bien-sûr, l’abandon de la cartouche…
Une nouvelle plume numéro 15 fit son apparition, la plus longue et la plus large de l’entreprise, si on excepte la gigantesque numéro 50 de l’Empereur.En matière d’alimentation, Pilot fit preuve d’originalité en optant pour un système à dépression (plunger), plutôt qu’une copie pur et simple du piston vissant germanique, une excellente initiative !Le tout nouveau Custom 823 fut lancé fin 2001 où il suscita immédiatement un grand intérêt, voyons pourquoi…
La présentation :

Rien de spectaculaire ici, pas d’écrin laqué ou de pawlonia, mais une sorte de petit coffret en carton rigide présentant un aspect laqué noir. A l’ouverture, on découvre Monsieur Custom 823 alangui sur un coussin de satin rose aux côtés de sa raffinée compagne, Mademoiselle Iroshizuku s’apprêtant à dispenser ses trésors pigmentaires à son bien aimé, un couple semble-t-il parfait comme la suite le démontrera…Dans l’intimité du couple, on découvre également quelques petits dépliants, en japonais et en anglais, décrivant le modus-operandi un peu particulier de Monsieur, qui outre le plunger, dispose d’un stopper qui, une fois vissé, interdit tout flux d’encre vers la plume, très pratique en avion et identique au système utilisé sur le Namiki Empereur.
Construction /finition :

Monsieur Custom 823 demonstrator, un peu impudique, ne nous cache rien de ses entrailles grâce à une construction en Plexiglas soignée. C’est épais et ça respire la robustesse. J’ai cependant quelques griefs à formuler :passe encore pour l’embout de capuchon et l’extrêmité du corps noirs, mais pourquoi cette section non-translucide, la vision de l’encre coulant vers le conduit effaroucherait-elle les acheteurs japonais ?Vraiment regrettable pour qui se prétend démonstrator ! Autre regret, une fois l’extrêmité dévissée pour actionner le piston, on constate un pas de vis en plexiglas (logique), mais on préférerait quelque-chose de métallique, comme chez Visconti, par exemple (qui exploite le même système de rechargement.) Enfin, on constate toujours la présence de ces larges bagues dorées de capuchon, un tropisme germanque qui n’a pas sa raison d’être au pays du zen…Monsieur Pilot, penchez-vous sur votre culture nationale et supprimez-les !L’agrafe traditionnelle Pilot (à boule) s’avère toujours aussi séduisante et sûre. Le capuchon se visse , ce qui représente le système le plus sûr. Un petit autocollant sur le capuchon rappelle aux étourdis les manipulations spécifiques du plunger et du stopper.
Au final, rien de spectaculaire, mais rien de réellement critiquable à part les bagues de capuchon, le tout semble conçu pur durer et endurer, ça vaut un 16/20
Ergonomie :

D’une longueur de 15 cm et d’un diamètre de 15 mm, le Custom 823 s’avère consistant mais encore humain dans ses dimensions et surtout dans sa masse contenue (moins de 30g.) Ceux qui ont le courage (ou la folie) d’utiliser au quotidien un Olympio XL, un Edson ou un Caran d’Ache Léman sauront de quoi je veux parler, mais sont-ils vraiment conçus pour l’écriture ?
Le custom 823 s’avère agréable en main avec une section suffisamment longue, un bon équilibre, même capuchon posté. Une petite particularité, il faut laisser la queue du plunger dévissée de 2 mm par rapport au corps du stylo, lorsque l’on écrit, car, une fermeture totale signifie l’activation du stopper (le piston vissé à fond bloque l’alimentation d’encre.)
Le système à dépression fonctionne parfaitement, la tige interne à été lubrifiée à vie ce qui assure un fonctionnement très onctueux en deux mouvements : on dévisse, on tire à fond puis, immédiatement on repousse à fond le plunger (l’opération doit bien entendu s’effecuer plume immergée dans un encrier ou dans de l’eau claire pour son nettoyage.) Monsieur Custom 823 adore cela et avale goulûment le précieux nectar dispensé par sa fiancée Iroshizuku avec une succion très convaincante, quel enthousiasme chez ces jeunes tourtereaux manifestement faits pur se rencontrer…Une seule poussée suffit et le réservoir du Custom se remplit environ à 60% de son volume, ce qui demeure suffisant eu égard à la largeur du stylo.
Pas de faiblesse à ce chapitre, le système à dépression (inventé par Onoto en 1905 et utilisée dans les années 30/40 par Sheaffer et Ancora et aujourd’hui par Visconti sous le nom pompeux de High-Vacum Power) fonctionne extrêmement bien avec une puissante aspiration scandée par une sonorité de succion particulièrement jouissive. Il s’agit de mon système de chargement préféré, loin des banales cartouches et de l’ennuyeux et lent système germanique à piston vissant. Le stylo s’avère agréable et léger en main, conçu pour d’intensives sessions d’écriture. Toutes ces qualités lui valent un 18/20 mérité.
http://www.youtube.com/watch?v=zgyOjZEmF4Y
Plume/conduit :

Une longue et large plume, en parfaite adéquation avec la relative grosse taille du corps, Pilot cultive l’équilibre et a fait l’effort de développer pour son Custom 823 une plume et un conduit spécifiques, une initiative remarquable à l’heure de la standardisation tous azimuts (rappelons ici que Pilot fabrique évidemment lui-même toutes ses plumes et conduits, contrairement au grand rival Pelikan, qui lui se contente de finir des plumes fabriquées par Peter Bock à Heidelberg ; de plus l’ensemble plume-conduit du M800 se retrouve sur le Cross Townsend, en matière d’exclusivité, Pilot gagne donc le chapitre haut la main !)
Cette nouvelle longue et large plume Pilot porte l’inscription numéro 15 et supplante la numéro 10 utilisée jusque là en haut de la gamme. A l’examen, rien de spectaculaire, une couleur or monochrome, un petit évent rond, quelques petites gravures latérales, il s’agit d’une copie agrandie des numéros 5 et 10 de la firme. Notez tout de même que les prestigieux Namiki Yukari et les Dunhill Maki-é doivent se contenter de la numéro 10 !
A l’usage, on frise le nirvana, sans exagérations !Cette merveille de numéro 15 semble suspendue au dessus du papier, offre la douceur soyeuse des plus précieux kimonos et la sérénité de la carpe koi ondoyant nonchalamment dans son plan d’eau préféré…De plus, à un utilisateur moderne, cette plume paraitra presque souple (pas à un utilisateur de vintage), elle permet quelques petits effets de flexion (plus que la numéro 10 montée sur les Yukari)et davantage également que sur le rival désigné Pelikan M800 (je possède les deux stylos et je préfère de loin le nippon au germain au chapitre plume/conduit.)
Le conduit dispense un flux très abondant, digne de certains anciens, là aussi, chapeau bas Pilot !
La conjonction des deux permet à peu près toutes les fantaisies, y compris de très longues séances d’écriture ou des prises de notes intensives, même menées avec brutalité, une fiabilité absolue digne des hauts standards de la firme nippone. Dernier détail, cette plume numéro 15 se prévaut de 18 carats en France et de 14 carats dans le reste du monde (les japonais demeurent des puristes et les Empereurs destinés au marché intérieur s’enorgueillissent de leurs 14 carats, loin du marketing actuel…) Cette plume 15 taille plutôt large pour une plume japonaise, en M, elle égale presque les normes européennes (tout au moins sur mon exemplaire à plume 18 carats destinée au marché français.)
Petit défaut commun à toute la gamme Pilot/Namiki, le Custom 823 impose l’utilisation d’encres « maison »-Namiki, Iroshizuku ou encore d’encres occidentales haut de gamme, impossible de lui donner n’importe-quoi à boire sinon gare au débit !Il impose donc un budget encre non négligeable. Mais c’est son seul défaut à ce chapitre.la numéro 15 constitue, à mes yeux, la plume classique idéale, parfaite en tous points, d’une exquise douceur et pas ennuyeuse pour autant…Un bémol cependant, pourquoi n’avoir pas prévu de plumes numéro 15 souples (SF ou SM) disponibles sur le Custom 743, incompréhensible… Tout cela vaut un 19/20 à ce chapitre.
Rapport qualité-prix :
Le Custom 823 demonstrator avec sa bouteille d’Iroshizuku coûte 375 Euros en France, une somme pouvant sembler élevée face à la concurrence (Pelikan M800, Visconti Homo-sapiens.) Mais le nippon bât ses confrères européens par l’exclusivité de son ensemble plume/conduit (Pelikan comme Visconti se fournissent chez Bock, la plume palladium 23 carats ne constituant qu’un argument marketing), par sa fiabilité d’ensemble, son homogénéité, son ergonomie, sa masse contenue (même le M800 pèse plus à cause du mécanisme en laiton du piston et ne parlons pas du Homo-Sapiens en lave.)Il assurera des heures d’écriture soyeuse et infiniment agréable. Un seul défaut (pas à mes yeux), n’espérez jamais frimer avec !Votre beau-frère Jean-Pierre, fan de Mont-Blanc (et au bon goût très sûr, il considère le Porsche Cayenne comme le summum de l’élégance automobile…) vous toisera avec ironie, votre supérieur hiérarchique, fier de son Olympio XL ne vous remarquera pas et le grand patron, propriétaire d’un Edson 125 et d’un Boucheron vous accordera peut-être une augmentation ou plutôt une petite pièce à la vue de votre « stylo en plastique transparent de supermarché. »Le Custom 823 ne deviendra jamais un « status-symbol » comme disent les anglo-saxons, mais en terme d’instrument d’écriture, par contre, rare ceux pouvant prétendre sinon l’égaler, au moins l’approcher. Tout comme ses frères de gamme, au bout de quelques heures d’utilisation, on se demande comment on pouvait vivre jusque là sans…Un peu comme Nissan dont la nouvelle sportive GTR bat la Porsche 911 Turbo sur son propre terrain (la Nordschleife, circuit mythique), Tokyo surpasse Hanovre en matière de plume, de conduit et de légèreté, ainsi qu’en fiabilité, mais seuls les possesseurs (honnêtes) des deux rivaux pourront réellement s’en convaincre.
Conclusion :

Un Pilot Custom typique :apparemment sans grande personnalité, transparent dans une vitrine (et pour cause) aux côtés de ses concurrents bling-bling, le Pilot Custom 823 cultive le fond, pas la forme, ni le marketing. Mais, à l’usage, comment ne pas tomber amoureux d’une telle plume, d’un conduit aussi parfait, d’une endurance sans faille, d’une ergonomie impeccable, du système à dépression si ludique et efficace. Finalement laissez ricaner votre beau-frère Jean-Pierre et conseillez-lui perfidement un Mont-Blanc en série limité, le plus onéreux et le plus tape à l’œil possible, cela s’harmonisera si bien avec sa Porsche Cayenne…
Qualités :
Fiabilité absolue
Ergonomie parfaite
Plunger amusant, rapide et efficace
Plume numéro 15 fabuleusement douce et polyvalente
Débit abondant et infaillible
Jolie agrafe à boule
Modèle rare en Occident
Stopper anti-fuites exclusif
Encre Iroshizuku fournie de très haut vol et aux coloris exclusifs
Défauts:
Prix trop élevé pour certains
Bagues dorées...
Section non transparente
Nécessite l'emploi d'encre "maison" ou haut de gamme
Pas de vis du plunger non métallique