
Je me suis demandé ce qui pouvait bien arriver aux encres soumises en continu à la lumière du jour. J’ai donc profité du printemps et de l’été pour tester cette évolution sur le moyen terme, avec les encres que j’utilise régulièrement.
Protocole expérimental :

Matériel : pleins de stylos, pleins d’encre, une feuille de papier de qualité (bloc rhodia), un scanner, un PC, une armoire vitrée
1 - Associer une encre à chaque stylo et le remplir
2 - Ecrire quelques mots sur la feuille
3 - Scanner la feuille et sauvegarder le fichier sur le PC
4 - stocker la feuille dans son armoire et les stylos dans leur tiroir
5 - attendre le temps qu’il faut
6 - recommencer à l’étape 2 jusqu’à ce que les résultats soient jugés dignes d’être présentés.
Quelques commentaires :
J’ai placé la feuille de test dans une armoire vitrée, elle-même située dans une véranda. Exposition sud-est : elle était donc au soleil quelques heures le matin, puis à l’ombre le reste de la journée. J’ai considéré que c’était équivalent à ce qui pouvait arriver à un dessin à l’encre exposé dans un cadre. Par opposition, j’ai voulu éviter l’exposition permanente et directe au soleil, jugeant ce cas non réaliste pour une utilisation normale. (Ça pourrait être intéressant à tenter, mais il me manquait un endroit adapté pour cela, d’autant que si une vitre filtre une bonne partie des rayons UV-B énergétiques, les UV-A restent quand même salement agressifs à terme…)
Concernant les stylos, je ne les ai pas tous utilisés régulièrement pendant ce temps, ils sont donc restés remplis quelques mois sans beaucoup servir. Oui, je sais c’est mal, mais bon. Aussi pour éviter de trop fausser les résultats, j’ai pris soin de bien écrire quelques lignes (beaucoup) juste avant de recommencer à écrire avec sur la feuille de test.
Les résultats sont donnés « bruts de scanner » pour toutes les étapes : pas de retouche de couleurs après coup. Sur mon écran, je vois quelques différences avec la réalité (il donne des couleurs un peu plus fades), mais là encore, mon écran n’étant pas calibré, ça peut très bien être sa faute et non celle du scanner…
Voici donc la feuille scannée complète:

Suivie d'un petit montage montrant les premiers et derniers scans côte à côte pour montrer que, à 2 exceptions près pour la Quink et l'Asa Gao qui sont un peu plus claires au début de l'essai qu'à la fin, les nuances sont les mêmes juste après avoir écrit, ce qui confirme que le scanner ne s'est pas déréglé en cours de route.

Et voici les résultats détaillés. Pour chacune de ces encres, j'ai reconstitué une image en juxtaposant des parties des 4 scans successifs à 0, 25, 66 et 116j, de manière à mieux voir l'évolution, selon le principe suivant :

Parker Quink blue + parker Vector : oh la belle encre effaçable !

On voit ici nettement l’effet de la lumière. L’encre est parfaite à l’école pour faire vos devoirs. Au-delà de ça, si vous écrivez vos mémoires avec, attention à bien les ranger à l’abri… L’effet est peut-être un peu renforcé par le fait que le stylo était peut-être mal séché au début (encre un peu claire) ou bien concentrée à la fin (restée longtemps dans le stylo), mais l’effacement reste bien réel…
Iroshizuku Asa-Gao + Parker Sonnet M : de la constance dans le bleu profond

Si on cherche bien, on pourrait deviner un léger ternissement du bleu, mais c’est difficile à dire. Très belle constance dans l’effort !
J Herbin Bleu Nuit + Lamy 2000 : les heures grises de la fin de la nuit

Le bleu nuit profond du début laisse la place à un gris bleu assez foncé qui reste bien lisible, mais marque nettement l’ancienneté de l’écrit
Iroshizuku Tsuki-Yo + Pilot Falcon SF : le bleu nuit qui dure

Là encore, belle constance pour l’encre Pilot. Peut-être aidée ici par le fait que le stylo apporte beaucoup d’encre dans les déliés.
Iroshizuku Kon-Peki + Pilot Custom Heritage FM : Bleu lagon toujours

Toujours belle performance de Pilot. Je n’arrive pas à voir d’évolution. Mais qu’est-ce qu’ils mettent dedans ?
Waterman Blue-Black + Pelikan M205 : Le bleu qui devint vert

Très belle évolution pour cette encre, partant d’un bleu noir profond pour aboutir au vert-bleu. Certains commentaires Anglo-Saxons la qualifient de « teal », cette couleur vert-bleu des plumes autour des yeux du canard du même nom.
Iroshizuku Syo Ro + Pilot Bamboo M : l’autre bleu vert

Si l’encre précédente était la tortue, on pourrait dire que nous avons ici le lièvre. Sauf qu’elle ne s’est pas arrêtée en chemin : elle réussit la même évolution du bleu noir au bleu vert en 15 secondes, là où il faut bien un ou deux mois à la Waterman pour se transformer. Mais ensuite elle ne bouge plus, contrairement à la précédente qui continue à s'éclaircir...
J Herbin Lie de Thé + Noodler’s flex pen : disqualifié pour faux départ

Dommage, j’ai mal choisi le stylo ici. En plus du fait que l’encre sèche très rapidement dans ce flex pen de Noodle’rs, le stylo lâchait tellement d’encre que c’est quasiment du noir qui sortait … J’ai terminé l’essai avec un gros Lamy Safari qui montre bien la vraie couleur de l’encre. On distingue cependant une évolution assez nette sur la dernière période de l'essai:

J Herbin perle Noire + Pilot Capless B : noir c’est noir.

Bien que ça ne se voit pas sur le scan, l'encre s’éclaircit très très très légèrement sur la fin... Très belle constance sinon.
Iroshizuku Yu Yake + Lamy Safari LH : le coucher de soleil

Pour une fois pour cette marque, on voit un assez net éclaircissement dans les zones sans ombrage.
Pour finir, un dernier montage qui montre les 4 scans juxtaposés pour l'essai (rappel, chacune des colonnes correspond à peu près à 0, 1, 2 et 3 mois de vieillissement).

Quelles conclusions tirer de tout cela ?
Déjà, on voit que j'ai une préférence pour les encres bleues...
Sinon, je reconnais que j'ai fait cet essai suivant une méthode plus proche de « roule ma poule » que d'une démarche scientifique rigoureuse, mais je vous fais confiance pour bien vouloir me pardonner ces petites approximations.
Plus concrètement, sur ce panel d’encres somme toute assez restreint, ce sont les encres Iroshizuku qui démontrent la meilleure résistance (un peu moins pour la Yu Yake). Mention très bien également pour la Perle Noire de J Herbin.
Juré : je ne fais pas de pub pour Iroshizuku, c’est juste que j’ai fait une commande de 5 flacons d’un coup l’année dernière après avoir lu les commentaires favorables ici-même

Et voilà, je remets la feuille dans son armoire, pour voir s'il continue à se passer des choses...
En espérant que ça vous a plu, merci pour votre attention et à votre disposition pour toute question ou remarque

et en bonus, pour se rafraîchir (c'est l'été...) : tout le monde à l'eau !!!

