
Au fil du temps et des expériences, les goûts et compétences évoluent concernant l'interaction plume/encre/papier.
Si, pour un papier donné, l'impression qu'on en retire à l'écriture est fortement conditionnée par le choix du couple stylo/encre, sa propre façon d'écrire et de tenir le stylo-plume est un critère tout autant important.
Ainsi, une plume à l'iridium large et doux, telle par exemple une kugel scolaire allemande associée à une encre glissante, s’affranchira beaucoup plus aisément d’une feuille à la surface rugueuse et texturée qu’une plume fine et rigide y déposant une encre sèche.
Mais cette aisance ou au contraire cette difficulté ne conditionne pas nécessairement le résultat objectif et subjectif de l'exercice de graphie sur ce papier : Quelle écriture est la plus belle ? La mieux maîtrisée également ?
Et, surtout, il y a la qualité de l'expérience ressentie, le plaisir pris à cette séance d'écriture, lequel est de plus en plus prégnant avec l'affirmation de la pratique, et, souvent, plus affirmé quand c'est compliqué et à la mesure des difficultés affrontées.
Me concernant, le choix d'un papier correspondance est multicritère : la nouveauté, l'allure et le toucher, le contact sous la plume, la maîtrise du tracé obtenu et l'aspect que l'encre prend une fois qu'elle y est déposée … Et, en priorité, l’envie du moment !



En fait, j'ai ici depuis quelques temps une feuille A4 d’Original Crown Mill Pure Cotton 100 gr/m2 et une feuille A5 de Lalo Pur Coton 125 gr/m2 que je voulais comparer.
Il s'agit d'échantillons reçus en cadeau ; J'en remercie mes charmant(e)s correspondant(e)s épistolaires.


Voici leur visuels récupéré sur internet :

Également, il me reste un bloc de vélin Lalo basique blanc 100 gr/m2 (Il existe aussi en version crème), aux fibres beaucoup moins resserrées, dont la main n'a absolument pas la même classe et dont je vais me servir d’étalon. Je l’ai représenté ci-dessous à gauche. A sa droite, pour information, le vélin basique qui existe aussi chez Pelletier, le fabricant belge de l'Original Crown Mill :

Nota. J’abrègerai à partir de ce point :
- OCM pour parler de l’Original Crown Mill Pure Cotton 100 gr/m2,
- Lalo 125g pour parler du Lalo Vélin Pur Coton 125 gr/m2,
- Lalo 100g pour parler du Lalo Vélin de France 100 gr/m2.
Les deux papetiers présentent ces 100% coton comme du haut de gamme sans azurants optiques chimiques. Ils laissent sous le doigt une sensation nettement moins soyeuse que le Lalo 100 g industriel et se tiennent beaucoup mieux quand on les secoue.
Ils sont donc de couleur crème, ce qui a une incidence sur la colorimétrie de certaines encres.
Le Lalo 125g étant un peu plus foncé que l’OCM, peut-être simplement en raison de son épaisseur supérieure.
Le Lalo est également plus rigide, mais je ne pense pas cette fois-ci que ce soit dû uniquement au grammage supérieur : il me semble que sa texture est plus homogène et plus resserrée.

La surface recto du Lalo 125g semble plus rêche sous le doigt, alors que la plume et l’encre, quelles qu'elles soient, démontrent le contraire : l'OCM est très nettement plus abrasif, au point que ça me perturbe et que j’ai plus de difficulté à m’y appliquer
le verso de l’OCM est encore plus abrasif que son recto, tout en demeurant utilisable.
le verso du Lalo 125g est lisse sous les doigts et la plume, il manque de maîtrise au point que ça m'est désagréable. Est-ce le fait d'un calandrage volontaire, ou la conséquence de l’empilement au cours du processus de fabrication ?
Donc le Lalo 125g qui est le plus opaque des deux est celui dont je trouve le verso le moins exploitable en raison de ce verso presque glacé. C’est ballot !
je fais le constat sans trop savoir vous dire pourquoi, que l’OCM en apparence plus rêche et que j'aurais donc cru plus absorbant élargit l'épaisseur du trait de plume tout en respectant mieux la couleur quand le Lalo 125g, plus facile à mon écriture, repousse l'encre, affinant également légèrement le trait mais affadissant les couleurs.
Donc , l’OCM me laisse des sensations d’écriture nettement moins agréables que le Lalo 125g avec la plupart de mes stylos-plume, mais j’ai trouvé une exception avec l’homo sapiens à l’iridium précis (by Matthieu Faivet) qui s’en n’arrange parfaitement, contrairement à la plume italique de L’Aurora Optima, très acérée elle aussi et qui accroche malgré mes précautions.
Ci-dessous, des scans dont j’extrairai quelques gros-plans comparatifs. On y distingue la couleur naturelle des papiers comparé au fond blanc et également au Lalo Vélin 100g (à droite au milieu).


Mon écriture courante avec le MF Memento. Je me suis appliqué à l'identique et, outre le fait que le trait de plume y est affiné, j'ai bien l'impression que c'est avec le Lalo 125g que je produis ma meilleure graphie.

C'est net, les gros-plans ci-après montrent que ces papiers sans couchage minéral n’ont pas les caractéristiques nécessaires à la manifestation de l’effet d’ombrage.
Aussi, et forcément, la couleur crème des feuilles pur coton dénature les coloris bleus et verts quand je trouve que ça va bien aux couleurs chaudes, comme cet exemple avec Ina-Ho :



La plume XXF du Sheaffer Snorkel nécessite une main particulièrement légère sur ces surfaces rugueuses. J'y prends plaisir sur le Lalo 125g encore une fois quand j'ai eu très peur pour la pointe avec l'OCM !
Les sensations générales que je retire de l’OCM ne me conviennent pas.
La face recto du Lalo 125g me procure de bien agréables sensations d’écriture, j'aime vraiment beaucoup y écrire, mais c'est justement le type de papier que je voudrais utiliser sur les deux faces pour ma correspondance alors que son verso trop lissé ne me convient pas.