J'ai pris conscience de la fluidité remarquablement équilibrée des encres ferro-galliques grâce à quelques cartouches de Pelikan 4001 Blue-Black dont j'avais transvasé le contenu dans un flacon vide. Je l'ai utilisée dans un Jinhao 159 destiné au libellé de mes enveloppes en raison de sa résistance à l'humidité, avant de lui substituer quelques mois plus tard la Rohrer & Klingner Salix, dont un échantillon offert m'avait encore plus convaincu.
Vue sur la bague en fer blanc de ce Jinhao après ces quelques mois au contact d'encres IG :


A noter : grâce à leur excellente fluidité, les ferro-galliques ne fusent pas sur les papiers poreux.
INTRODUCTION
Cette année, notre forum s’est laissé gagner par l’enthousiasme qui entourait la série Platinum Classic Black, et j'ai accompagné ce mouvement en commandant plusieurs échantillons de cette gamme, ainsi que d'autres iron galls des marques Rohrer & Klingner et KWZ, encres beaucoup moins onéreuses* que celles de chez Platinum :

Parmi les échantillons que je vous présente sur cette page de mon carnet Tomoe River, je n'ai pas retenu les Platinum Classic Black suivantes, en raison de l’aspect qu’elles prennent aux sortir même de la plume et non à cause du coloris qu'elles adoptent ensuite rapidement, tout simplement parce que ce moment magique qui voit le trait d'encre s'inscrire sur la feuille de papier représente pour moi l’essentiel de cette passion calamophile :
- La Citrus black est tellement pâle que je suis quasiment incapable de la distinguer, au point que ça m'interdit de me concentrer sur mon tracé et que j'écris donc encore plus mal avec, quelque soit le stylo employé,
- La Lavender Black pourpre un peu rosée ne me déplaît pas, mais le rose vif qu'elle présente au départ me heurte tellement que je suis incapable de me concentrer sur l'écriture, alors même que je sais pourtant que ce coloris excessif est provisoire.
LES CINQ FERRO-GALLIQUES
Rapidement, j'ai sélectionné les cinq produits suivants, dont je possède aujourd'hui les flacons et qui alimentent depuis 4 mois, sans problème (pour l'instant), les stylos-plume à piston que j'indique ci-après :

Dans l'ordre :
- Rohrer & Klingner SALIX avec le Montblanc 149 Or Rouge
- Rohrer & Klingner SCABIOSA avec l'Aurora Optima
- Platinum Classic FOREST BLACK avec le Pelikan M1000 Vert & Noir
- KWZ IG BLACK & BLUE avec le Montblanc 149 Platiné
- KWZ IG BLUE # 5 avec l'Aurora 88 Black Mamba

Mon idée était de tester ces encres sur le long-terme avec certains de mes stylos préférés à plume or.
(Par crainte de l'oxydation propre au sulfate de fer constitutif de ces produits, j'ai exclu de mon panel le Visconti Homo-Sapiens Lava Color dont le capuchon renferme un aimant).

CHROMATOGRAMMES
sur papier buvard :

OXYDATION
Si certaines encres aqueuses voient aussi leur coloris évoluer dans les secondes suivant l’apposition, c'est très net dans le cas, par exemple, de l'Iroshizuku Syo-Ro et de la Montblanc Homère, ce phénomène est systématique avec les encres ferro-galliques dont le sulfate de fer commence à s'oxyder dès qu’on les applique, avant une seconde phase de vieillissement sur la durée au contact du papier sous l'influence de l'oxygène :


KWZ BLUE # 5 avec un écart d'un mois et demi :

KWZ BLUE-BLACK avec un écart d'un mois et demi :

S'assombrit très nettement.

Dans le temps, la Forest Black jaunit.

La Salix s'estompe et vire au gris.
Remarque au sujet des échantillons et de l'oxydation :
Après avoir découvert ces encres au moyen d'échantillons et en avoir commandé les bouteilles, j'ai constaté que les 2 KWZ reçues était très nettement moins noircies que celles que j'avais expérimentées initialement, je n'ai par contre pas vu de divergences flagrantes avec les IG des deux autres marques Platinum et Rohrer & Klingner.
IL se trouve que sur le site de KWZ, le dénommé Conrad précise qu'il fait constamment évoluer ses produits, dont l'étiquette indique d'ailleurs « hand made», ce qui pourrait expliquer ces disparités … Mais j'ai une autre hypothèse : Les encres ferro-galliques ne doivent pas rester au contact de l'air, alors que c'est ce qui se passe quand on emplit des tubes à échantillon qui concervent 4/5 de volume d'air et qu'on les entrepose le temps qu'un client les réclame. Pourquoi, alors, les autres marques sont-elles restées à peu près conforme ? Les KWZ sont peut-être plus fragiles. Toujours sur le site de la marque, il est dit que si l'on souhaite vidanger un stylo, il ne faut pas reverser le fond d'encre dans son flacon d'origine au risque de le corrompre et d’y introduire des précipités
RESISTANCE A L'EAU
Les encres métallo taniques résistent-elles autant à l'eau qu’au temps ? Oui, sans conteste, mais pour certaines d'entre elles, il faut patienter quelques jours pour les voir donner leur pleine mesure face à cet élément.
En haut à droite, aspersion généreuse après 1 heure,
En bas à droite, aspersion généreuse après 6 jours :

Une feuille d'Oxford Optik Paper 90 gr/m² arrachée d'un cahier 24x32 cm.
Les KWZ, surtout la Blue # 5, mettent plus de temps pour affirmer leur imperméabilité, peut-être sont-elles moins riches que les autres en cristaux métalliques.
Fraîchements apposées, les Platinum Blacks voient leur couleur partir irrémédiablement dans les eaux usées. Ça ne s'améliore qu'à peine avec le temps !
Nota : J'adore le rendu en lavis de la KWZ Blue-Black qui se dilue facilement mais permet aussi de conserver les traits sous réserve de patienter un peu :

REMARQUES SUR LA COLORATION

En théorie, une encre au gallo-tanate de fer est composée de tanins solubilisés (le polyphénol présent dans le règne végétal, dans certaines galles, excroissance provoquée par des insectes), associés à des chlorures de fer, ce qui donne du galate de fer de couleur bleu noir ou violet foncé.
A l'origine, il n'y avait pas de pigment dans les encres du début du 20e siècle : c'est l'action du sulfate de fer ou du cuivre associée à la matière tanique qui noircit dans le temps en absorbant l'oxygène.
Comment, alors, certaines de ces encres peuvent-elles être jaunes, vertes ou rouges ?
Comme vu ci-dessus, (sauf pour les deux R & K), la couleur de l’encre fraîchement apposée est balayée par l'eau et je suppose donc une adjonction de colorant aqueux qui se fixent dans le temps sur le papier, emprisonnés par le processus d'oxydation.
LES STYLOS-PLUME
Après quatre mois, je ne constate rien d’anormal sur ces stylos que j’ai choisi en raison de l’agrément qu'ils me procurent d'ordinaire et que je trouve encore amélioré en raison des capacités visco-dynamiques de ces Iron Gall et aussi parce que l’on conseille d’utiliser pous ces encres des stylos-plumes parfaitement étanches.
Pour le nettoyage, KWZ recommande une solution de 15 ml d'eau complétée, le cas échéant, de 2 ou 3 gouttes de produit vaisselle et, si nécessaire, de poudre d'acide ascorbique récupérée en écrasant des comprimés de vitamines C. (Vu la couleur jaune du nettoyant Reiniger de chez Rohrer & Klingner, j’envisage de m'en procurer un flacon, pour voir.)
(*) PRIX
au litre, source fountainfeder.de :
Platinum : 491,67 €
KWZ : 216,50 €
Rohrer & Klingner : 119, 80 €
Soit, de mon point de vue, l'ordre inverse de celui de la qualité des produits.
Nota : je préfère d'ordinaire photographier les feuilles de papier pour partager sur écrans la couleur des encres, mais j'ai cette fois-ci préféré les photocopier, car le procédé est plus constant, afin d'illustrer la variabilité des encres ferro-galliques dans le temps et sous l'influence de l'eau.
Bibliographie :
https://irongallink.org/iron-gall-ink-history.html
http://www.stylo-plume.org/viewtopic.ph ... 71#p242571
https://gdoc.pub/doc/1po8jfMHv-Uz_ioZ9- ... kkR4GaZ23g
https://fr.wikipedia.org/wiki/Encre_m%C ... o-gallique