Mardi dernier, j’ai reçu l’enveloppe de Jérôme contenant les échantillons tant attendus du fameux papier. Je m’étais volontairement retenu de lire vos retours pour ne pas être influencé. J’avais quand même visioné la vidéo D’alesa d’Inky Rocks et la review de Jacob de Fudefan. Je savais déjà que le papier Sanzen s’avérait bien meilleur que le Tomoe River 52N (Machine 9). Même si je ne me souvenais plus vraiment des différences qu'ils avaient remarquées hormis la texture.
La lettre m’est arrivé en bon état. J'avais un peu peur à cause des pluies récentes.
A l’intérieur, deux échantillons du nouveau Tomoe River « Sanzen » sous forme d’une feuille format A5. Une version « White », une version « Cream ».
N’ayant pas d’original dans cette dernière version, je l’ai volontairement exclue de ce test.
Mon test comparatif s’est fait entre une feuille de papier Tomoe River 52 g/m² A5 « white » « Old » (L’original fabriqué par Sakae) et un échantillon de Tomoe River g/m² A5 « white » « Sanzen ».
Pour ce comparatif je parlerai respectivement de "Sanzen" et "d'original" / "Old".
Pour satisfaire aux besoins du test, j’ai choisi de maximiser la variété d’encres de de plumes.
J’avoue avoir un moment réfléchi à la façon dont j’allais m’y prendre, n’ayant qu’une feuille, il n’était pas question de se louper ! J’ai essayé de maximiser l’espace pour essayer 16 encres.
J’ai gardé la feuille couleur « cream »
pour me faire plaisir, et vraiment écrire sans me restreindre et ainsi mieux me concentrer sur le ressenti et compléter mon analyse.
J’ai pris les résultats en photo, mais malgré un éclairage convenable (une éclaircie en milieu de semaine) je ne suis pas satisfait du résultat. Aussi, j’admet humblement ne pas maitriser pleinement les réglages de mon Canon. Mon compte rendu sera malheureusement avare en photos, je suis désolé.
Ceci entant dit, je commence.
Aspect :
Je n’ai pas remarqué de différence notable au touché ou dans le froissement du papier. Les deux semblent avoir la même texture. J’ai l’impression que le Tomoe River Sanzen est une once plus rigide, mais cette différence est tellement faible... Trop faible à mes yeux, je la négligerai.
Pour ce qui est de la couleur du papier, elle est identique entre les deux échantillons. A noter que le papier « Sanzen », tout comme l’original, bien que nommé « white » est plutôt couleur ivoire. Pas d'amélioration sur la blancheur.
J’ai noté une différence dans la transparence. L’ancien est plus diaphane par endroits que le Sanzen. En comparant les deux en les tenant derrière la fenêtre et en laissant passer la lumière du jour à travers, je remarque que l’original a une concentration fibreuse hétérogène, il y a des zones plus opaques qui forment comme un motif marbré. Le Sanzen est plus homogène et moins transparent.

Reproduction infographique.
Netteté du trait :
L’une des propriétés notables du Tomoe River original, était la netteté des traits qu’il offrait. Si l’on regarde de près, on s’aperçoit que les bordures des lignes d’encre sont particulièrement nettes et lisses alors avec beaucoup d’autres papiers (notamment européens) on constate des bordures un peu moins régulières, voire crénelées selon les textures.

Reproduction infographique (j'ai volontairement exacerbé l'aspect pour illustrer mon propos)
Bonne nouvelle. Le Tomoe River Sanzen jouit des mêmes qualités de netteté que l’original.
C’est un détail où j’attendais le nouveau papier au tournant car c’est l’un de ceux qui compte le plus pour moi.
Le Tomoe River « 52 N » s’était montré un peu décevant sur ce point et je suis très content que le Sanzen s’aligne sur l’original.
Fidélité d’épaisseur de trait et fougération :
J’évoque brièvement cet aspect car le Cosmo Air Light qui avait été évoqué comme potentiel remplaçant du Tomoe River avait tendance à élargir le trait. Ainsi avec certaines encres, une plume EF se transformait en M.
Je suis une fois de plus rassuré, l’épaisseur du trait est relativement fidèle avec le papier Sanzen comme elle l’était avec l’original.
Le Sanzen donne tout de même une ligne un poil plus épaisse avec certaines encres, mais c’est un écart ténu. Ça reste un sans-faute pour moi.
Côté Fougération, j’ai poussé le test à fond. J’ai directement testé la redoutable
Noodler’s 54th Massachusetts, un lot mal dosé, saturée en surfactants et dont la tension superficielle est si faible que l’encre fougère avec presque tout.
Résultat : Aucune fougération !
Le Tomoe River « original » encaissait déjà très bien cette encre et était l’un des seuls qui était compatible avec, même si par ci par là l’encre se diffusait un poil trop. Avec le Sanzen, aucune fougère, rien, nada.
S’il a pu encaisser cette encre, je pense qu’il pourra tout encaisser.
Glisse :
C’est à mon avis le point de différence majeur entre les deux papiers, quoiqu’il reste subtil.
J’ai remarqué que le Sanzen procurait un « effet de trainée » sous la pointe de la plume, comme si la surface d’interaction entre l’iridium et le papier était plus importante. La conséquence : un peu moins de glisse un peu plus de retour (feedback).
C’est comme s’il était plus épais que l’original et que la plume s’enfonçait plus profondément dans sa texture. Impossible de savoir si ce phénomène est lié aux fibres agencées différemment ou à l’épaisseur.

NB: le dessin ci-dessus ne décrit pas la réalité mais illustre la sensation que j'ai ressentie.
Peut-être que le papier est plus épais, même s’il est en apparence aussi fin que l’original, a des échelles si fines, difficile de certifier quoi que ce soit. Ceci n’est qu’une spéculation, je regrette ne pas avoir plus de connaissances dans le domaine, ce qui aurait pu me permettre de mieux comprendre à quoi ce phénomène est dû.
Le Cosmo Air light procurait aussi cette sensation, mais de façon plus prononcée.
Ce n’est pas nécessairement désagréable, c’est juste différent. Du peu que j’ai pu l’expérimenter, je ne saurais dire si cet aspect me déplaît ou non. Je dirais que c’est un moindre mal.
On aurait pu craindre que cet effet amplifie un gratté trop prononcé de certaines plumes, (notamment les EF japonaises) mais je n’ai pas constaté d’accentuation du retour avec lesdites plumes. Le retour (feedback) des plumes EF que j’ai essayées semble se fondre dans cet « effet de trainée » plus qu’il ne s’y additionne. C’est plutôt un point positif.
Visibilité de l’encre au verso (showthrough) :
A certains endroits notamment sur mes aplats d’encre le Tomoe River original semble davantage laisser l’encre pénétrer. Je donnerais un très léger avantage au Sanzen dont l’opacité semble plus homogène. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit de papiers fins, les écrits du recto se verront au verso, selon la noirceur des encres utilisées et l’épaisseur des plumes.
Quoi qu’il en soit, le Sanzen ne fait pas pire que son prédécesseur.
Rendu des couleurs et des effets :
Une autre qualité du Tomoe River original était sa faculté à valoriser la couleur de nombreuses encres et à amplifier les effets des « encres à propriétés spéciales ».
Couleur :
Le Sanzen surpasse légèrement les qualités du Tomoe River original. A mes yeux, les couleurs sont tout aussi bien restituées qu’avec l’original, et le Sanzen réussit mieux là où l’original montre des faiblesses : j’ai remarqué que le Tomoe River « avait du mal » à restituer les nuances rouges-brunes. Dans mon essai libre où j’ai testé la feuille « cream », j’ai testé l’encre Montblanc Toffee Brown, et le Tomoe River « Sanzen » rends beaucoup mieux la couleur. L’original ternit et supprime les en partie les tons rouges.
Nuances (shading) :
Le Tomoe River original avait la propriété de produire un « effet auréole » les nuances plus sombres se concentrant sur les rebords des lignes. Cet effet se produit aussi sur le papier Sanzen. Ce nouveau papier conserve également la capacité à produire de beaux dégradés de couleur bien progressifs. Une fois encore le Sanzen se montre à la hauteur.

Reproduction infographique.
Toutefois, J’ai remarqué une différence dans certains aplats d’encre : l’encre semble se diffuser de façon plus homogène sur le Sanzen quand avec le l’original, l’encre s’accumule dans certaines zones pour former des flaques.

Désolé pour l'obscurité de l'image.
Cela semble coïncider avec l’uniformité des fibres constatée plus haut dans l’item "Aspect". Sur ce point je dirais que le Sanzen est supérieur au Tomoe Rover original.
Diaprures (sheening) :
Comme l’original, le Sanzen valorise les formations irisées des encres saturées. Je ne note aucune différence notable.
Nuance des encres dichromatiques (chromoshading inks) :
J’ai testé deux encres : Sailor Manyo Sakura et Sailor Studio 280 . Là aussi les effets fonctionnent avec le Sanzen, j’ai noté que comme l’encre se diffuse de façon plus uniforme, les zones de changement de couleurs sont moins concentrées et plus diffuses mais aussi moins contrastées.
Pailletage (Shimmering) :
je n’ai testé que l’encre Emeraude de Chivor de Jacques Herbin, série 1670. Je n’ai pas constaté de différence particulière. Dans un cas comme dans l’autre, les paillettes se déposent. Une fois l’encre sèche, en frottant du doigt, quelques paillettes peuvent de détacher avec les deux papiers.
Vitesse de séchage :
Aucune différence notée. Le Sanzen comme le Tomoe River original partage la même vitesse de séchage, plutôt long comparé à d’autres papiers classiques.
En conclusion :
Contrairement au Tomoe River « New » 52n transitoire qui s’était avéré assez décevant, le nouveau papier produit par la firme Sanzen semble augurer une conclusion heureuse à l’abandon de la production du Tomoe River par la firme Sakae en 2021.
Cette nouvelle version hérite en grande partie de toutes les qualités qui avaient fait la renommée du Tomoe River original (mise en valeurs des couleurs, effets, netteté …) , à quelques détails près :
- L’agencement des fibres de la version Senzen est plus uniforme. Le papier semble légèrement plus opaque et un peu plus rigide.
- Le Sanzen rends légèrement mieux les couleurs et les nuances sont étalées plus uniformément.
- La sensation de glisse est moins présente que sur l’original. On ressent un « effet de trainée » dans l’interaction plume-papier.
Bref, pour moi, ce test est très positif et rassurant.
Si la qualité de la production finale de ce papier - dont la distribution devrait déjà avoir commencé au Japon – s’avère la même que celle de cet échantillon, alors ce fâcheux épisode de la fin de production du Tomoe River par la firme Sakae serait vite oublié.
Les interrogations qui découlent naturellement de cette conclusion, se posent à présent :
- La production finale sera aura-t-elle les mêmes propriétés qu’avec les présents échantillons ?
- Quand arrivera-t-il en Europe ?
- A quel tarif sera-t-il vendu ?
- Sous quel format ?
- Qu’en sera-t-il des carnets ?
J’espère que le Tomoe River Sanzen lorsqu’il sera disponible, ne sera pas amalgamé opaquement aux anciennes versions, dans le cadre d’un réassort des stocks actuels. A ce titre, j’invite les acheteurs trop pressés à prendre garde et à bien se renseigner avant de se fournir. Il serait fâcheux de se voir refourguer un bloc de Tomoe River 52 « new » (machine 9) en pensant recevoir le nouveau Sanzen. Pour ma part, à moins d’avoir une garantie sûre sur le produit, je crois que je vais laisser une année s’écouler avant de refaire des stocks conséquents, de toute façon j’ai encore quelques blocs de réserve à écouler.
Merci de m'avoir lu. Je vais maintenant lire les retours des autres pour voir si leur impressions sont les mêmes que les miennes.
Je remercie chaleureusement Jérôme de m’avoir invité à participer à ce test et de m’avoir rapidement expédié ces spécimens. Je suis reconnaissant à la firme Sakae de nous avoir fait parvenir ces échantillons.