Ma grand-mère maternelle est décédée il y a deux ans. Elle a rejoint mon grand-père qui nous a quittés il y a douze ans déjà.
Tous deux sont nés dans les années 1920. Ils ont eu une belle vie malgré les affres de la guerre : ma grand-mère alsacienne était une fille de "malgré nous", et mon grand-père, originaire du Béarn, a été fait prisonnier en Allemagne. Ils se sont rencontrés à la Libération, et ne se sont plus jamais quittés.
Après avoir vécu en région parisienne, ils ont fait construire une maison de plain-pied dans un village du Médoc pour leurs vieux jours. J'y ai passé toutes mes vacances d'été, entre parties de cache-cache dans la forêt des Landes et baignades dans les rouleaux de Lacanau.
Au décès de ma grand-mère, la maison a été mise en vente. Malgré notre attachement à celle-ci, nous avons voulu qu'elle trouve une seconde vie plutôt qu'elle dépérisse en raison de l'éloignement géographique de toute la famille. Elle a trouvé acquéreur il y a quelques semaines.
Profitant de vacances dans la région, je me suis rendu hier dans la maison pour y faire un premier inventaire du mobilier en prévision de la cession. J'y ai retrouvé de nombreux documents émouvants, comme les bulletins de classe de ma grand-mère rédigés en allemand et tamponnés de la croix gammée, ou les (très !) nombreuses médailles militaires de mon grand-père.
En bon calamophile, j'espérais aussi secrètement dénicher quelques pièces pouvant susciter mon intérêt. J'ai toujours vu mes grands-parents écrire au stylo bille, mais je pensais qu'il pouvait y avoir, cachés au milieu de quelque fatras, des vestiges de l'âge d'or de la plume.
Je n'ai pas été déçu.
Cachés au fond d'une armoire pleine de papier à lettres et de vieilles carte postales, j'ai trouvé trois Waterman en excellent état.
Pièce numéro 1 (trouvée sans étui) :


L'extérieur est en parfait état : rares micro-rayures d'usage, et légère trace sur le bas du corps qui montre que le stylo était utilisé encapuchonné, mais vraiment rien d'autre. L'accastillage doré est resplendissant, exempt de tout défaut.
Il se recharge par cartouches (absente).
Côté plume, c'est sans doute une numéro 5, et son aspect esthétique est mauvais : elle est tachée de partout. Mais la plume en elle-même est droite, et la pointe bien alignée. Elle présente une bonne flexibilité.
On peut y lire de haut en bas : "Waterman's, 18 ct, 3B, France"
Pièce numéro 2 (trouvée sans étui) :



L'extérieur est très bon, mais pas parfait. Le corps et le capuchon présentent de rares micro-rayures d'usage à nouveau, mais l'accastillage est plus marqué. L'agrafe et surtout la bande dorée autour du capuchon affichent des rayures assez nombreuses, et même une petite trace de frottement sur la bande de capuchon qui a effacé une partie de la dorure sur un ou deux millimètres.
Le stylo est plus long que le précédent d'environ 0,7 cm mais de largeur équivalente.
Juste sous le pas de vis figurent deux fenêtres de remplissage de forme ronde.
Le système de remplissage m'intrigue, je n'en avais jamais vu de pareil : le bout du corps se dévisse et laisse apparaître un genre de grosse cartouche en verre. Elle n'a pas l'air de pouvoir se détacher de la section (mais je n'ai pas trop forcé).
Côté plume, elle est plus grande que la précédente, c'est une numéro 6. Elle présente des taches en nombre. De profil la pointe présente une silhouette en forme de "crochet" à peine prononcé mais perceptible dont j'ignore si c'est un défaut à corriger ou non. Elle est flexible, autant que la première, voire même un poil plus.
On peut y lire de haut en bas : Waterman's, Ideal, 6, 18 ct".
Pièce numéro 3 (trouvée dans son étui) :



C'est un C/F : c'est inscrit sur la bande du capuchon

Il dormait dans un étui qui m'a tout l'air d'être d'origine, à l'intérieur duquel figurait même une étiquette avec le nom et l'adresse de la boutique d'achat (Ker Stylos, 15 avenue de l'Opéra, Paris 1er).
La bande de capuchon présente l'inscription "Waterman, plaqué or g, made in France".
L'aspect extérieur est si parfait que je doute qu'il ait beaucoup servi.
Il se recharge par cartouche (une cartouche vide était insérée).
Le seul indice de son usage apparaît une fois le capuchon enlevé : la plume est tachée d'encre sur les bords. Elle est en parfait état, très rigide, et sa pointe légèrement carré laisse deviner un caractère stubby prononcé (miam).
On peut y lire "18 k 750".
Hormis le plaisir de partager ces belles découvertes avec vous tous, ce post vise à m'aider à répondre à quelques questions.
- Quels sont les deux premières modèles ? Après recherches (notamment ici, mais taper "Waterman" dans la barre de recherche n'aide pas à trouver des infos précises), j'ai l'impression qu'il s'agit de modèles des année 1940 ou 1950 qui n'ont pas de nom particulier.
- Les plumes "3 B" et "Ideal 6" ont-elles des caractéristiques particulières reconnues ? Trait ? Flexibilité ? À l'évidence ce ne sont pas des wet noodles.
- Pour les connaisseurs de Waterman vintage (dont je ne suis pas, vous l'avez deviné), ces trois stylos ont-ils un intérêt particulier ou sont-ils parfaitement communs ? (je penche pour la deuxième option).
- Surtout : comment les remettre en parfait état ? Je pense notamment aux plumes : comment les nettoie-t-on sans les abîmer ? Je suis preneur de tout lien vers un ou plusieurs topics qui décrivent la marche à suivre. Et si besoin, comment redonner aux plumes leur souplesse d'origine ? Leur éclat ? Faut-il nécessairement se tourner vers un professionnel, et si oui qui ? (Mora connaît très bien les Waterman je crois ? D'autres idées ? Je suis en région parisienne).
Voilà, c'était un post interminable mais j'espère être parvenu à partager la joie d'avoir exhumé de si beaux objets
