Comparatif des années folles :
Parker Duofold Big-Red vs Sheaffer Lifetime “Flat-Top” oversize.
Les temps modernes
Après la boucherie héroïque de la Grande-Guerre, le 20ème siècle peut définitivement éclore. Les héros fatigués aspirent à une existence sereine. Les années 20 vont engendrer un véritable tourbillon de modernité, tant en matière culturelle que technique.

Rythmé par les premières notes du jazz naissant à la Nouvelle-Orléans, le monde s’apprête à se transformer radicalement. Saignée à blanc, l’Europe abandonne définitivement sa position de leader à une Amérique triomphante, affirmant chaque jour un peu plus sa suprématie économique, industrielle et financière. Le Dollar devient la première devise de réserve internationale, évinçant la Livre Sterling, Wall-Street s’envole vers des sommets jamais atteints, Hollywood commence à façonner l’imaginaire collectif alors que les trois-quarts des automobiles de la planète proviennent de Detroit, et que la Ford Motor Company s’arroge, avec son unique modèle T la moitié du marché mondial !

Cette domination américaine se manifeste de façon encore plus écrasante dans le domaine des instruments d’écriture. Lewis-Edson Waterman a inventé le concept de « fountain-pen » en 1883, suivi par un certain Georges-Safford Parker à la fin de la décennie 1880.Ces deux entreprises, deux multinationales avant l’heure, inondaient l’ensemble des continents dès la fin du 19 ème siècle, suivies par d’autres ambitieux ayant pour nom Conklin ,Crocker, Wahl-Eversharp et tant d’autres…
En ce début des années 20, les futurs grand noms européens et nippons apparaissent ou se développent timidement, que ce soit Aurora ou Omas en Italie, Stylomine ou Edacotto en France ou un certain Simplo s’apprêtant à se muer en Montblanc en Allemagne, Namiki, Sailor et Nakaya au Japon ou encore Swan ou Conway-Stewart en Grande-Bretagne.
Mais ces « minus» n’intéressent pas les colosses américains, occupés à guerroyer entre-eux. Et en cette année 1920, le climat apparaît bien morose. Le marché stagne, voire régresse. Aucune innovation technique, susceptible de retenir l’attention des consommateurs , n’a vu le jour depuis des années-hormis le système de chargement par levier, mis au point en 1913 par Sheaffer et détourné par Waterman en 1916, année de création du remplissage à « presse-bouton » sur le Parker Jack-knife. Tous les modèles se ressemblent, les lignes et les matériaux n’ont que peu évolués en plus de 3 décennies. Le modèle type de cette époque, le Waterman 52 ne se différencie guère de son ancêtre de 1884, le Regular, même petite plume souple en or 14 carats, mêmes proportions menues, même matière, à savoir, l’ébonite, même gamme de coloris très limitée. Seul l’abandon du chargement par compte-gouttes (eyedropper) et l’apparition d’une agrafe (la fameuse « clip-cap », longtemps optionnelle) sur le capuchon tente d’insuffler un soupçon de nouveauté…Les 2 leaders, Waterman et Conklin (fier de son « crescent-filler », loué par Mark Twain, auteur de Tom Sawyer) s’enferrent dans un conservatisme technique et esthétique à l’origine de la crise du stylographe. Heureusement, deux hommes, deux sociétés s’apprêtent à bouleverser radicalement la donne…
Historique:

Georges Safford Parker, ancien élève, puis enseignant dans une école de télégraphie, à Janesville, Wisconsin, écoulait auprès de ses étudiants des stylos de marque Holland à la fin des années 1880.Constatant leurs nombreux défauts, notamment, leur propension marquée aux fuites, il crée sa propre marque, la Parker Pen Co en 1888.Sa première innovation consistera à mettre au point un conduit enfin fiable et ne maculant plus les mains de l’utilisateur à l’ouverture du capuchon. De forme coudée, il prendra la charmante dénomination de « Lucky-Curve » et verra le jour en 1894.



Walter A Sheaffer, fils d’un bijoutier de Bloomfield en Iowa trouvait peu pratiques les systèmes de remplissage à compte-gouttes ou le crescent filler de conklin (sorte de protubérance en forme de croissant ( crescent ) qui comprimait un sac de caoutchouc .)Il mit au point puis fit breveter son levier de compression (lever filler) en 1908 et le perfectionna en 1913, année de fondation de la Sheaffer Pen Co, à Fort-Madison, Iowa.



En cette année 1920, Parker et Sheaffer n’occupent encore qu’une place relativement modeste sur le marché américain, ne se distinguant guère d’une vingtaine d’autres fabricants et se situant loin de Waterman ou Conklin. Et pourtant, 5 ans plus tard, en 1925, ils représenteront à eux deux largement plus de 50% du total de la production américaine !
Conception
Comment progresser dans un marché récessif où tous les produits se singent outrageusement ? En appliquant deux techniques : celle du modèle unique (initié par Henry Ford avec son modèle T dès 1908) et en s’appuyant sur un marketing agressif grâce à la « réclame » naissante.
Walter A Sheaffer, très fin et intuitif saura le premier exploiter ces deux juteux filons, dès 1920.Il réduit considérablement sa gamme pour ne laisser subsister qu’un seul stylo , décliné en plusieurs formats et avec une plume unique, une Manifold (très ferme et destinée aux copies carbones et aux notes rapides) dont la robustesse limitera considérablement les retours à l’usine pour réparation (fini les becs tordus, les plumes fendues), la Lifetime résout intelligemment et économiquement le problème..La disparition des plumes calligraphiques ou semi souples permet une standardisation très rentable de la production .Cela engendre une communication triomphale autour du « premier instrument d’écriture garanti à vie ! »Et pour accroître encore la marge bénéficiaire , Sheaffer fixe un tarif exorbitant de 8$75-pour information, un repas correct à cette époque, avec entrée, plat de résistance, dessert, boisson et café se situait aux alentours de 50 cents !-, soit quasiment trois fois plus que la concurrence pour le modèle Lifetime Oversize (le plus volumineux.)Voilà qui situe le dernier né au sommet du marché et le place résolument parmi les objets de grand luxe.

Même si Sheaffer laisse subsister des modèles plus modestes non garantis à vie et présentant la même ligne, la publicité ne met l’accent que sur l’onéreux Lifetime (en ébonite jusque 1924 puis en celluloïd jusqu’à la fin se sa carrière, une décennie plus tard) qui devient rapidement le compagnons des hommes chics et fortunés , ainsi que des businessmen à la recherche d’un outil infaillible dans l’exercice de la rédaction de contrats et de signatures.

Bien-sûr, Parker ne peut rester insensible à cette première pique d’un jeune godelureau qui ose prétendre le surpasser, lui qui s’appuie sur plus de 30 années de production et d’innovations. Il lui faut trouver le moyen de contrer cette offensive inattendue tout en faisant oublier le demi-succès de son Jack-Knife et l’échec total du Parker Giant, un monstre plus impressionnant qu’un Diplodocus mais qui connût, comme ce dernier, une extinction brutale…

Pour cela, il suffit de reprendre les recettes de Sheaffer : un modèle unique, coûteux , doté d’une plume Manifold bien ferme et fiable , décliné en divers gabarits, dont un large oversize. Ce modèle reprendra la technique moderne du Jack-knife-le couteau suisse en bon français- et sa ligne. On le garantira 25 ans et on l’affublera du nom un peu plus vendeur de Duofold. Mais pour prendre l’ascendant, il faut se singulariser, d’où l’idée géniale et audacieuse du directeur des ventes de Chicago de la Parker pen co, un certain David Tebbel. Ce jeune homme d'une trentaine d'années a conçu l’idée folle de transformer le stylo plume, outil laborieux et bureaucratique en un accessoire de mode et en un objet de reconnaissance sociale (le fameux « snob effect . »)Pour atteindre cet objectif, il a fait réaliser quelques exemplaires d’un Jack-knife un peu spécial où l’ébonite noire a cédé sa place à un rouge-orangé saisissant dans un univers de tons invariablement sombres.
D’abord très réticent, Georges Safford Parker se laissera convaincre par Tebbel et surtout par son fils Kenneth, enthousiasmé par ce nouveau produit et qui en assurera la promotion commerciale. Pour limiter les risques, on réintroduira ultérieurement , en 1923, un modèle Duofold de couleur noire, très semblable au Jack-Knife. Là également, la plume unique Manifold et le prix élevé de 7$ garantiront la rentabilité de l’opération .Le lancement en grandes pompes s’effectue à l’occasion des fêtes de fin d’année 1921, à Chicago.

Evolution :
Sheaffer Lifetime FlatTop et Parker Duofold évolueront de concert tout au long des années 20.Prenant un bon départ, le Lifetime devra subir la tornade Duofold à partir de 1922.Le Parker surclassera aisément toute forme de concurrence, fort de son apparence novatrice et une publicité aussi habile que spectaculaire.


En cette même année 1922, Shaeffer lancera sa gamme d’encre Skrip haut de gamme mais réfléchit à la riposte à donner à cet ambitieux Duofold .

L’idéal serait de proposer un modèle coloré tel que le concurrent de Janesville, mais Walter A Sheaffer refuse la facilité qui consisterait à adopter à son tour l’ébonite rouge-orangée. Il s’agit d’ailleurs de la seule véritable couleur vive capable d’habiller l’ébonite sans altérer sa robustesse. D’où l’idée de se tourner vers d’autres matériaux. Des tests peu concluants sont réalisés par l’utilisation de la caséine sur une série de Lifetime, dont la plupart, en version rouge. Le chimiste Dupont de Nemours fournira la solution avec la Pyroxiline, un celluloïd pouvant facilement se décliner en une vaste gamme chromatique et présentant l’atout de la légèreté par rapport à l’ébonite. L’accord entre Dupont et Sheaffer se conclut dans le courant de l’année 1924, millésime record pour le compétiteur Parker qui a vu sa production bondir de 1 million de pièces en 1920 à 25 millions, seulement 4 années plus tard !

Le nouveau Lifetime adopte donc la Radite made in Dupont avec une ligne inchangée mais dans un inédit coloris vert jade, avec toujours la disponibilité du noir (jet black) mais, évidemment, paré du nouveau matériau. Et, pour la première fois, Sheaffer matérialise sa garantie à vie par l’apparition du point blanc (white dot) sur la tête de capuchon.

Stupeur et tremblement chez Parker qui constate , dès 1925, une sérieuse érosion de la suprématie de son Duofold, suite à l’apparition du Lifetime celluloïd qui s’octroie rien de moins que le quart du marché total cette année là !La firme de Janesville sollicite à son tour Dupont de Nemours, mais il lui faudra patienter jusque 1926 pour la fourniture du précieux celluloïd, car Sheaffer avait pris la précaution de signer un contrat de fourniture exclusif pendant 2 ans.
Le Duofold en Permanite (nom du celluloïd chez Parker) apparait en 1926, soutenu par une incroyable campagne de publicité mettant l’accent sur son caractère incassable. Jeté d’un immeuble de 25 étages, le Duofold Permanite n’a subi aucun outrage ni aucun bris. Parker poussera l’expérience dans le grand canyon et même par avion, à 3000 pieds d’altitude où le dernier venu rejoindra la terre ferme en un seul morceau et, parait-il, sous le contrôle d’un huissier !

Sheaffer a profité de l’adoption du celluloïd pour introduire un Lifetime de couleur rouge en 1925 (eh oui, un Sheaffer Lifetime big-red a existé), puis dans des tons nacrés bicolores.Parker lui emboitera le pas en 1927 avec la sortie d’un Duofold jaune mandarin (un échec, sauf auprès de Colette qui ne se séparait jamais du sien) et d’un bleu lapis lazuli, puis d’un perle-nacre en 1928.
Le docteur es Lifetime flat-top et es Duofold, peut, outre les matières et les coloris, déterminer le millésime par l’absence ou le nombre de bagues sur le capuchon et par la taille des inscriptions sur le corps et la forme de l’agrafe sur le Sheaffer. Ces détails exceptés, ces deux stylos n’ont que peu évolué durant leur carrière, jusque 1930 pour le Duofold originel et jusqu’au milieu des années 30 pour le Sheaffer Lifetime flat top.
Design :
Très clairement, nos duettistes s’insèrent dans la modernité art-déco des années 20.Les ornementations tarabiscotées du modern style (art nouveau, né en France, appelée également école de Nancy, en Lorraine) de certains modèles antérieurs-manchons filigree avec motifs floraux tel le Sheaffer 34, premier modèle de la marque- cèdent la place à une ligne géométrique, épurée, débarrassée de tout élément « perturbateur. »
Les deux agrafes (clips) par leur extrémité en forme de boule ont décidé de ménager les poches et les textiles divers (délicate attention)-l’agrafe Parker, dite « washer clip » a été brevetée en 1916, comme l’indication gravée le rappelle.


A titre personnel, j’affectionne particulièrement le clip du Lifetime se terminant par une gracieuse ellipse, très esthétique.
Evidemment, il s’agit de deux « flat top », c'est-à-dire de stylos à extrémités plates car l’ébonite de leur première moitié de carrière ne tolère aucune forme arrondie (le mouvement Streamline américain valorisant les formes profilées n’apparaitra qu’en 1929-1930, notamment avec le Sheaffer Balance , en celluloïd.)

Ces deux vénérables messieurs ne font véritablement pas leur âge puisque leur ligne subsiste encore aujourd’hui chez Sheaffer (Nononsense et Calligraphy récemment discontinués, sans compter le Connoisseur des années 80/90) et chez Parker avec… le Duofold actuel-apparu en 1987- (et made in France depuis quelques mois !)Du reste, je m’amuse souvent à demander à des néophytes de dater mes instruments d’écriture que je transporte très fréquemment avec moi. Une pharmacienne a situé mon Sheaffer Lifetime de 1926 au « début des années 80 » et mon Duofold Big-Red du même millésime « aux environs de 1984 ou 1985 ! »Preuve s’il en est de la modernité de l’art déco et de sa subsistance dans notre univers du 21èmesiècle.
Certains apprécieront la grande taille du Duofold , d’autres affectionneront la plus grande discrétion du Lifetime –gage d’une certaine distinction .
Entre les deux, mon cœur balance, suivant l’humeur du moment et j’apprécie autant la réserve chic de l’un (le Sheaffer) que la flamboyance de l’autre (le Parker), si typique des « roaring twenties ! »Je ne décernerai donc aucune note à ce chapitre hautement subjectif.
Technique :
Nous avons affaire à 2 stylos modernes pour leur époque (surtout par leurs matériaux et leurs couleurs) mais reprenant les acquis de leur prédécesseurs respectifs, gage de fiabilité.
Le Duofold reprend le chargement à presse-bouton (dissimulé sous un un cache en ébonite que l’on dévisse à son extrémité supérieure) étrenné par le Jack-Knife , son prédecesseur.




Le Lifetime arbore évidemment le levier de compression, véritable symbole de la firme de Fort-Madison.a part cela, nos duettistes s’avèrent presque semblables, en tous points, par leurs partis-pris : plume ferme, conduits en ébonite, grande capacité d’encre, agrafes à boule…
La qualité de fabrication s’avère excellente dans les deux cas et nombreux sont les exemplaires à afficher une fraicheur étonnante pour des objets bientôt nonagénaires…
On peut néanmoins préférer la structure monobloc du Sheaffer à la présence des petits chapeaux en ébonite aux deux extrêmités du Duofold. Ce détail rend la ligne du Sheaffer plus épurée, donc certainement plus élégante.

Egalité à ce chapitre, on peut décerner un 18/20 aux 2 concurrents.
Ergonomie :
Bien qu’oversized (pour l’époque) tous les deux, le Duofold domine de la tête et des épaules son adversaire en terme de gabarit.
Plus long d’un bon centimètre (essentiellement à cause des «extrémités en ébonite noire, du capuchon et du corps, dissimulant le bouton de rechargement ), plus ventru (15 mm de diamètre contre un peu plus de 13 mm pour son adversaire), le Big-Red en impose !
Contrairement à nombre d’instruments d’écriture haut de gamme contemporains-destinés à la « parade »-, nous avons ici affaire à des objets conçus pour une utilisation intensive par des mains masculines. Leur extrême robustesse se conjugue avec une masse très légère comparée à ce que l’on trouve aujourd’hui (à base de construction sur base d’étain ou de cuivre.)Les Big-Red et Lifetime font figure de poids plumes et enchantent par l’authenticité et le toucher de leur matériaux (le celluloïd, c’est tout de même autre chose que l’acrylique, le pvc ou le froid métal recouvert de laque !)
Ils ne fatiguent jamais leur scripteur et lui offrent une excellente prise en main, du fait d’une section se terminant par un petit bourrelet destiné à prévenir une glissade des doigts, encore un détail que devraient adopter nos stylographes dits modernes.
Les hommes se tourneront instinctivement vers le Big-Red plus imposant et les femmes plébisciteront davantage le plus fin Lifetime, certainement plus adapté à leur morphologie (quoique le Big-Red reste parfaitement humain dans ses dimensions , loin d’un MB 149 ou d’un Namiki Empereur. )
En tout cas, la forme rejoint ici la fonction, au plus grand plaisir de ceux qui osent maltraiter leur « ancien » en leur refusant une retraite pourtant amplement méritée…
A ce chapitre on peut attribuer un 18/20 pour les 2, bien que je me sente plus à l’aise avec la section plus large du Big-Red, mais un amateur de finesse optera plutôt pour le Lifetime.
PLUME/CONDUIT :
L’expression « blanc-bonnet et bonnet-blanc » prend réellement toute son acception lorsque l’on teste les deux plumes.D’ailleurs, en « blind-test » impossible de distinguer l’un de l’autre, si ce n’est par la circonférence plus faible du Sheaffer.
On peut affirmer que Walter A Sheaffer a inventé la plume moderne en 1920.En effet, la plume Lifetime présente toutes les caractéristiques d’un instrument d’écriture du 21°siècle, à savoir la fermeté, la fiabilité et la douceur.

Elle tranche radicalement avec ce qui se faisait généralement jusque là, des plumes souvent extra-souples (mais fragiles et nécessitant de la concentration de la part du scripteur) et râpeuses sur le papier.

Sur la Lifetime, la disparition de la souplesse a été compensée par la soudure d’une importante gouttelette d’iridium soigneusement polie à son extrêmité. Les amateurs de pleins et de déliés la maudiront, les amateurs d’efficacité et de fiabilité la béniront. La rédaction de ce texte sur papier avec le Sheaffer et le Parker n’a posé aucun problème, même à un rythme très enlevé et avec une poigne de fer, les deux « papys » n’ont rien perdu de leur juvénile fougue et ils pourraient en remontrer à tous ces jeunes blanc-becs ricanant…
Même école chez Parker avec très exactement les mêmes caractéristiques mais avec une plume toute aussi longue mais plus large et quelque peu enveloppante qui semble encore plus robuste.

Evidemment, nous avons affaire, dans les deux cas à une plume or 14 carats, monochrome,on ne les décorait pas encore façon « sapin de Noël » à cette époque…
La plume du Big-Red comporte les inscription PARKER DUOFOLD PEN et celle du Sheaffer :SHEAFFER’S, LIFETIME ,REG US PAT OFF ,MADE IN USA et le numéro de série .A noter, le petit évent en forme de cœur chez Sheaffer alors que Parker s’en tient à l’orthodoxie à ce sujet.
Dans les deux cas, les conduits en ébonite assurent une parfaite efficacité, avec tous types d’encre, même très épaisses (c’était le cas dans les années20.)Leur débit pourra presque apparaitre excessif à certains-moi j’apprécie- et les premiers caractères un peu « coulants », ce qui s’arrange par la suite.
Mais ces deux gentlemen ne connaissent aucune crise d’incontinence notoire ni de caprice d’aucune sorte. Une modernité incroyable (ou impardonnable pour certains) qui leur permettra de satisfaire même le néophyte absolu en matière de modèles vintage. Une utilisation quotidienne intensive-prise de notes…-ne les effarouchera pas le moins du monde !
Egalité absolue sur ce point, bonne note pour les amateurs de fiabilité et de glissant-attention toutefois à leur grand âge qui a fréquemment altéré cette caractéristique initiale-mais mauvaise note pour les amateurs de nervosité ou de souplesse.L’appréciation, selon les goûts, varie donc de 5/20 à 18/20.
Ceci dit, un bémol, il existait des Duofold à plumes souples ou semi-souples pour l’exportation vers l’Europe notamment en France (avec des plumes 18 K spéciales) et au Danemark où la plume arbore une ancre de marine, symbole de l’importateur local. Mais trouver un Duofold à plume souple relève du casse-tête, quant à Sheaffer, inutile d’y penser !
AUTONOMIE/CHARGEMENT :
Une autonomie importante pour nos duettistes, un peu supérieure sur le Duofold, mais des modes de chargement qui diffèrent.
Le néophyte préfèrera le presse-bouton plus évident du Duofold : on immerge la plume, on appuie sur le bouton en cuivre, on relâche, on compte lentement jusqu’à 10 et c’est fini, il ne reste plus qu’à revisser le cache et à essuyer plume et conduit.
Sur le Sheaffer, il faut tirer le levier vers le bas (un levier très robuste-bullet-proof disent les américains- et bien dimensionné), immerger la plume dans l’encre, rabattre le levier et compter lentement jusqu’à 10.
La conception simple permet une maintenance aisée et seul le sac en caoutchouc interne devra se changer de temps en temps .A noter, un avantage décisif pour le Parker, en cas de rupture du sac , l’encre ne ruissellera pas le long du corps du Duofold (merci la « carrosserie fermée ») , contrairement au Sheaffer dans les mêmes circonstances…
J’apprécie les deux modes de chargement, mais avantage néanmoins au Duofold pour sa facilité d’utilisation, son autonomie légèrement supérieure et son caractère scellé en cas de rupture du sac interne.15/20 pour le Sheaffer et 18/20 pour le Big-Red.
Cotes :
Un Sheaffer Lifetime Flat Top en bon état, version radite-celluloid-, de couleur noire peut se trouver à partir de 250 Euros, prix d’un Duofold « big-black » équivalent.


Un Sheaffer Flat Top, de couleur vert jade en bon état peut prétendre à 300 Euros, voire 350, tarif d’un Duofold Big Red Permanite en bon état de conservation et de marche.

Evidemment, les Duofold et Lifetime des premiers millésimes coûtent infiniment plus cher (on peut atteindre 800 Euros pour un Duofold Big-Red "bandless" en ébonite, voire davantage…) sans compter l’inaccessible Duofold jaune mandarin dont la côte dépasse l’entendement et les 2000 Euros, en très bon état, cas rare.

Le vert jade et le perlenacre de Sheaffer se décolorent avec le temps, contrairement à la version noire, même chose chez Parker dont les versions rouges ou noires ne posent pas de problèmes de vieillissement, contrairement au vert ou au perlenacre.
Franchement, voilà de vraies vintage accessibles. Comparez, par exemple avec le coût des rééditions de Parker Duofold rouge tango des années 80-90 ou des Duofold Centennial cloisonné ou autre séries limitées contemporaines vendues à des tarifs exorbitants malgré une fabrication en vulgaire acrylique et utilisant des cartouches…Question, combien paierez-vous, un stylo neuf, fabriqué en celluloïd, doté d’un conduit en ébonite et proscrivant les cartouches-il faudra lorgner du côté des nos amis italiens-,assez cher, hein ?
Finalement, on peut allier goût de l’authenticité avec radinerie, voilà qui n’est pas pour me déplaire…
Egalité pour la côte des modèles courants.
Conclusion :
Too close to call !
Me voilà bien ennuyé pour conseiller l’un plutôt que l’autre, tant leurs caractères se rapprochent. En fait, tout ne dépend que d’une question de diamètre et de coloris.
Vous préférez un stylo de couleur vive et de diamètre conséquent, optez pour le Duofold.
Vous affectionnez les modèles un peu plus fins et moins voyants ? Votez Sheaffer !
Il n’existe pas de mauvais choix. L’un comme l’autre vous feront voyager dans le temps et l’espace et solliciteront votre imaginaire. Avec cette petite parcelle des années 20 entre vos doigts, vous songerez à Duke Ellington, à Georges Gershwin, à Charlie Chaplin, à Harold Lloyd, à Charles Lindbergh, au jazz, à l’art déco, aux premiers films parlants, Don Juan et le joueur de jazz à une fureur de vivre et de jouir, une époque échevelée et moderniste.
Les deux constituent d’excellents instruments d’écriture pour celles et ceux souhaitant utiliser au quotidien une authentique pièce de collection sans aucun souci.
Mais j’entends d’ici les lazzis et les quolibets : « un match nul, quel courage, parfait pour ne pas trancher ! »
Bien, puisque vous insistez, je lâche le nom de mon favori : sa majesté Big Red !
Pourquoi ? De par son exubérance, il évoque mieux que n’importe quel autre les bulles de champagne des « roaring twenties . »
Les utilisateurs de Duofold à cette époque se nommaient Sir Arthur Conan Doyle, Francis-Scott Fitzgerald, Georges Gershwin, Colette, Montherlant et tant d’autres…

Le Duofold Big-Red représente une sorte de Gatsby le magnifique des stylographes.

Le Sheaffer, de grande qualité, mais plus discret, servait, en couleur noire-of course, comme le Model T- un certain Henry Ford qui appréciait sa sobre distinction.

Avis hautement subjectif, le Duofold a été mon premier ancien, il ne m’a jamais déçu et puis, on revient toujours à ses premières amours, dit-on…
En tous cas, prière de savourer l’un et l’autre avec une bande son adéquate, du Gershwin, du Duke Ellington, du Jack Hylton, du Paul Whiteman ou du Dixieland…
http://www.youtube.com/watch?v=K6DI6ysDemk
http://www.youtube.com/watch?v=1U40xBSz6Dc
http://www.youtube.com/watch?v=bBOBHB4jR8g
http://www.youtube.com/watch?v=6YKWKIfEN8Y
http://www.youtube.com/watch?v=tFS758_rmtg
http://www.youtube.com/watch?v=XaHVmo9O8XM
http://www.youtube.com/watch?v=tef8RQF3XTU
http://www.youtube.com/watch?v=RmD7jeIEkfg
Ces deux fringants octogénéraires partagent chez moi, le même écrin et le soir venu, une fois le couvercle refermé, ils entament certainement une conversation passionnée sur cet étrange monde moderne où des sortes de machines à écrire électriques semblent reliées à d’immenses d’écrans lumineux, où des sons extrêmement bizarres et désagréables émanent de toutes sortes d’appareils portatifs inconnus et où les stylos plumes leur paraissent si arrogants si lourds si chers et si tocs…

Nos duettistes se remémorent leur trépidante existence d’alors, la Packard ou la Duesenberg de leur important propriétaire, les cocktails mondains, les danses frénétiques des flappers sur un jazz endiablé, le tintement des verres en cristal, les robes et les chapeaux cloche des élégantes d’alors, franchement, on passerait la nuit à les écouter ces deux là !







http://www.youtube.com/watch?v=3svvCj4yhYc
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