ombrage et glisse. Corolaire : encrassement ?
Voilà, c’est un résumé de ce que je développe ci-après, en espérant ne pas vous paraître trop pédant et ennuyeux … [

N’ayant pas l’esprit particulièrement cartésien, ne possédant aucune compétence en chimie, je pose quelques bases sans doute approximatives pour lancer mon sujet :
J’aime les encres de couleur sobre et conventionnelle, plutôt bleu-noir, mais qui savent faire preuve d’excentricité quand elles sont appliquées par un stylo-plume au débit suffisant, mais pas excessif, car trop de générosité a généralement pour conséquence de saturer la couleur à l’excès, jusqu’au noir, parfois.
Je n’aime pas les plumes fines, préférant la sensation de glisse à la précision, ce qui s’accorde avec mon goût pour les effets d’ombrage qui se manifestent plus volontiers dans les traits épais.
Cette appétence pour les dégradés et autres nuances de coloris et de luminosité discrédite certaines encres connues, à la couleur généralement appréciée, mais qui ne me conviennent pas en raison de leur ennuyeuse constance.
J’avais par exemple dans cette catégorie un flacon de l’encre Herbin Eclat de Saphir. Un très joli bleu mais trop homogène dans son application.
Mais supprimer de ma wishlist les encres plates n’est pas suffisant.
Il m’arrive de tester une encre semblant correspondre à mes critères, généralement après l’avoir repérée sur des revues du forum ou des vidéos YouTube.
Ce genre d’achat impulsif m’a parfois déçu ; ce que j’avais entrevu via le médium ne correspond pas à mon expérience (papier et stylo différent, etc. …) mais surtout, bien souvent, l’encre s’accorde difficilement avec certains stylos, ou ses propriétés visco-dynamiques ne m’apportent que peu de satisfaction à l’usage. En général, le résultat obtenu avec ce type d’encre au tempérament fade est tout aussi insipide à contempler sur le papier.
Ainsi, j’avais trouvé une encore peu coûteuse, à la couleur me plaisant particulièrement : la Navy Blue de Seitz-Kreuznach. Elle présente un aspect très semblable à celui de la Midnight-Blue de Montblanc, mais elle se révèle sans saveur à l’écriture, comme de l’eau, quand l’encre Montblanc, à la lubrification bien supérieure, communique un plaisir tactile et assure au scripteur une bien meilleure maîtrise de son trait.
Dans la série des déceptions techniques, Nuage de Gris, de J. Herbin (encore! Cette marque réputée, à bon droit j’en suis convaincu, n’est pas pour moi !), cette encre grise, dont j’aime beaucoup les tons délicats, réagit très bizarrement sur certains papiers : elle laisse après séchage un genre de dépôt, comme si on avait utilisé un fusain, et qui produit une traînée en frottant. ( !?)
Jusqu’à récemment, l’encre qui m’avait le plus convaincu, à la fois par la beauté de ses couleurs et nuances et ses qualités à l’apposition, en particulier son extraordinaire glisse, c’est la Montblanc Toffee Brown. (Eh oui, je l’ai écrit : je préfère les bleus

Concernant cet excellent pouvoir glissant qui transfigure n’importe quelle plume utilisée, surtout celles qui, déjà excellentes, transmettent beaucoup d’informations, j’ai cru comprendre, en grande partie grâce au document universitaire que nous a montré grindsel, que les encres dont le solvant est l’eau ne possèdent pas de liant et que l’optimisation de leur viscosité/fluidité est due à l’adjonction d’additifs, de cires en l’occurrence, destinées à donner de la brillance mais également à modifier les propriétés dynamiques en agissant sur le frottement.
J’imagine que l’une des difficultés rencontrées par les chimistes réside en la nécessité de limiter le risque d’encrassement, en tenant compte du reste de la composition ; c’est sans doute pourquoi au retrouve un tempérament différent d’une formulation à l’autre au sein d’une même marque.
J’ai récemment constaté que la Lavender Purple de Montblanc, par ailleurs excellente dans mon 149, et effectivement doté de grandes qualités de glisse, ne parvenait pas toujours à s’écouler jusqu’à la pointe de la plume de mon Kaweco sport. (Ce stylo bas de gamme s’accorde mieux avec une encre Lamy, plutôt aqueuse.)
Voici donc où j’en suis de ma relation avec les encres. Je ne me satisfais plus d’un rendu correspondant à mes inclinations, il me faut également et surtout éprouver une satisfaction physique à l’écriture, du domaine de la proprioception. Le stylo, sa plume et le papier y jouent leur rôle, mais l’encre également.
J’en étais là et c’est alors que j’ai remarqué avec émerveillement, dans le carnet grand voyageur de darasz, quelques lignes déposées avec Iroshizuku Tsuki-Yo de Pilot.
Je sais, je l'ai déjà dit ailleurs mais que voulez-vous, ce carnet est une rudement bonne idée !
J’ai parcouru le forum, constaté que de nombreux contributeurs la portaient aux nues et que, de l’avis général, les encres Iroshizuku étaient réputées pour leur glisse parfaite.
Dans le même carnet grand voyageur, deux autres contributeurs avaient également utilisé Tsuki-Yo, l’un avec un stylo au débit généreux et l’autre avec, au contraire, un stylo un peu sec et une plume fine. A chaque fois, le rendu était nettement différent, et ce que j’obtiens d'un stylo à l'autre est encore différent …

Depuis que je me la suis procurée, son extrême variété me ravit. Et puis alors, encore une fois, ce fameux pouvoir lubrifiant : un régal.
Par le passé, des membres du forum se sont inquiétés d’un possible encrassement avec cette marque, mais, à ma connaissance, il n’y a pas de témoignage concernant des stylos-plume maltraités par Iroshizuku. ( ?)
Il n’empêche, j’ai remarqué, à l’occasion du nettoyage des stylos-plume avant de passer à une autre couleur d’encre, que c’est avec les encres dotées de la meilleure lubrification, et donc sans doute les plus grasses, si cela signifie quelque chose dans la composition des encres, que je rencontre le plus de difficultés à éliminer les dernières traces de couleur. Exemple vécu avec les Montblanc Toffee Brown, Lavender Purple, et maintenant Iroshizuku Tsuki-Yo. De là à y voir un lien de causalité…
Voilà, ce que j’avais à dire …
Commentaires, contradictions, confirmations, infirmations et autres avis sont les bienvenus.
