
La papeterie Tsubaki de OGAWA Ito
Une telle couverture ne pouvait que m’interpeller, et le pitch ci-après de renforcer ma curiosité pour ce roman, dont la traduction vient de paraître et ressort de la catégorie des feel good books.
"Hatoko a vingt-cinq ans et la voici de retour à Kamakura, dans la petite papeterie que lui a léguée sa grand-mère. Le moment est venu pour elle de faire ses premiers pas comme écrivain public, car cette grand-mère, une femme exigeante et sévère, lui a enseigné l'art difficile d'écrire pour les autres. Le choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l'encre, l'enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre. Hatoko répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir : elle calligraphie des cartes de vœux, rédige un mot de condoléances pour le décès d'un singe, des lettres d'adieu aussi bien que d'amour. A toutes les exigences elle se plie avec bonheur, pour résoudre un conflit, apaiser un chagrin. Et c'est ainsi que, grâce à son talent, la papeterie Tsubaki devient bientôt un lieu de partage avec les autres et le théâtre de réconciliations inattendues."
Je ne veux pas divulgacher, voici juste quelques lignes extraites au fil des pages et qui ne dépareront pas ce forum. Une précision : le stylo plume n'est évoqué que fugacement.
Puisque les enveloppes seraient libellées horizontalement, j’ai opté pour le stylo-plume plutôt que le pinceau, avec de l’encre traditionnelle de chez J. Herbin. Parmi les trente coloris disponibles, j’ai choisi le gris nuage.
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Il me semblait qu’un stylo-plume au tracé un peu épais conviendrait mieux au caractère du Baron qu’un pinceau, alors j’ai opté pour un Montblanc. Avec de l’encre noire. Pour le papier, ce serait du papier quadrillé de chez Masuya découvert quelques jours plus tôt dans le placard.
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Le papier quadrillé de chez Masuya était une merveille, au confort d’écriture extraordinaire. Il avait été mis au point au terme de multiples améliorations, après étude de ses affinités avec des encres variées. En plus, il s’accordait à la perfection avec le Meisterstück 149, considéré comme le must parmi les Montblanc. Ce modèle commercialisé avant-guerre avait une plume épaisse, parfaite pour une écriture masculine, affirmée.
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... Le mien était un Man 100, une édition commercialisée pour le centenaire de cette invention. La beauté austère de son corps noir souligné de doré m’a arraché un soupir.
EDIT du 21 août 2020 :
Une suite est parue hier, ceux qui ont aimé le premier apprécieront d’en retrouver les personnages.

Comme nous suivons au quotidien une écrivaine publique, il est souvent question de ses instruments d’écriture, qu’elle choisit en fonction de la nature du document qu'elle doit rédiger et mettre en forme, souvent le pinceau, parfois le stylo-plume, comme dans ces passages où elle tranche pour un Sailor Realo vs un Montblanc 149 :
… j’ai décidé de nettoyer mes stylos à plume. Pour Kamakura, où l’humidité règne tout au long de l’année, l’air était étonnamment sec sous ce grand soleil. Une belle journée comme ça, on en a une par an au maximum. C’était un temps idéal pour nettoyer de fond en comble mes stylos-plume. J’en possède cinq en tout. Deux à cartouches et trois à pompe. Parmi ces derniers, l’un est le Sailor que l’Aînée utilisait à la fin de sa vie ; sa pointe effilée et crochue, pareille à un sabre naginata, est particulière. Le deuxième est un Waterman Man 100 qu’elle m’a offert pour mon entrée au lycée et le dernier, le Montblanc 149 ( …)
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Je les garde toujours à portée de main, pour pouvoir les utiliser régulièrement, mais malgré tout, au bout d’un moment, l’encre se fige et la plume accroche. Dans ces cas-là, il faut la laver à l’eau, qu’il s’agisse d’un stylo à cartouches ou à pompe.
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Dès que j’avais commencé à écouter Madame (…), j’avais pressenti que le Sailor préféré de l’Aînée serait le bon choix. Avec sa pointe effilée, sa souplesse d’écriture était propre, me semblait-il, à faire jaillir de sa bouche les mots qui ne coulaient pas de source, c’était le moins qu’on puisse dire.
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j’ai trempé la plume dans l’encrier et actionné le convertisseur : l’encre est montée, comme aspirée par une paille. J’ai toujours aimé cette sensation. Elle me ravit, comme si je buvais le meilleur jus de fruits qui soit.