Les Waterman des années 40 n'ont pas une grande cote d'amour. Le dernier stylo Waterman remarquable de ces années a été le Hundred year pen, une beauté cannelée très recherchée aujourd'hui. Le dessin des stylos a changé, la guerre passant par là a emmené vers des stylos plus simples, aux lignes plus modernes parfois, aux matériaux économiques, moins compliqués et moins chers à fabriquer. Le style Waterman de ces années-là n'est pas follement excitant, la marque est loin de sa réussite des années 20 et 30, elle n'innove guère après le 100 year. Le Commando, c'est juste ça : un stylo économique à la ligne très ordinaire, costaud, sans fioritures, avec une très bonne plume comme la plupart des plumes Waterman qui ont toujours joui d'une excellente réputation.
Quand certains ont déjà fait le travail, inutile de le refaire : on trouve ici, sous la signature de Richard Binder qui sait de quoi il parle le profil complet du Commando, en anglais bien sûr.
Pour résumer, ce stylo d'entrée de gamme a été fabriqué à partir de 1941, baptisé "Commando" en 42, sa fabrication s'est arrêtée en 46, date à partir de laquelle les Américains ont eu envie de prendre leurs distances avec la guerre et les produits de la guerre. Il a existé pour homme et pour femme en quatre couleurs pas spécialement olé-olé, temps de guerre oblige.
La plume 14 carats est une grande n° 5 semi-flexible très agréable, une M au débit important (ça coule, chic, ça permet à la Waterman bleu-noir de montrer sa plus belle couleur). Feed et plume étaient mal montés à l'arrivée, le stylo refusait tout service après deux lignes, quelques minutes de démontage et de remontage (la plume et le feed se montent par friction), les choses sont immédiatement rentrées dans l'ordre. Elle a un soupçon d'accroche en trop, ce sera facile à adoucir. L'écriture est très vivante et très plaisante avec cette plume. Le stylo a été équipé par le vendeur d'un nouveau sac, c'est un modèle à remplissage par levier. La couleur est un bleu marine foncé, section noire, sans extrémité translucide, laquelle aurait eu toutes les chances d'avoir aujourd'hui disparu. Richard écrit que les Bourgogne et les bleus ont beaucoup foncé avec le temps. L'empreinte sur le corps est très nette. C'est un stylo léger, de bonne taille, sensiblement de celle d'un Pelikan 600 pour donner une référence. Cet exemplaire est en bon état, plastique et dorure, avec les marques normales d'usage.
Pourquoi ai-je acheté ce stylo ? Je regardais ce modèle depuis un moment, l'occasion a fait le larron. D'abord, j'aime bien le dessin des clips Waterman de ces années-là. C'est une raison qui en vaut une autre. Et surtout, j'ai toujours eu un gros, un très gros faible, on pourrait même dire une certaine nostalgie pour ces stylos simples, économiques, qu'on trouvait dans tous les foyers ordinaires. Aucune frime, juste des instruments à écrire souvent de marques oubliées qui faisaient bien leur travail, qu'on achetait pas cher, qui étaient faits pour durer longtemps. Le stylo de mon Pôpa, quoi

Ce Commando a coûté 40 euros livraison comprise depuis les USA, on en trouve facilement dans le même état pour encore moins cher. Pourquoi donc se priver de temps à autre d'un petit plaisir comme celui-là ? Il existe tellement de petits stylos sans prétention qui écrivent très bien et qu'on va payer trois sous.
Ajouté plus tard : quelques photos avec la jaquette d'un film de circonstance. En passant, un des plus beaux films que j'aie vu.
Jimmy