J'ai un peu de temps ce week-end, je possède les deux et comme je m'ennuie un peu...
Je vais essayer de compléter l'admirable description de poulpy qui résume parfaitement les choses. En fait, bien que de même nationalité et de gabarits assez comparables, ces deux là n'ont que peu de points communs si ce n'est une exclusivité certaine et une remarquable qualité de fabrication dans les deux cas.
Commençons par l'Edson, une sorte d'exception culturelle à lui tout seul (so french...) de par son design unique et ses parti-pris techniques très forts, osons le dire, il ne ressemble à aucun autre (si ce n'est un peu au Sheaffer Legacy -qui n'existait pas encore à l'époque de sa conception, 1992- puisque le rival de Fort Madison a déboulé en 1995...) Parmi les défauts de ce singulier instrument d'écriture figurent un tarif musclé (mais justifié par la très haute technologie du joujou et de ses matériaux), une masse assez importante en main (ne postez jamais le capuchon si vous tenez à la survie de vos petites menottes) bien qu'assez équilibrée et une plume dont la fermeté pourra rebuter les amateurs d'élasticité, on y ajoutera également le côté quelque-peu bling-bling des exemplaires à capuchon et attributs dorés!
Pour le reste, le porte drapeau de Saint Saint-Herblain multiplie les tours de force, dans tous les domaines. Il possède une structure interne à double paroi, la résine translucide qui le recouvre provient de l'industrie aéronautique et s'avère ignifugée (!), le bloc plume, certes assez pesant intègre un régulateur-compensateur de débit interdisant toute fuite, même à plusieurs milliers de mètres dans une cabine d'avion mal pressurisée (cela rappelle furieusement le Parker 51 Aerometric!) Les 31 pièces le composant sont usinées avec une précision dépassant le micron et assemblées à la main. Le contrôle qualité s'avère impitoyable et intègre des phases de tests d'écriture simulant la haute altitude dans des machines spéciales mise au point par Waterman.
Comme l'indique fort justement M Mora, l'Edson constitue une pièce maîtresse non seulement de la firme de Saint-Herblain, mais également de la production mondiale dans son ensemble. Il possède une séduction un peu froide, technologique, mais quelle robustesse, quelle fiabilité (des démarrages en trombe, immédiats), quelle douceur de plume (à défaut de flexibilité), quelle esthétique et quelle personnalité! L'écrivain américain Douglas Kennedy qui ne se sépare jamais de son Edson l'a surnommé "la Ferrari de l'écrivain", on ne saurait mieux dire...
J'ai longtemps entretenu un rapport d'amour-haine avec l'Edson, sa version diamant noire sobre à attributs et plumes rhodiés m'a définitivement réconcilié avec ce dernier représentant du stylo plume de haute technologie, digne descendant des Parker 51 et Sheaffer PFM et qui, à son tour, marquera l'histoire, comme ses illustres aïeux. Dernier détail, il s'avère infatigable et sa fiabilité atteint (voire dépasse) celle des meilleurs nippons, ce qui, venant de moi, ne constitue pas un mince compliment!
Avec l'Oldwin (ou plutôt les Oldwin, car il existe toute une gamme), on change radicalement de registre. Le côté hyper-technologique mais un peu froid de l'Edson cède place à un immense sentiment de nostalgie, on a l'impression d'avoir affaire à un instrument d'écriture des années 1930 qui serait parvenu jusqu'à nous sans avoir trahi ses racines. Ceci est particulièrement vrai pour les exemplaires réalisés en ébonite ou dans de splendides celluloïds, provenant le plus souvent d'Italie. L'Oldwin Classic, de forme oblongue est né au début des années 2000, initialement dans une unique version en plexiglas noire, mais rapidement, d'autres matériaux, plus chatoyants ont fait leur apparition.Cet excellent stylo a été intégralement conçu et dessiné par M Mora himself, désirant faire revivre la marque crée en 1930 par son père Boris.
Chaque Oldwin est tourné et façonné à la main dans l'héxagone et on peut affirmer que chaque exemplaire s'avère unique. Tous les éléments proviennent de France, y compris le conduit en ébonite, généreusement calibré. Seule sa longue et élastique plume Bock#7 (ou #8 sur les énormes Giant) provient d'Allemagne. Elle délivre une sensation très agéable, beaucoup plus souple que la splendide plume sertie de l'Edson. Le trait (moyen+) tout comme le débit s'avèrent généreux. L'Oldwin se montre très équilibré et beaucoup plus léger en main que l'Edson avec un toucher plus agréable grâce aux matériaux naturels que constituent l'ébonite et le celluloid.
L'Oldwin Classic (en particulier le mien, un modèle ciel d'orage en celluloid) m'évoque un peu le croisement entre un Sheaffer Balance Oversize et un Omas d'avant guerre, on trouve pire comme inspirateurs et comme cocktail! Les Oldwin, vous l'aurez compris distillent un charme fou, écrivent fort bien et font preuve de l'exclusivité de l'artisanat en plus d'une ligne très sobre et épurée dûe à l'absence de bague (comme sur un Namiki.) Eu égard leur rareté et à leur qualité irréprochable, le tarif des Oldwin a presque quelque-chose d'une affaire, surtout quand on le compare à certains stylos industriels germaniques ultra répandus en plastoc noir! Bravo M Mora pour ce magnifique et distingué représentant de l'art de l'écriture à la française!
Vous l'aurez compris, Oldwin et Edson constituent deux merveilles authentiques, mais aussi distinctes que la carpe et le lapin, il s'agit au bout du compte d'une question de goût personnel. Si l'Edson devait être un véhicule, il s'agirait d'une Citroen SM-Maserati, ultra moderne, fuselée, différente, incroyablement efficace et avec une personnalité très affirmée et décalée.L'Oldwin, de son côté m'évoque les splendides et exclusives automobiles françaises d'avant guerre, les Delahaye, Delage, Talbot, Hotchkiss, Bugatti ou Hispano-Suiza carrossées par des carrossiers artistes tels que Letourneur et Marchand, Henri Chapron et Figoni et Falaschi.
On est en droit d'apprécier les deux styles (c'est mon cas) mais, de toute façon, sachez que vous ne pouvez pas vous tromper en optant pour un des deux! En fait, il vous faut, à la fois un Oldwin ET un Edson!!!!
