Une proposition de palette d'automne
Posté : 28 août 2010 09:53
De plus en plus, regardant un livre ou une peinture, je m’amuse naturellement à chercher des correspondances et des associations d’encres. C’était le cas hier pour une étonnante bande dessinée, « Le dernier des Mohicans », de Cromwell qui a travaillé chaque case comme une peinture. La sombre ambiance du livre de Fenimore Cooper lu il y a longtemps enfant est parfaitement respectée.
Chaque année, quand juillet se termine et qu’août avance, l’impatience de l’automne prend l’homme. Avec ses images convenues d’abord, fils de la Vierge sur les coteaux plantés de vignes au-dessus de la rivière sur fond de grand ciel bleu tranchant, allées de hêtres enflammés, vendanges, couleur du premier jus pressé et des châtaignes. On ne pense qu’après aux grands vents venus du Nord ou de Russie, à l’aigreur de la fraîcheur humide, à la lumière qui se retire.
Feuilletant un joli livre sur le Japon* l’autre jour, j’y trouve une représentation de l’automne qui m’enchante. Tout est là, feuilles emportées par la bise, lumière qui va s’éteignant, impatience de la maison, extraordinaire palette de couleurs atténuées.

Je cherche à partir de là ce que pourrait être une palette d’encres d’automne. Le jeu est d’utiliser ce qu’il y a sous la main, pas de piocher dans des échantillons internet, en essayant de ne pas trop tomber dans le convenu, les couleurs de l’été indien et des érables en flammes. Un premier essai pourrait donner ceci :

Je cherche autour des gris et des bruns. Iroshizuku Kiri-same et Fuyu-syogun pour les gris, les brumes, les fumées et les nuages noir-bleutés de la fin de journée, renforcés par un noir très léger, sans intensité. Ici, c’est une Pelikan, mais elle serait trop noire en réalité. J’en ai une autre en tête avec une quasi-invisible touche de vert, mais je ne mets pas la main dessus. C’est une Callifolio, mais elle serait elle aussi un peu trop noire certainement. Ou bien utiliser une plume assez sèche pour affadir le noir ? La Montblanc Racing green à présent supprimée n’est pas mal, un peu plus claire sur le coup de pinceau que dans une plume où elle sera plus sombre. La Yama-guri donne le ton avec les gris : brun éteint, sombre, triste, terreux. Les champs un dimanche d’ennui dans la campagne boueuse avant de rentrer à la maison. La Tsukushi est plus joyeuse, elle ramène un peu de gaîté, la terre est plus rouge, on entend le fruit qui fait éclater sa coque en tombant. La lumière n’est pas complètement éteinte. La très pâle Cannelle de Callifolio va bien ici, un peu vive encore sur la tache alors qu’elle est presque transparente en réalité. Mais il y a trop de couleur dans cette palette par rapport à ce que je cherche. La Callifolio Itzamna qui est une encre très légère est trop en feu sur la tache (et plus lumineuse encore sur l’écran que sur le papier). La nouvelle Diamine Syrah fait un peu trop folklore paysan, la vigne et tout. L’ensemble est déséquilibré : tant qu’à introduire de la couleur, il faudrait une infime touche de bleu lumineux pour rappeler le ciel des fils de la Vierge, la Cocktail Velours bleu serait trop grasse, pourquoi pas l’éclatante Iroshizuku Kon-peki ? Il n’y a pas que du brun ou des verts éteints en automne, le vert nouveau est déjà revenu dans les grands champs de par ici, il faudrait chercher un second vert. Shin-ryoku peut-être ?
Donc j’essaie en retirant Itzamna et Syrah, j’aime à présent assez l’équilibre de l’ensemble. J’approche de la palette triste et éteinte que je cherchais au début. J’aurais cependant du mal à utiliser la Cannelle que je trouve un peu trop lègère dans le stylo. Voilà ce que cela donne :

Je rappelle que le jeu était de faire avec les moyens du bord. Le papier utilisé est le très bon et très agréable vergé Lalo, blanc ici. Merci aux coton-tiges pour leur patiente coopération et pardon pour les mauvais traitements. Les gars, vous aurez connu une brève existence et une fin plus glorieuses que la plupart de vos collègues.
Jimmy

* « Une saison au Japon » par Sandrine Bailly, La Martinière éditeur, ISBN 978-2-7324-3863-4. 32,00€
Organisé en saisons, photographies, peintures, gravures, affiches rythmées de courts textes et poèmes, ce n’est pas un livre d’érudit, juste un petit livre de délassement et de promenade. Ce que j’y ai trouvé d’intéressant, c’est à côté des images classiques une belle iconographie peu connue du début du XXème siècle, des images avec des palettes de couleurs réduites très étonnantes et très inspirantes. La reproduction des couleurs sur ce que je connais est assez bonne. La couleur de la couverture doit ressembler un peu à ce que j'imagine de la Tsutsuji.
Chaque année, quand juillet se termine et qu’août avance, l’impatience de l’automne prend l’homme. Avec ses images convenues d’abord, fils de la Vierge sur les coteaux plantés de vignes au-dessus de la rivière sur fond de grand ciel bleu tranchant, allées de hêtres enflammés, vendanges, couleur du premier jus pressé et des châtaignes. On ne pense qu’après aux grands vents venus du Nord ou de Russie, à l’aigreur de la fraîcheur humide, à la lumière qui se retire.
Feuilletant un joli livre sur le Japon* l’autre jour, j’y trouve une représentation de l’automne qui m’enchante. Tout est là, feuilles emportées par la bise, lumière qui va s’éteignant, impatience de la maison, extraordinaire palette de couleurs atténuées.

Je cherche à partir de là ce que pourrait être une palette d’encres d’automne. Le jeu est d’utiliser ce qu’il y a sous la main, pas de piocher dans des échantillons internet, en essayant de ne pas trop tomber dans le convenu, les couleurs de l’été indien et des érables en flammes. Un premier essai pourrait donner ceci :

Je cherche autour des gris et des bruns. Iroshizuku Kiri-same et Fuyu-syogun pour les gris, les brumes, les fumées et les nuages noir-bleutés de la fin de journée, renforcés par un noir très léger, sans intensité. Ici, c’est une Pelikan, mais elle serait trop noire en réalité. J’en ai une autre en tête avec une quasi-invisible touche de vert, mais je ne mets pas la main dessus. C’est une Callifolio, mais elle serait elle aussi un peu trop noire certainement. Ou bien utiliser une plume assez sèche pour affadir le noir ? La Montblanc Racing green à présent supprimée n’est pas mal, un peu plus claire sur le coup de pinceau que dans une plume où elle sera plus sombre. La Yama-guri donne le ton avec les gris : brun éteint, sombre, triste, terreux. Les champs un dimanche d’ennui dans la campagne boueuse avant de rentrer à la maison. La Tsukushi est plus joyeuse, elle ramène un peu de gaîté, la terre est plus rouge, on entend le fruit qui fait éclater sa coque en tombant. La lumière n’est pas complètement éteinte. La très pâle Cannelle de Callifolio va bien ici, un peu vive encore sur la tache alors qu’elle est presque transparente en réalité. Mais il y a trop de couleur dans cette palette par rapport à ce que je cherche. La Callifolio Itzamna qui est une encre très légère est trop en feu sur la tache (et plus lumineuse encore sur l’écran que sur le papier). La nouvelle Diamine Syrah fait un peu trop folklore paysan, la vigne et tout. L’ensemble est déséquilibré : tant qu’à introduire de la couleur, il faudrait une infime touche de bleu lumineux pour rappeler le ciel des fils de la Vierge, la Cocktail Velours bleu serait trop grasse, pourquoi pas l’éclatante Iroshizuku Kon-peki ? Il n’y a pas que du brun ou des verts éteints en automne, le vert nouveau est déjà revenu dans les grands champs de par ici, il faudrait chercher un second vert. Shin-ryoku peut-être ?
Donc j’essaie en retirant Itzamna et Syrah, j’aime à présent assez l’équilibre de l’ensemble. J’approche de la palette triste et éteinte que je cherchais au début. J’aurais cependant du mal à utiliser la Cannelle que je trouve un peu trop lègère dans le stylo. Voilà ce que cela donne :

Je rappelle que le jeu était de faire avec les moyens du bord. Le papier utilisé est le très bon et très agréable vergé Lalo, blanc ici. Merci aux coton-tiges pour leur patiente coopération et pardon pour les mauvais traitements. Les gars, vous aurez connu une brève existence et une fin plus glorieuses que la plupart de vos collègues.
Jimmy

* « Une saison au Japon » par Sandrine Bailly, La Martinière éditeur, ISBN 978-2-7324-3863-4. 32,00€
Organisé en saisons, photographies, peintures, gravures, affiches rythmées de courts textes et poèmes, ce n’est pas un livre d’érudit, juste un petit livre de délassement et de promenade. Ce que j’y ai trouvé d’intéressant, c’est à côté des images classiques une belle iconographie peu connue du début du XXème siècle, des images avec des palettes de couleurs réduites très étonnantes et très inspirantes. La reproduction des couleurs sur ce que je connais est assez bonne. La couleur de la couverture doit ressembler un peu à ce que j'imagine de la Tsutsuji.