Wirt overfeed, c. 1900
Posté : 02 août 2010 08:23
Aujourd’hui, ce sera l’histoire d’un petit stylo bien ancien. Bien ancien, bien joli et bien intéressant parce qu’il présente des particularités qui ont très rapidement disparu sur les stylos à plume, les évolutions techniques et esthétiques étant très rapides aux confins des premières années du siècle dernier.
Le stylo est un Wirt américain. La firme Wirt a commencé à fabriquer des stylos au début des années 1880 et est très rapidement devenue un des premiers grands fabricants américains. Wirt fabriquait des instruments de très bonne qualité très recherchés aujourd’hui par les amateurs. On lira avec intérêt en parcourant les liens cités en fin de message l’histoire de la marque et ses rapports avec les autres grands fabricants de l’époque, en particulier L.E. Waterman avec qui les relations étaient excellentes, d’autres ayant fait les frais de la dureté en affaires de Mr Waterman. Paul Wirt lui-même, dont la biographie figure dans les liens sus-cités, semble avoir été un homme très respecté, un homme comme les aiment les Américains, qui faisait passer le bien de sa communauté avant ses intérêts personnels.

J’ai déjà eu l’occasion de dire mon intérêt croissant pour les stylos des premiers âges, les stylos des origines, objets mystérieux, délicats, rares parfois, chargés des bouillonnements de l’esprit de l’époque, évolution certainement logique de l’amateur de stylos anciens. Un petit monde impressionnant, un peu trouble pour le profane, qu’on aborde avec lenteur et un peu d’inquiétude, pensant à la littérature, à l’histoire... Ces années de l’histoire, de la littérature, de la photographie américaines sont passionnantes, c’est pourquoi j’ai choisi en toile de fond des photos tirées du très bon livre « Ellis Island, Echoes from a nation’s past » publié chez Aperture en 1989, quand j’avais d’autres candidats qui auraient parfaitement fait l’affaire. Choix du fond, petit plaisir des essais. J’ai souvent dit mon peu de goût pour la photographie de natures mortes, vous trouverez de bien meilleures photos dans un des liens du bas.

Ce Wirt a été fabriqué entre 1900 et 1905. Faute de documentation suffisamment précise, je préfère rester vague. Il m‘a été vendu comme datant de 1905, Alvaro dans le lien en fin de message parle lui de 1903. Le dessin et l'ornementation sont typiques des années 1900. Le stylo est fabriqué en ébonite noire guillochée (BCHR, Black Chased Hard Rubber) avec un très joli motif. L’empreinte dit « PAUL E. WIRT FOUNTAIN PEN, PAT’D JUNE 27.1882 & FEB 3.1885 ». Les deux bagues dorées, la première séparée de la section par trois cordons torsadés, sont finement gravées à la main. Le capuchon est ce que les Américains appellent un « straight cap » : cylindrique, il est de même diamètre que le corps et s’enfiche par friction sur celui-ci, il n’y a pas de pas de vis. Le stylo est, comme on peut s’y attendre, un eyedropper, il se remplit au compte-gouttes, comme la plupart des stylos des premiers temps. C’est un poids plume, le plus léger de tous les stylos que je possède : il pèse 8,5 grammes avec le capuchon, 7 grammes sans, c’est assez spectaculaire. Il est de longueur normale et très fin, 13,2 cm fermé, 12,3 sans le capuchon pour un diamètre d’ébonite de seulement 9,8 mm.

Ultra-léger, eyedropper, voilà déjà deux caractéristiques qu’on ne trouve plus souvent. Mais cela resterait banal si ne venaient s’y ajouter deux autres bien moins courantes. La première est la plume et le système d’alimentation. La plume est une très belle plume fine flexible, sans trou, barrée d’un trait sur le dessous, avec peu d’iridium au bout. Son toucher est extraordinairement léger : on dirait utiliser un porte-plumes et une de ces plumes que les vieux machins comme moi ont connu à l’école. Si on parlait de cuisine, on parlerait d’un plat aux délicates saveurs, relevé de quelques épices très légers. Ce n’est pas une plume facile, mais quelle sensation ! Mais le plus intéressant est à venir, regardez bien la photo : le feed n’est pas, comme nous en avons l’habitude, au-dessous de la plume, mais au-dessus, ce qui donne une impression visuelle et une sensation dans la main très différents de ce dont on a l’habitude. Ce système overfeed sera rapidement abandonné en ces temps d’évolution extrêmement rapide des technologies. On lira à ce sujet les commentaires dans les liens cités.

Parlant de ce feed, j’en viens à la deuxième particularité de ce stylo. Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai d’abord cru à une plume ajustable, à flexibilité réglable, parce que j’avais déjà vu des systèmes de ce genre où on faisait avancer et reculer le feed pour moduler la souplesse de la plume. Il n’en est rien ici : le feed est fixe et se prolonge à l’intérieur du corps par une espèce d’étonnante cuiller. On pense bien sûr tout de suite à la célébrissime Lucky Curve de Parker : j’imagine que, touchant la paroi intérieure du corps du stylo, cette « cuiller » sert à réguler le débit et à faire redescendre l’encre dans le réservoir par capillarité quand le stylo n’est pas utilisé. En tout cas, je n’avais jamais vu d’autre système de ce genre.
Que dire de plus à présent, sinon le petit bonheur de la découverte et de l’écriture avec un merveilleux petit instrument pareil ? Comment, lorsqu’on aime les stylos et la littérature américaine ne pas être fasciné par ce petit bijou chargé de tous les vents de l’époque ? Ces stylos anciens auxquels je commence à peine à toucher offrent des plaisirs multiples et subtils. J’avais déjà parlé ici d’un > superbe Crocker >, je parlerai bientôt d’un plus courant Waterman #13.
Parmi les ouvrages disponibles sur l’ancien, citons les Fischler et Schneider : "The book of Fountain pens and pencils" et "Fountain pens and pencils - The golden age of writing Instruments", qui parlent d’instruments oubliés dans d’autres livres. Merci à Alain Dbjay.
Trois liens : le premier est celui d’Estilograficas.net, où Alvaro > photographie le Wirt > bien mieux que je ne l’ai fait.
Le second est entièrement consacré à la marque Wirth, > histoire, biographie, photos... >
Le troisième, que les amateurs connaissent tous, contient de > bonnes informations également sur les Wirt >.
Voilà, en espérant vous avoir intéressés, en attendant vos commentaires et éventuellement des additions à cette présentation et à ces informations sommaires, en remerciant d’avance ceux qui pourront compléter ce message.
Jimmy
Le stylo est un Wirt américain. La firme Wirt a commencé à fabriquer des stylos au début des années 1880 et est très rapidement devenue un des premiers grands fabricants américains. Wirt fabriquait des instruments de très bonne qualité très recherchés aujourd’hui par les amateurs. On lira avec intérêt en parcourant les liens cités en fin de message l’histoire de la marque et ses rapports avec les autres grands fabricants de l’époque, en particulier L.E. Waterman avec qui les relations étaient excellentes, d’autres ayant fait les frais de la dureté en affaires de Mr Waterman. Paul Wirt lui-même, dont la biographie figure dans les liens sus-cités, semble avoir été un homme très respecté, un homme comme les aiment les Américains, qui faisait passer le bien de sa communauté avant ses intérêts personnels.

J’ai déjà eu l’occasion de dire mon intérêt croissant pour les stylos des premiers âges, les stylos des origines, objets mystérieux, délicats, rares parfois, chargés des bouillonnements de l’esprit de l’époque, évolution certainement logique de l’amateur de stylos anciens. Un petit monde impressionnant, un peu trouble pour le profane, qu’on aborde avec lenteur et un peu d’inquiétude, pensant à la littérature, à l’histoire... Ces années de l’histoire, de la littérature, de la photographie américaines sont passionnantes, c’est pourquoi j’ai choisi en toile de fond des photos tirées du très bon livre « Ellis Island, Echoes from a nation’s past » publié chez Aperture en 1989, quand j’avais d’autres candidats qui auraient parfaitement fait l’affaire. Choix du fond, petit plaisir des essais. J’ai souvent dit mon peu de goût pour la photographie de natures mortes, vous trouverez de bien meilleures photos dans un des liens du bas.

Ce Wirt a été fabriqué entre 1900 et 1905. Faute de documentation suffisamment précise, je préfère rester vague. Il m‘a été vendu comme datant de 1905, Alvaro dans le lien en fin de message parle lui de 1903. Le dessin et l'ornementation sont typiques des années 1900. Le stylo est fabriqué en ébonite noire guillochée (BCHR, Black Chased Hard Rubber) avec un très joli motif. L’empreinte dit « PAUL E. WIRT FOUNTAIN PEN, PAT’D JUNE 27.1882 & FEB 3.1885 ». Les deux bagues dorées, la première séparée de la section par trois cordons torsadés, sont finement gravées à la main. Le capuchon est ce que les Américains appellent un « straight cap » : cylindrique, il est de même diamètre que le corps et s’enfiche par friction sur celui-ci, il n’y a pas de pas de vis. Le stylo est, comme on peut s’y attendre, un eyedropper, il se remplit au compte-gouttes, comme la plupart des stylos des premiers temps. C’est un poids plume, le plus léger de tous les stylos que je possède : il pèse 8,5 grammes avec le capuchon, 7 grammes sans, c’est assez spectaculaire. Il est de longueur normale et très fin, 13,2 cm fermé, 12,3 sans le capuchon pour un diamètre d’ébonite de seulement 9,8 mm.


Ultra-léger, eyedropper, voilà déjà deux caractéristiques qu’on ne trouve plus souvent. Mais cela resterait banal si ne venaient s’y ajouter deux autres bien moins courantes. La première est la plume et le système d’alimentation. La plume est une très belle plume fine flexible, sans trou, barrée d’un trait sur le dessous, avec peu d’iridium au bout. Son toucher est extraordinairement léger : on dirait utiliser un porte-plumes et une de ces plumes que les vieux machins comme moi ont connu à l’école. Si on parlait de cuisine, on parlerait d’un plat aux délicates saveurs, relevé de quelques épices très légers. Ce n’est pas une plume facile, mais quelle sensation ! Mais le plus intéressant est à venir, regardez bien la photo : le feed n’est pas, comme nous en avons l’habitude, au-dessous de la plume, mais au-dessus, ce qui donne une impression visuelle et une sensation dans la main très différents de ce dont on a l’habitude. Ce système overfeed sera rapidement abandonné en ces temps d’évolution extrêmement rapide des technologies. On lira à ce sujet les commentaires dans les liens cités.

Parlant de ce feed, j’en viens à la deuxième particularité de ce stylo. Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai d’abord cru à une plume ajustable, à flexibilité réglable, parce que j’avais déjà vu des systèmes de ce genre où on faisait avancer et reculer le feed pour moduler la souplesse de la plume. Il n’en est rien ici : le feed est fixe et se prolonge à l’intérieur du corps par une espèce d’étonnante cuiller. On pense bien sûr tout de suite à la célébrissime Lucky Curve de Parker : j’imagine que, touchant la paroi intérieure du corps du stylo, cette « cuiller » sert à réguler le débit et à faire redescendre l’encre dans le réservoir par capillarité quand le stylo n’est pas utilisé. En tout cas, je n’avais jamais vu d’autre système de ce genre.
Que dire de plus à présent, sinon le petit bonheur de la découverte et de l’écriture avec un merveilleux petit instrument pareil ? Comment, lorsqu’on aime les stylos et la littérature américaine ne pas être fasciné par ce petit bijou chargé de tous les vents de l’époque ? Ces stylos anciens auxquels je commence à peine à toucher offrent des plaisirs multiples et subtils. J’avais déjà parlé ici d’un > superbe Crocker >, je parlerai bientôt d’un plus courant Waterman #13.
Parmi les ouvrages disponibles sur l’ancien, citons les Fischler et Schneider : "The book of Fountain pens and pencils" et "Fountain pens and pencils - The golden age of writing Instruments", qui parlent d’instruments oubliés dans d’autres livres. Merci à Alain Dbjay.
Trois liens : le premier est celui d’Estilograficas.net, où Alvaro > photographie le Wirt > bien mieux que je ne l’ai fait.
Le second est entièrement consacré à la marque Wirth, > histoire, biographie, photos... >
Le troisième, que les amateurs connaissent tous, contient de > bonnes informations également sur les Wirt >.
Voilà, en espérant vous avoir intéressés, en attendant vos commentaires et éventuellement des additions à cette présentation et à ces informations sommaires, en remerciant d’avance ceux qui pourront compléter ce message.
Jimmy