Votre grand roman, Mad Pens, aux éditions Pilotnamiki.
Posté : 24 août 2012 01:54
Les bancs d’essai de Pilotnamiki
MAD PENS
Le comparatif des sixties
SHEAFFER PFM VS PARKER 75 STERLING
Comme nombre de lecteurs de ce forum, j’imagine, je me délecte depuis plusieurs années de la série « Mad-Men .» Cette remarquable création retrace l’existence tumultueuse d’un publicitaire de Madison-Avenue à New-York durant les années 60.

Tous les détails s’avèrent minutieusement reconstitués, à l’exception d’un seul, les instruments d’écriture. En effet, du big-boss à la secrétaire, tout le monde emploie le même modèle de Parker Jotter à bille, beaucoup trop « bas-bleu » pour l’élite de la « réclame ! »

Moi, Pilotnamiki, je me propose donc de découvrir le compagnon d’écriture de Don Draper, le héros ambigu de cette riche saga. En tant que dirigeant ou du moins, premier responsable créatif, il lui faut un stylo plume, seul digne de son rang.

De plus, en bon héros américain, il lui faudra jeter son dévolu sur ce que la nation à de meilleur à offrir, pas sur une importation des anciens ennemis de l’Axe…
La série se situe actuellement à la 5ème saison (aux Etats-Unis) et juste au milieu de la décennie,-en fait en 1966- notre homme devra donc opérer un choix entre deux stylos vraiment différents, à savoir le massif et très technologique Sheaffer Pen For Men

ou bien, le luxueux et ergonomique Parker 75.

Afin de rendre cette fantastique expérience réalisable, je me suis donc confectionné une machine à remonter le temps, sous la forme, non pas d’une De-Lorean, mais d’une Buick Riviera 1964, plus anonyme dans la circulation de l’époque…

Je me sens un peu nerveux avant la rencontre du « grand homme », sa réputation l’ayant largement précédé.
http://www.youtube.com/watch?v=tOQfBdCT-AI
Direction la Third Avenue où Don Draper m’attend à 14 h précises. Je l’ai rencontré quelques jours avant mon entrevue dans son bar favori en train de descendre solitairement quelques Bourbons. Nous avons sympathisé et je lui ai fait croire que je possédais une chaine de papeterie et que j’aurais besoin de solliciter ses conseils. Une réunion informelle doit se tenir dans son bar favori et non dans sa nouvelle agence..

J’atterris discrètement –oui car ma Buick vole bien-sûr, en voici la preuve : http://www.youtube.com/watch?v=sm9nEQtn7KU
- dans une place un peu à l’écart et je m’extirpe du luxueux cockpit tendu de cuir et de chrome.
D’un pas décidé, je franchis l’avenue via un passage piéton à la vue du signal vert « Walk » et me voici de l’autre côté, à une encablure de notre lieu de rencontre. L’élégance des autochtones me saute littéralement au visage. Hommes cravatés aux costumes impeccables et surtout représentantes du « beau-sexe » en jupes, robes cintrées, tailleurs, talons, quel ravissement pour un homme du 21ème siècle obligé habituellement de subir l’affligeant spectacle du casual-wear sous prétexte-fallacieux-de confort et de fonctionnalité…

Je me suis d’ailleurs mis à la page avec un impeccable costume prince de Galles et j’arbore une de ces cravates fines, typiques des années soixante !

Me voici arrivé à destination, je pousse le porte du PJ Clarke’s, immédiatement, une fumée politiquement incorrecte me picote les narines.

Subitement, un homme en costume élégant se dresse et me hèle d’un air chaleureux, Don Draper a immédiatement décelé le frenchie décalé que je suis et m’invite courtoisement à sa table. Après une virile poignée de main, je prends place sur la banquette en moleskine rouge, face à mon interlocuteur qui me dévisage d’un air goguenard…

Don Draper : Vous semblez perdu ici, mais c’est normal, ça doit vous changer beaucoup…
Votre serviteur : (un peu décontenancé) : En effet, New York dépasse mes normes et l’entendement…
Don Draper : Et puis, ici, vous pouvez vous distraire .J’ai appris que votre pays ne comporte qu'une seule chaine de télévision en noir et blanc,en plus. Vous devez vous ennuyer à mort...
Votre serviteur : Are you joking Mr Draper ?
DD: Of course!!!! (rires soutenus)
Vs: On devrait en venir au fait Mr Draper…
DD : Arrêtez de m’appeler Mister, appelez moi Don, vous êtes en Amérique ici. Et vous, comment dois-je vous appeler, Monsieur, Mister, Sir, Pilot, -vous avez un prénom bizarre- ?
Vs : Comme vous voudrez, Don, il faudrait qu’on commence, mes lecteurs vont s’impatienter.
DD : Vos lecteurs ?
Vs : Oui, mes lecteurs du futur qui suivent notre conversation sur un écran d’ordinateur, une tablette ou de téléphone…
DD : Des lecteurs du futur avec des écrans d’ordinateur ??? Et des téléphones avec des écrans et pourquoi pas avec un juke-box et des appareils photos intégrés pendant que vous y êtes ? Une tablette avec un écran, vous pensiez à la boule de cristal de Mme Irma, non ? Vous avez l’air encore plus imbibé que moi après une dizaine de whiskies on the rocks. (rires)
Vs (exhibant un coffre à stylos en bois) : Voilà ce dont je vous avais parlé hier soir, Don, des instruments d’écriture dignes de votre rang.

DD : Ok, je vais les examiner, mais expliquez moi tout, car je n’y connais rien.
HISTORIQUE
Vs : Vous connaissez Sheaffer et Parker ?
DD : Quand même. Attendez, il faut que je commande. Garçon !!
Le serveur :Oui Monsieur ?
DD : Un bourbon dry et pour vous frenchie?-regard mauvais du serveur à mon endroit.
Vs : Un Perrier avec une rondelle…
DD : Allez, une boisson d’Homme…
Vs :Je tiens à conserver les idées claires !
DD : Un bourbon dry également pour mon invité !
Moi : Mais…
DD : Pas de mais, les affaires ne se concluent pas avec du lait fraise ou de l’eau minérale.
Vs : That’s right Don…
DD : Allez-y, je veux tout savoir…
Vs :Au début des années 40, la firme Parker pen de Janesville Wisconsin a commercialisé un stylo révolutionnaire appelé Parker 51, à la forme fuselée et à la plume capotée, prenant de cours tous ses concurrents…

DD : Je connais ce stylo, Roger-le copropriétaire de l’agence- en a eu un autrefois.

Vs : Pour le contrecarrer Sheaffer pen de Fort Madison, Iowa, a perfectionné son traditionnel Crest, à plume conique en y adjoignant un système de rechargement ultra sophistiqué appelé Snorkel, en 1952. Pour schématiser, lorsque vous dévissez l’extrémité du style, un petit tube émerge du conduit, ce qui permet de recharger le stylo sans tremper la plume dans l’encrier.

DD : Intéressant.
Vs : En réalité, surtout un détail marketing destiné a contrecarrer Parker et surtout la progression de ce satané stylo bille qui ravageait tout dans les années 50….Mais cela a fonctionné et les ventes de Sheaffer ont dépassé celles de Parker. L’inventeur de ce Snorkel, un obscur ingénieur du nom de Lynn P Martin a reçu une promotion et est devenu le bras droit du Chief Designer, le très respecté William Bunn !
DD : Les bons créatifs doivent être récompensés ! Ah, voilà nos consommations.
Vs : Merci .Je tends une pièce au serveur qui l’accepte d’un air dédaigneux…
DD : Goûtez moi cette merveille.
Moi (méfiant) : Après vous Don…
DD : Vas-y frenchie ou tu vas me froisser !
Vs : Ok ! Je m’exécute (et j’ai l’impression d’engloutir une gorgée d’acide chlorhydrique.)
Vs : Pouah !
DD : Allez, continue ton explication !
Vs : Vous me tutoyez maintenant ?
DD : Aucune différence en anglais, pal, je te tutoyais depuis le début et tu ne t’en rendais pas compte, you fool !
Je l’imaginais plus réservé et plus classe ce Don Draper, enfin je poursuis mon explication, un peu surpris par son comportement.
Vs : Du coup, panique chez Parker qui voit sa suprématie ébranlée.et qui décide de recruter un Chief Designer à la hauteur, afin de se renouveler, un certain Dorman, Don Dorman, dès 1953.
DD : Le créatif de la boîte porte le même prénom que moi, ça me plait !
Vs : Oui et on peut le considérer comme le Don Draper du stylo !
Don Draper sourit radieusement.
Vs : A l’époque, la firme Parker était dirigée par le fils du fondateur Georges-Safford, Kenneth Parker. Et c’est le petit fils, Dan qui avait eu l’idée lumineuse de faire appel à un élément extérieur afin de bousculer les conservatismes internes.
Ce Don Dorman, prenant acte du succès du Sheaffer Snorkel décide de se concentrer sur le système de chargement mais il va procéder de manière très différente en le simplifiant au maximum. Il crée une sorte de corps spongieux enrobé dans une enveloppe en téflon percée de petits trous. Des prototypes quasiment définitifs sont mis au point dès 1953.


Notez bien que la plume demeure visible sur le proto, mais pas dans la version définitive où une flèche sur la section indique la positon de l’extrémité. Pour remplir le stylo, on dévisse l’extrémité inférieure et on plonge la partie spongieuse dans un encrier (soit le stylo plume en haut) pendant 30 secondes. Par capillarité, l’encre imbibe la partie spongieuse et le stylo se remplit automatiquement, sans appuyer sur un bouton ou actionner un mécanisme complexe. Malheureusement, l’opération prend environ 30 secondes Et une fois le stylo rempli, il faut le retourner, revisser son corps et tremper la plume pendant une bonne seconde dans l’encre…

DD : Juste le temps de se confectionner une dizaine de cocktails…

Vs : Voilà le problème, en effet et en plus, bien qu’élégant, le nouveau venu ne se distingue pas assez de son prédécesseur esthétiquement et vaut beaucoup plus cher (une somme très élevée de 20 $ lors de son lancement en 1956).Pour ajouter à la confusion, le nouveau venu se nomme Parker 61 qui peut être aisément confondu avec 51.Et malgré son tarif, Parker perd de l’argent sur chaque modèle vendu…


DD : Un Don pas si génial que ça finalement…
Vs : Les ventes s’avèrent poussives, ce qui permet à Sheaffer de conserver le leadership sur le segment supérieur, en terme de volume et de préparer sereinement sa riposte pour la fin de la décennie 50 en tirant les leçons des erreurs de l’adversaire de toujours.
DD : Les collaborateurs qui ne tirent pas de leçon de leurs erreurs, je les vire de l’agence…
Vs :Ton univers impitoyable…
DD : I beg your pardon ?
Vs :Nothing !
DD : Go ahead !
Vs: Don Dorman se rattrapera par la suite en créant la première cartouche en plastique de la marque qui équipera en 1959 l’économique Parker 45, un immense succès jusque dans les années 2000…
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DD : Vous recommencez avec votre délire sur le futur, en 2000 plus personne n’utilisera de stylo plume. On communiquera de planète en planète avec des instruments mystérieux et on rentrera en contact avec des aliens !
Vs : Si vous tenez jusque là, Don, vous verrez bien….Mais en 1959, Sheaffer présente sa bombe, un des deux modèles contenus dans cet écrin, le Sheaffer PFM, le Pen For Men, appelé également le stylo macho, à cause de son nom, bien-sûr, mais également de sa carrure.

DD : Ah mais je le connais celui-là, il a une plume un peu bizarre, non ?
Vs : Vous êtes un connaisseur Don ! Un effet, ce stylo arbore une plume un peu spéciale que l’on examinera plus loin et il conserve le complexe système de rechargement à Snorkel de son ancêtre (il fallait bien l’amortir !)
DD : Qui a crée ce PFM ?
Vs :Le tandem William Bunn-Lynn Martin avec l’aide de deux ingénieurs, Gordon et Dudds pour cette fameuse plume que l’on examinera en détail plus loin !
DD : Et Parker dans tout cela ?
Vs : Ils vont encore tâtonner 5 longues années avant de trouver la bonne parade ! Kenneth Parker, le big boss en avait assez des formes profilées démodées et des instruments d’écriture peu ergonomiques. Dès le début des années 50 il avait confectionné un prototype avec un grip triangulaire rotatif, rendant la préhension plus aisée, notamment pour les gauchers. Cette idée plaît à Don Dorman et à Dan Parker, le fils de Kenneth. Ces deux là, amis proches, fonctionnaient en tandem, un peu comme Bunn et Martin chez Sheaffer et ils décident de pousser la logique encore plus loin. Non seulement, leur dernier né aura ce fameux grip, mais en plus, une plume rotative, orientable selon les désidératas du scripteur. En plus cette nouvelle plume n’est plus capotée mais apparente et offre une certaine souplesse, des caractéristiques inédites en 1962, année de lancement du Parker VP (pour Very Personnal !)

Ce modèle marque une rupture fondamentale avec la production Parker des 20 années précédentes et le VP, malgré un succès mitigé va servir de base au futur haut de gamme.


En 1964, le Parker lance le 75 (pour 75 ème anniversaire de la firme, 1889+75= 1964, le compte est bon), un croisement entre le 45 pour le chargement à cartouches et le VP pour le concept général, le tout luxueusement habillé d’argent massif sterling-925/1000- à motifs quadrillés.

Malgré un prix très élevé de 25$, le nouveau venu rencontre un immense succès, digne de ses ancêtres, les Duofold, Vacumatic et 51, vendus à des millions d’exemplaires chacun !

DD : Ah oui, je le connais aussi celui-là, plusieurs de mes gros clients ont déjà signé un chèque avec…
Vs : Parfait Don, on va pouvoir se concentrer sur le design maintenant !
DESIGN
Vs : Prenez les tous les deux et considérez-les, impossibles à confondre, n’est ce pas ?
DD : En effet…
Vs : Ils n’ont pas été dessinés à la même époque et cela se ressent nettement. Le PFM provient en ligne droite de l’ère Eisenhower, les golden fifties. Il ressemble aux voitures américaines contemporaines, robustes, énormes et un tantinet baroques.

pfmV fermé
Impossible de ne pas percevoir, à travers la plume sertie de Sheaffer, l’influence des ailerons popularisés par Cadillac dès la fin des années 40, une idée du grand designer Harley J Earl, considéré comme l'un des premiers stylistes automobiles de l'histoire.Il chapeautait le bureau de style de la toute puissante General Motors.

Accessoirement ce Mr Earl a dessiné le révolutionnaire Waterman CF à cartouche en plastique en 1952…

Le Parker, plus fin, plus sobre se font dans l’esthétique « moderne » parce qu'épurée des sixties où les surcharges de toutes sortes ont disparu, ou presque, comparez donc une Ford Fairlane 500 des années 58-59,
FORD FAIRLANE 500
1958
avec une Fairlane de 1964 et vous verrez…
FORD FAIRLANE 1964
Je trouve que ce Sheaffer PFM vous correspond bien Don, déjà le nom, Pen for Men…
DD : Ce nom me plait bien…
Vs : Vous ne me surprenez pas, mais de là où je viens, cette appellation pourrait faire scandale.
DD : Vous vivez dans un drôle d’endroit !
Vs : Vous n’imaginez même pas, Don !
DD : C’est marée basse, je vais recommander deux whiskies, quel air voulez-vous dans le juke-box ?
Vs : Un Julie London, please !
DD : Ok, je reviens tout de suite.
Don Draper discute avec le garçon, puis glisse une pièce dans le Wurlitzer, je reconnais les premières notes de « Fly me to the Moon ! »

http://www.youtube.com/watch?v=w8r9ZPQ_828
Vs : Vous revoilà, on va pouvoir continuer, Don, à quoi vous fait penser ce PFM ?
DD : On dirait un quater back, avec ses épaules carrées !

Vs : Bonne comparaison, Don, ses extrémités plates renforcent son aspect trapu, tout comme la large agrafe et sa bande de capuchon, sur certains modèles. En parlant du capuchon, remarquez qu’il tient par friction, grâce à trois petits picots. Observez aussi l’extrémité supérieure crénelée ergonomique pour une utilisation facile de la recharge par Snorkel. Il a existé jusqu’à 5 modèles de PFM, voire même davantage…
DD : Expliquez-vous !
Vs : Les PFM « réguliers » étaient numérotés de I à V, selon leurs types de plumes de capuchons, de finition et de tarif. Le PFM I possède des attributs en inox, une plume en alliage de palladium et d’argent (Pd-Ag), un corps et un capuchon en plastique.

Le PFM II possède également cette plume Pd-Ag mais diffère du I par son capuchon en acier brossé et également son point blanc, synonyme de garantie à vie (contrairement à son petit frère.)

Le PFM III Se distingue par sa plume en or 14 carats, son capuchon en plastique et ses attributs dorés.

Le PFM IV possède également la plume or 14 k et des attributs dorés, mais avec un capuchon en acier.

Le PFM V, sommet de la gamme, se distingue des deux précédents par son capuchon plaqué or strié.

Les PFM II, III, IV et V arborent le point-blanc de la garantie à vie, les tarifs s’échelonnent de 10$ pour le PFM I à 25$ pour le PFMV, un écart totalement injustifié au regard de leurs performances respectives…
Il existait également une version « Autograph » du PFM-basée sur le PFM III-, dotée d’une bague de capuchon 14 carats sur laquelle on pouvait faire graver le nom de son propriétaire, un peu mégalo…

DD : IL m’irait bien celui là !
Vs : Je n’en doute pas une seconde, Don ! Les coloris du PFM s’avèrent assez ternes, un noir, un bleu marine (blue navy), un vert assez sombre, un bordeaux et enfin un gris-bleu (ou le contraire) introduit bien plus tard que les autres dans la carrière de cet instrument d’écriture.
DD : C’est un stylo pour businessman, ces coloris ne doivent pas les choquer…
Vs : Exact, Don. Quel modèle préférez-vous ?
DD : J’aime bien la sobriété des PFM I et II et également l’opulence des PFM V et Autograph…
Vs : Bien, il est temps d’introduire son adversaire, le Parker 75 Sterling.

DD : Il fait réellement haut de gamme, celui là !
Vs : Vous remarquez immédiatement la différence de carrure, le P 75 a une circonférence de 11 cm contre près de 14 pour le PFM.
DD : 14 what ?
Vs : Passez au système métrique, Don, ça fait environ 4.33 pouces pour le Parker contre 5.43 pour le Sheaffer.
DD : J’aime les petites colonnes dorées aux extrémités.
Vs : je trouve ces angles un peu discutables, mais ils font partie de la personnalité du 75, on les retrouve- sous forme d’évocation- sur le Parker Premier actuel…

DD : J’aime l’argent massif et ce motif quadrillé, ça fait vraiment américain.
Vs : Sachez que c’est Don Dorman lui-même qui en a eu l’idée. Il s’est inspiré d’une tabatière anglaise du 17 ème siècle qu’il affectionne particulièrement…
DD : j’adore le prénom de ce type et, en plus, il fume, un homme, un vrai !Voilà comment cela se passe à l'agence!
http://www.youtube.com/watch?v=PtMfzasLbu8
Don Draper me tend un immense cigare et m’intime l’ordre de l’allumer. Je m’exécute, avale quelques bouffées et manque de m’étrangler.
DD : Si vous ne supportez pas ce misérable Havane, vous ne pourriez pas tenir longtemps à l’agence !
Vs : Au fait, je croyais Cuba frappé d’embargo…
DD : J’étais accro à leurs cigares avant la venue des rouges…
Vs : ça ne m’étonne pas, Don !
DD : Franchement, mis côte à côte, il m’évoquent un peu Stan Laurel et Oliver Hardy…
Vs : Vous exagérez un peu Don, mais effectivement, nous avons affaire à un stylo large, le PFM, contre un rival assez fin, en tout cas, pour une main masculine.
DD : Combien coûte ce Parker en argent ?
Vs : 25$, le même prix que le PFM V, ils entrent donc frontalement en concurrence. Notez également que le capuchon du 75 arbore une flèche dessinée par le grand designer new-yorkais Joseph Platt en 1933 pour le Parker Vacumatic…

DD : New-York a toujours été le centre du monde !

Vs : Oui, enfin si on veut et au XX ème siècle uniquement.
DD : Quelle jalousie chez ces frenchies !
Vs : Revenons à notre comparatif, si vous le voulez bien, lequel vous plait le plus, Don ?
DD : J’apprécie la carrure du PFM, mais j’avoue ne pas rester insensible à l’aspect luxueux du Parker, à ce stade, je repartirais bien avec les deux…
Vs : Nous allons maintenant nous pencher sur l’ergonomie de ces instruments raffinés !
ERGONOMIE
Vs : Des deux, le Parker apparait le mieux conçu en la matière, avec son grip triangulaire antidérapant et sa plume rotative, orientable à loisir, regardez, Don !

DD : Incredible !
Vs : Comme vous dîtes, Don et les premières versions arborent une pseudo graduation, la réclame insiste d’ailleurs sur le premier stylographe réglable comme l’objectif d’un appareil photo de haut de gamme…Et l’orientation de la plume s’effectue avec de drôles de petits instruments en plastique noir, fournis avec le Parker 75, ce qui évite de se maculer les mains avec la plume, ce qui ferait quelque peu désordre sur un modèle destiné à des cadres supérieurs ou PDG…

DD : Est-ce utile ?
Vs : Si on veut, il s’agit surtout d’un argument marketing, histoire de se différencier de la concurrence.
DD : Je vais nous recommander quelque chose !
Vs : Non, sans façons, je tiens à conserver les idées claires Don !
DD : Comme vous voudrez, garçon un lait fraise pour mon invité et un Manhattan cocktail pour moi !
Vs : Vous allez finir par détruire votre santé, Don !
DD : C’est déjà fait, il faut bien bosser …
Vs : Prenez le Parker en main et donnez moi votre avis.
DD : Il me semble bien équilibré, mais un peu trop fin pour ma main.

Vs : Vous touchez là un des principaux reproches que l’on peut formuler à l’encontre du 75, Don. Cela ne l’empêchera pas de conquérir une très large frange de la clientèle haut de gamme, pendant plusieurs décennies.
DD : Qu’en savez vous, il vient de sortir ce Parker !
Vs : Ah, voilà nos consommations, Don.
Le garçon me jette toujours un regard hostile et dépose promptement nos verres devant chacun de nous.
DD : Je commençais à avoir le gosier sec !

Vs : Votre alcoolisme mondain risque de vous perdre, Don.
DD : La résistance à l’ivresse constitue une clef de la réussite dans ma profession..
Vs : Certainement Don, passons au Sheaffer si vous le voulez bien. Vous noterez la différence de circonférence de section.
DD : En effet, je le trouve plus masculin dans ses dimensions, d’où son nom certainement…
Vs : Tout à fait, Don, donnez moi vos impressions.

DD : La prise en main me plait, sa plus grande circonférence le rend confortable même si je trouve la section un peu glissante, je le trouve léger pour sa taille, mais ce plastique, ça fait un peu bon marché si tu veux mon avis…
Vs : Ah évidemment, le plastique injecté ne peut pas rivaliser avec l’argent massif et le Parker 75 apparait mieux fini et plus solide-sauf peut-être au niveau de la section-, cela est dû à sa construction en métal précieux. Ceci dit, on pourrait lui reprocher son pas de vis interne en plastique. Vous avez également noté les deux capuchons à fermeture à friction, plutôt sûrs, le Sheaffer émet un petit clic discret lorsque l’on ôte son capuchon (mais rien à la fermeture),

au contraire du Parker, muet à l’ouverture et émettant un clic très sonore lorsqu’on l’ encapuchonne, chacun son école !

DD : J’aime bien l’ergonomie du Parker 75 et j’adore l’argent massif, mais je préfère la carrure de footballeur américain du PFM et son nom aussi…
Vs : Vous ne me surprenez guère, Don, nous allons maintenant nous pencher sur la technique de ces deux stars de l’écriture.
TECHNIQUE/CHARGEMENT
Vs :Avant d’aborder ce nouveau chapitre, Don, j’aimerais vous solliciter sur un point un peu délicat, comme vous devez le savoir, votre réputation vous précède sur de nombreux plans et je voudrais hum…
DD : Je crois comprendre où tu veux en venir…
Vs : Vous voyez, si vous aviez l’obligeance de…
DD : Bon arrête, tu deviens rouge comme un coquelicot le frenchie, ou plutôt comme un homard Thermidor, tu veux connaître ma méthode de séduction, n’est ce pas ?
Vs (écarlate et bafouillant) : Heu, oui, oui, mais parlez moins fort…
DD : Personne ne t’entends crier ici, pal, et puis quitte cette expression de séminariste échaudé, je vais te mettre au parfum. Je respecte une méthode en plusieurs étapes :
http://www.wat.tv/video/comment-drague- ... hfrv_.html
Alors, convaincu ? A t’observer, je commence à douter du mythe du french lover…
Vs (avec une furieuse envie de hurler tout en me jetant sous la table) : Je tiens, par avance à présenter mes plus plates excuses à mes lectrices, heu, Don un peu trop direct, les représentantes du beau sexe ne peuvent être traitées de la sorte …
DD : Je te livre MA méthode, mais évidemment, pour toi, il faudrait en confectionner une toute autre et commencer par une sérieuse chirurgie esthétique et un relooking total, pour cela, il faudra que tu gages tes organes vitaux, ta Buick et ton appart auprès de la Mafia de Chicago… J'ai des connaissances dans le milieu, si ça t’intéresse, ils m’ont aidé à trouver des jobs d’hommes troncs à des concurrents dans des fondations d’immeubles, de centres commerciaux et même d’un commissariat de quartier. Ces idiots de cops, ils ont posté des affichettes « missing » au dessus de leurs bureaux miteux et le mec en question se trouve à 10 mètres de là, dans une position à mi chemin entre le penseur de Rodin

et la Vénus de Milo

sans oublier Picasso pour l’expression du visage…

Quels cons ces cops, quels cons… (rire sardonique de Don Draper)
Je blêmis, j’ai l’impression d’avoir le diable en personne en face de moi…
DD : Tu tires la tronche d’un Viêt-Cong qui vient de se prendre 5 tonnes de Napalm directement sur la gueule, fraichement livrés par un B52 qui passait par là. I was just kidding, you fool , si tu prends tout ce que je raconte avec 3 grammes de sang dans l’alcool, au premier degré, on n’est pas sorti de l’auberge…
Vs : On dit 3 gramme d’alcool dans le sang, Don…
DD : Non, non, chez moi, il s’agit bien de 3 grammes de sang dans l’alcool…
Vs : Bon, ça m’apprendra, revenons à nos duettistes. Aussi bien Sheaffer que Parker ont réalisé deux instruments d’écriture très modernes pour leur époque. Je vais aborder dans ce chapitre, également, les modes de chargement qui les distinguent.
DD : Les modes de chargement ?
Vs : La façon de les remplir d’encre tout simplement
DD : I see !
Vs : Chez Sheaffer, on reprend le système Snorkel de son prédécesseur…
DD : Le quoi ?
Moi : Le Snorkel ou prise d’air dans la langue de Shakespeare ou Snorchel dans la langue de Goethe peut véritablement être qualifié d’usine à gaz. Il s’agit du mode de remplissage le plus complexe techniquement jamais utilisé sur un instrument d’écriture, du moins à ma connaissance. Mais plus qu’un long discours, Don, je vais procéder à une petite démonstration.
Je saisis le PFM et dévisse son extrémité dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, la petite canule surgit du conduit…



DD : Holly shit !
Vs : je ne vous le fais pas dire. A ce stade, pour le remplir, il suffit de tremper la tige du Snorkel dans un encrier de tirer l’extrémité supérieure du stylo puis la pousser vers le bas et ensuite patienter dix bonnes secondes afin que le sac en caoutchouc interne puisse se remplir. Ensuite, on retire le tout de la bouteille d’encre et on revisse dans le sens des aiguilles d’une montre et, regardez, la petite tige remonte dans son logement !
DD : Magic !
Vs : Le PFM a repris cette technologie de son prédécesseur immédiat, le Snorkel à plume conique, apparu en 1952,

il fallait bien amortir cette fantaisie futuriste du bureau d’étude Sheaffer. Ceci dit, le Snorkel constitue lui-même une évolution du Touchdown pneumatique introduit par Sheaffer en 1949

et très largement inspiré (copié) de ce que fabriquait Chilton dès 1924 et Crocker également…

DD : Pourquoi une telle technologie ?
Vs : En fait, avec le Snorkel, Sheaffer mettait en avant un mode de chargement « propre » qui ne nécessitait plus d’immerger la plume dans l’encre, en réalité, il s’agissait d’un procédé marketing afin de convaincre les acheteurs que le stylo plume demeurait dans le coup face à l’effrayante vague du stylo bille qui a coûté la vie à tant de manufactures renommées dans les années 50 et 60…
DD : Ton stylo qui avale goulument son liquide favori me donne une idée !
Vs : Oh non…
DD : Garçon, un cocktail inferno pour moi et un Pepsi pour le frenchie !
Vs : Cocktail inferno ?
DD : Une invention personnelle, les ingrédients demeurent secrets mais on peut l’utiliser pour de multiples usages y compris pour déboucher un évier ou pour une dératisation impitoyable, l’US Army m’a contacté dernièrement pour des largages au Vietnam à la place du Napalm…
Vs : Au secours, je veux partir !
DD : Pas avant d’avoir dégusté nos consommations !
Vs : Passons au Parker 75, beaucoup plus classique, un système à cartouches et convertisseur. La cartouche, reprise du 45 n’a pas changé chez Parker depuis 1959, contrairement à Waterman ou Pilot par exemple.
DD : C’est moderne !
Vs : De là où je viens, cela fait un peu banal !
DD : Je préfère le stylo macho qui boit cul sec !
Vs : Vous ne me surprenez pas, Don, on accordera donc notre préférence au PFM au chapitre technique, il le mérite amplement !Reste la plume rotative du Parker, mais elle ne peut, à elle seule renverser la tendance. Le PFM s’apparente à un rêve d’ingénieur à tous points de vue. Y compris au chapitre de la plume que nous allons aborder maintenant.
PLUME/CONDUIT
Vs : Nous allons commencer par la plus impressionnante des deux plumes, Don, celle du PFM…
DD : Montre moi ça, frenchie… ça alors, quelle allure !

Vs : Eh oui, Don, la plume sertie Sheaffer ne ressemble vraiment à aucune autre ; William Bunn avait exigé une plume « différente », afin de succéder dignement à la plume conique, qui avait fait les beaux jours de la firme de Fort-Madison, depuis le début des années 40. Pas question de sombrer dans le classicisme lorsqu’on se nomme Sheaffer, une requête reçue 5 sur 5 par ses concepteurs…

DD : Oui, qui sont les types qui ont osé dessiner et concevoir un truc pareil ?
Vs : Je les ai évoqué tout à l’heure, Don, Gordon et Dudds, ingénieurs-designers, sous la férule étroite de Bunn, leur boss, avec la supervision technique de Lynn P Martin…
DD : Ils devaient être un peu bourrés pour pondre un machin aussi étrange !
Vs :Je ne suis pas d’accord avec vous, Don, je trouve cette plume extrêmement élégante d’un point de vue esthétique et, disons, le, totalement unique dans la production mondiale.
DD : D’où leur est venue l’inspiration ?
Vs : Cette forme fut, en fait, très longue à s’ébaucher, on parle de plusieurs années… Ils ne savaient évidemment pas dans quelle direction aller pour concevoir quelque chose en rupture radicale avec le passé, d’autant qu’on imaginait avoir épuisé toutes les formes possibles à l’époque. Et la direction s’impatientait, lorsque la délivrance intervint vers septembre/octobre 1958, soit quelques mois avant le lancement programmé pour le deuxième semestre 1959…
DD : Qui a eu l’idée, en définitive et de quoi dérive-t-elle ?
Vs : Il s’agit d’un travail collégial, mais, le tandem Gordon-Dudds peut en revendiquer légitiment la paternité. Plusieurs hypothèses se bousculent, mais on évoque une passion d’un des deux, Gordon ou Dudds, on ne sait pas très bien, pour l’ornithologie. Et la queue de l’hirondelle aurait servi d’inspiration…

DD : Tiens donc !
Vs : Une autre hypothèse, beaucoup moins onirique, se base sur la sortie de la baroque Cadillac 1959,

dont une des grosses huiles de l’entreprise aurait fait sa monture vers septembre/octobre 1958 et dont les gigantesques ailerons proéminents auraient évidemment fortement inspirés nos deux lascars à court d’imagination…

DD : Attendez, une Cadillac modèle 1959 en septembre 1958 ?
Vs : Voyons, Don, vous savez bien que le millésime automobile d’une année, commence le premier juillet de l’année précédente dans votre pays, donc toutes les Cadillac vendues à partir du 1er juillet 1958 appartiennent au millésime 1959 !
.DD : Ah oui, of course, je possède moi-même une Cadillac Deville coupé…
Vs : Oui, je sais.
DD : Etrange quand même cette impression que vous cernez toute mon existence…
Vs : Euh, revenons à nos plumes, si vous le voulez bien Lynn Martin a validé rapidement la trouvaille des duettistes, par manque de temps. Mais, il apparaissait logique qu’avec une telle découpe (très échancrée-totalement vide en fait- au milieu), la plume ne pouvait se positionner classiquement. La solution provient de William Bunn, collectionneur avant l’heure, qui a eu souvenir du Moore Fingertip (dont il possédait d’ailleurs un exemplaire !)

Eurêka ! La nouvelle plume sera sertie dans la section, elle demeure bien visible, contrairement aux plumes capotées de la concurrence tout en se singularisant très fortement de tout ce qui existe. Selon certaines sources, une plume de même forme, mais « pleine » aurait été expérimentée mais elle s’avérait moins jolie que la version évidée et plus coûteuse en métal précieux, on s’en tint donc à la plume « inlaid » telle que nous la connaissons. Mission completed,, ouf pour notre fine équipe !
DD : Rien de tel qu’un peu de pression sur une équipe pour obtenir des résultats, on procède comme ça à l’agence !
Vs : Le gracieux conduit du PFM, en forme de goutte d’eau a été moulé en pvc (l’ébonite appartient hélas au passé), mais autorise néanmoins un excellent débit.

DD : Mais au fait, frenchie, tu m’avais parlé de deux plumes différentes sur ce stylo…
Vs : Oh, là, j’allais oublier ce point crucial, Don ! Effectivement, le PFM, en fonction de son standing, ne possède pas la même plume en entrée et en haut de gamme et, pour une fois, on peut envier les plus modestes…
DD : What do you mean ?
Vs: Voilà Don, les deux extrémités de la gamme PFM, un PFM V à plume or 14 carats-qui équipe aussi les PFM III et IV- et un PFM I à plume Pd Ag –idem sur le PFM II-, soit un alliage de palladium et d’argent, vous allez procéder à un petit test.
A tout seigneur, tout honneur, essayez le PFM V, tenez…

DD : Attendez, je sors mon calepin, voilà, hum, c’est doux mais ferme.
Vs : Absolument, Don ! Maintenant, essayez ce plébéien PFM I à plume Pd-Ag !

DD : Tout aussi doux, mais on ressent une légère souplesse, le moins cher écrit mieux que le rupin ! Où allons-nous, comme si la Chevrolet de l’ouvrier surpassait la Cadillac de Don Draper !
Vs :Vous parlez de vous à la troisième personne, Don, mais, une fois encore, j’abonde dans votre sens, amateur de PFM, privilégiez les versions I et II supposées plus modestes, mais plus agréables à l’usage.
DD : A part ça, le débit d’encre me semble assez important et vos deux PFM n’ont pas éprouvé la moindre hésitation, même quand j’exécute nerveusement ma signature…
Vs : Le PFM fait preuve d’une grande fiabilité en toutes circonstances et tolère une utilisation intensive, d’autant qu’il s’avère léger en main.
DD : On pourrait peut-être se pencher sur l’autre, frenchie, mais …
Tout à coup, Don s’interrompt, son regard s’emplit de tristesse, alors qu’une chanson romantique se propage depuis le juke-box Wurlitzer.

http://www.youtube.com/watch?v=9EAELtJgD6A
Vs : Don, ça ne va pas, cette chanson semble vous toucher profondément.
DD : Elle m’évoque mon ancienne épouse Betty et je l’écoutais fréquemment dans ma voiture, en sa compagnie, lorsque tout allait bien entre nous, que de souvenirs…
VS : Si vous le désirez, nous pouvons interrompre cette conversation…
DD : Non, non, continue s’il te plait, frenchie…
Don devient soudain humain et touchant, pourvu que cela dure.
Vs : Penchons nous sur le Parker 75 si vous le voulez bien., sa plume apparait forcément plus classique, mais pas conventionnelle pour autant. Elle est le fruit de la collaboration de Dan Parker et de Don Dorman, sur les instructions anciennes de Kenneth Parker (père de Dan et fils du fondateur Georges-Safford) qui se lassait des plumes capotées, l’échec du 61 a sonné leur glas, à ce niveau de gamme, chez Parker. Vous noterez sa forme élégante, enveloppante, presque semi-annulaire.

DD : Je peux l’essayer ?
Vs : Bien-sûr, tenez, Don .
DD : Quelle merveille, cette plume glisse sur le papier avec la douceur du satin mais, en plus, on éprouve une sensation d’élasticité inconnue sur le Sheaffer qui ressemble à un clou à côté !
Vs : Vous venez de découvrir l’arme secrète du discret et luxueux Parker 75, la relative souplesse de sa plume (assimilable à une semi-souple), bien différente de la raideur du PFM, handicapé par un sertissage n’autorisant quasiment pas d’élasticité. Le classicisme prend ici sa revanche. La plume du 75 se comporte, en plus, avec davantage de douceur sur le papier que celle de son rival.-Sheaffer a régressé sur ce point par rapport aux gammes à plume conique.- Il s’agit, bien évidemment d’une plume or monochrome de 14 carats partout dans le monde, sauf, en France, en vertu d’une loi, où les 18 carats s’imposent. En effet, le P75 possède également la nationalité française, car il a été naturalisé par sa fabrication à Méru, dans l’Oise, parallèlement au site de Janesville, Wisconsin, USA fait de lui une sorte de binational, mi yankee, mi frenchie. D’ailleurs, le PFM a lui, été assemblé également en Australie ! La globalisation, Don, dans quelques décennies, vous comprendrez…
DD : Ridiculous, comme si on m’annonçait que tous les Parker allaient un jour devenir made in France et que vous, les grenouilles alliez concevoir et fabriquer l’intégralité de nos chers stylos… Et pourquoi pas Waterman uniquement chez vous, en Normandie, A-T Cross produisant depuis la Chine communiste et Sheaffer en république tchèque collectiviste ? Ah, ah, quelle blague !
Vs : Vous possédez des dons de voyance. Don , vous noterez le caractère rotatif de la plume du Parker, mais un débit moindre que son concurrent, quoique très correct. De ce fait, le Parker 75 écrit très légèrement plus fin que le PFM-cela dépend aussi de l’encre utilisée- (à largeur de plume égale, of course folks), mais rien de dramatique. Le conduit, de forme traditionnelle et réalisé, là aussi, en plastique, effectue un travail très honnête et le 75 suit toujours la pensée, même fougueuse de son scripteur de maître ! D’ailleurs, Don, tentez le test de la signature avec le Parker .
DD : No problem ! Il fonctionne parfaitement. Au fond, j’adore l’aspect de la plume du PFM, mais je préfère les sensations du Parker, cruel dilemme !
Vs : Eh oui, Don ; choisir consiste aussi à renoncer à…
AUTONOMIE
Vs : Abordons, si vous le voulez bien, Don, le chapitre important de l’autonomie de nos duettistes. Le prédécesseur du PFM, le Snorkel à plume conique avait été justement critiqué pour son autonomie trop juste. Le nouveau venu, plus long et surtout, plus corpulent y remédie quelque peu, même s’il ne rivalise pas avec les plus gros modèles européens à piston…
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DD : Vous fabriquez des stylos de luxe dans votre tiers-monde européen, incroyable !
Vs : Absolument Don, mais nous nous égarons. Le Parker 75 utilise, lui, la cartouche Parker sortie avec le populaire Parker 45 de 1959., ce qui ne lui confère pas une autonomie fantastique, mais autorise par contre, un rechargement aisé et immédiat…Evidemment, le Parker 75 était livré avec un convertisseur, pour les amoureux des bouteilles d’encre.
DD : Dis donc, j’ai l’impression que tu esquives le problème, lequel des deux stylos possède la plus grande autonomie ?
Vs : J’allais y venir, Don. Le PFM dispose, bien-sûr, de la plus large autonomie, merci à son physique ventru, heureusement d’ailleurs, car son rechargement nécessite un encrier, plus difficile à transporter qu’une ou plusieurs cartouches, quoiqu’il existe des encriers de voyage…

DD : What’s that ?
Vs : Il s’agit d’un modèle hermétique, très souvent métallique, qui ne maculera pas vos effets personnels, dans vos bagages, même si vous employez les services d’un pur-sang fougueux ou d’un chameau en rut…
DD : Vous dérapez, là, on dirait du Don Draper !
Vs : Je présente toutes mes excuses à mes fidèles lecteurs, votre personne commence à déteindre sur moi, Don.
DD : Ah, enfin, tu vas abandonner le lait fraise pour le bourbon et tes allures de premier communiant, il faudra que je te présente à plusieurs copines…
Vs : On appréciera mon sens de l’abnégation pour la réalisation de ce comparatif… Revenons au Parker 75, comme je l’ai souligné, il compense la capacité inférieure de sa cartouche par un rechargement beaucoup plus simple et plus pratique, en particulier, lors des déplacements. Ceci dit, je ne lasse jamais du Snorkel, le PFM a un petit côté James-Bond ou plutôt Q, pour le délire d’ingénieur.

DD : Ah oui, cet espion anglais se prétendant le meilleur, quelle blague ! Ces crèves la faim de british du Mi5 ou 6-Miserable Intelligence service 5ème ou 6ème à gauche en montant-, sont tout juste bons à espionner le laitier ou un clergyman octogénaire, eu égard à leurs moyens, même le plus pauvre des clodos de New-York les battra à plate couture... Il n’existe que deux services efficaces dans le monde, la CIA et le Mossad. Quant à vous, frenchies, vous parvenez à espionner vos viticulteurs et fromagers pour avoir de la bouffe décente, c’est déjà ça !
Vs : Si j’aurais su, j’aurais pas venu !
DD : Et en plus, t’es même pas fichu de t’exprimer correctement dans ta propre langue, on dit, si j’AVAIS su…
Vs : Je dois m’accrocher, mon calvaire se termine bientôt…
DD : Qu’est-ce que tu marmonnes ?
Vs : Rien, rien…Pour en revenir à nos stylos, le PFM constituait une amélioration sensible en terme d’autonomie par rapport à son prédécesseur, le beaucoup plus fin et court Snorkel, qui n’était autre qu’un Crest à plume conique doté de ce mode de chargement unique, mais quelque peu encombrant dans les entrailles d’un stylo, donc pénalisant l’autonomie.
DD : Je ne comprends pas grand-chose à tes paroles, mais j’ai tendance à préférer le PFM .
Vs :Moi aussi Don, passons à la suite…
Tout à coup, le serveur surgit du diable vauvert, il me toise avec son regard injecté de sang, de la sueur commence à perler sur mon front. D’un geste brusque, il exhibe un objet scintillant qu’il propulse dans ma direction à grande vitesse.
Soudain Don se lève :
DD : Tu as de sérieux problèmes, pal !
Mon cœur bât la chamade, vais-je sortir vivant de cette effrayante expérience, Don et le serveur vont-ils m’achever et me dépouiller de mes précieux stylos ? Découvrez donc immédiatement la suite dans le tome2 : Mad pens, le retour de la vengeance!
MAD PENS
Le comparatif des sixties
SHEAFFER PFM VS PARKER 75 STERLING
Comme nombre de lecteurs de ce forum, j’imagine, je me délecte depuis plusieurs années de la série « Mad-Men .» Cette remarquable création retrace l’existence tumultueuse d’un publicitaire de Madison-Avenue à New-York durant les années 60.


Tous les détails s’avèrent minutieusement reconstitués, à l’exception d’un seul, les instruments d’écriture. En effet, du big-boss à la secrétaire, tout le monde emploie le même modèle de Parker Jotter à bille, beaucoup trop « bas-bleu » pour l’élite de la « réclame ! »

Moi, Pilotnamiki, je me propose donc de découvrir le compagnon d’écriture de Don Draper, le héros ambigu de cette riche saga. En tant que dirigeant ou du moins, premier responsable créatif, il lui faut un stylo plume, seul digne de son rang.

De plus, en bon héros américain, il lui faudra jeter son dévolu sur ce que la nation à de meilleur à offrir, pas sur une importation des anciens ennemis de l’Axe…
La série se situe actuellement à la 5ème saison (aux Etats-Unis) et juste au milieu de la décennie,-en fait en 1966- notre homme devra donc opérer un choix entre deux stylos vraiment différents, à savoir le massif et très technologique Sheaffer Pen For Men

ou bien, le luxueux et ergonomique Parker 75.

Afin de rendre cette fantastique expérience réalisable, je me suis donc confectionné une machine à remonter le temps, sous la forme, non pas d’une De-Lorean, mais d’une Buick Riviera 1964, plus anonyme dans la circulation de l’époque…

Je me sens un peu nerveux avant la rencontre du « grand homme », sa réputation l’ayant largement précédé.
http://www.youtube.com/watch?v=tOQfBdCT-AI
Direction la Third Avenue où Don Draper m’attend à 14 h précises. Je l’ai rencontré quelques jours avant mon entrevue dans son bar favori en train de descendre solitairement quelques Bourbons. Nous avons sympathisé et je lui ai fait croire que je possédais une chaine de papeterie et que j’aurais besoin de solliciter ses conseils. Une réunion informelle doit se tenir dans son bar favori et non dans sa nouvelle agence..

J’atterris discrètement –oui car ma Buick vole bien-sûr, en voici la preuve : http://www.youtube.com/watch?v=sm9nEQtn7KU
- dans une place un peu à l’écart et je m’extirpe du luxueux cockpit tendu de cuir et de chrome.
D’un pas décidé, je franchis l’avenue via un passage piéton à la vue du signal vert « Walk » et me voici de l’autre côté, à une encablure de notre lieu de rencontre. L’élégance des autochtones me saute littéralement au visage. Hommes cravatés aux costumes impeccables et surtout représentantes du « beau-sexe » en jupes, robes cintrées, tailleurs, talons, quel ravissement pour un homme du 21ème siècle obligé habituellement de subir l’affligeant spectacle du casual-wear sous prétexte-fallacieux-de confort et de fonctionnalité…

Je me suis d’ailleurs mis à la page avec un impeccable costume prince de Galles et j’arbore une de ces cravates fines, typiques des années soixante !

Me voici arrivé à destination, je pousse le porte du PJ Clarke’s, immédiatement, une fumée politiquement incorrecte me picote les narines.

Subitement, un homme en costume élégant se dresse et me hèle d’un air chaleureux, Don Draper a immédiatement décelé le frenchie décalé que je suis et m’invite courtoisement à sa table. Après une virile poignée de main, je prends place sur la banquette en moleskine rouge, face à mon interlocuteur qui me dévisage d’un air goguenard…

Don Draper : Vous semblez perdu ici, mais c’est normal, ça doit vous changer beaucoup…
Votre serviteur : (un peu décontenancé) : En effet, New York dépasse mes normes et l’entendement…
Don Draper : Et puis, ici, vous pouvez vous distraire .J’ai appris que votre pays ne comporte qu'une seule chaine de télévision en noir et blanc,en plus. Vous devez vous ennuyer à mort...
Votre serviteur : Are you joking Mr Draper ?
DD: Of course!!!! (rires soutenus)
Vs: On devrait en venir au fait Mr Draper…
DD : Arrêtez de m’appeler Mister, appelez moi Don, vous êtes en Amérique ici. Et vous, comment dois-je vous appeler, Monsieur, Mister, Sir, Pilot, -vous avez un prénom bizarre- ?
Vs : Comme vous voudrez, Don, il faudrait qu’on commence, mes lecteurs vont s’impatienter.
DD : Vos lecteurs ?
Vs : Oui, mes lecteurs du futur qui suivent notre conversation sur un écran d’ordinateur, une tablette ou de téléphone…
DD : Des lecteurs du futur avec des écrans d’ordinateur ??? Et des téléphones avec des écrans et pourquoi pas avec un juke-box et des appareils photos intégrés pendant que vous y êtes ? Une tablette avec un écran, vous pensiez à la boule de cristal de Mme Irma, non ? Vous avez l’air encore plus imbibé que moi après une dizaine de whiskies on the rocks. (rires)
Vs (exhibant un coffre à stylos en bois) : Voilà ce dont je vous avais parlé hier soir, Don, des instruments d’écriture dignes de votre rang.

DD : Ok, je vais les examiner, mais expliquez moi tout, car je n’y connais rien.
HISTORIQUE
Vs : Vous connaissez Sheaffer et Parker ?
DD : Quand même. Attendez, il faut que je commande. Garçon !!
Le serveur :Oui Monsieur ?
DD : Un bourbon dry et pour vous frenchie?-regard mauvais du serveur à mon endroit.
Vs : Un Perrier avec une rondelle…
DD : Allez, une boisson d’Homme…
Vs :Je tiens à conserver les idées claires !
DD : Un bourbon dry également pour mon invité !
Moi : Mais…
DD : Pas de mais, les affaires ne se concluent pas avec du lait fraise ou de l’eau minérale.
Vs : That’s right Don…
DD : Allez-y, je veux tout savoir…
Vs :Au début des années 40, la firme Parker pen de Janesville Wisconsin a commercialisé un stylo révolutionnaire appelé Parker 51, à la forme fuselée et à la plume capotée, prenant de cours tous ses concurrents…

DD : Je connais ce stylo, Roger-le copropriétaire de l’agence- en a eu un autrefois.

Vs : Pour le contrecarrer Sheaffer pen de Fort Madison, Iowa, a perfectionné son traditionnel Crest, à plume conique en y adjoignant un système de rechargement ultra sophistiqué appelé Snorkel, en 1952. Pour schématiser, lorsque vous dévissez l’extrémité du style, un petit tube émerge du conduit, ce qui permet de recharger le stylo sans tremper la plume dans l’encrier.

DD : Intéressant.
Vs : En réalité, surtout un détail marketing destiné a contrecarrer Parker et surtout la progression de ce satané stylo bille qui ravageait tout dans les années 50….Mais cela a fonctionné et les ventes de Sheaffer ont dépassé celles de Parker. L’inventeur de ce Snorkel, un obscur ingénieur du nom de Lynn P Martin a reçu une promotion et est devenu le bras droit du Chief Designer, le très respecté William Bunn !
DD : Les bons créatifs doivent être récompensés ! Ah, voilà nos consommations.
Vs : Merci .Je tends une pièce au serveur qui l’accepte d’un air dédaigneux…
DD : Goûtez moi cette merveille.
Moi (méfiant) : Après vous Don…
DD : Vas-y frenchie ou tu vas me froisser !
Vs : Ok ! Je m’exécute (et j’ai l’impression d’engloutir une gorgée d’acide chlorhydrique.)
Vs : Pouah !
DD : Allez, continue ton explication !
Vs : Vous me tutoyez maintenant ?
DD : Aucune différence en anglais, pal, je te tutoyais depuis le début et tu ne t’en rendais pas compte, you fool !
Je l’imaginais plus réservé et plus classe ce Don Draper, enfin je poursuis mon explication, un peu surpris par son comportement.
Vs : Du coup, panique chez Parker qui voit sa suprématie ébranlée.et qui décide de recruter un Chief Designer à la hauteur, afin de se renouveler, un certain Dorman, Don Dorman, dès 1953.
DD : Le créatif de la boîte porte le même prénom que moi, ça me plait !
Vs : Oui et on peut le considérer comme le Don Draper du stylo !
Don Draper sourit radieusement.
Vs : A l’époque, la firme Parker était dirigée par le fils du fondateur Georges-Safford, Kenneth Parker. Et c’est le petit fils, Dan qui avait eu l’idée lumineuse de faire appel à un élément extérieur afin de bousculer les conservatismes internes.
Ce Don Dorman, prenant acte du succès du Sheaffer Snorkel décide de se concentrer sur le système de chargement mais il va procéder de manière très différente en le simplifiant au maximum. Il crée une sorte de corps spongieux enrobé dans une enveloppe en téflon percée de petits trous. Des prototypes quasiment définitifs sont mis au point dès 1953.


Notez bien que la plume demeure visible sur le proto, mais pas dans la version définitive où une flèche sur la section indique la positon de l’extrémité. Pour remplir le stylo, on dévisse l’extrémité inférieure et on plonge la partie spongieuse dans un encrier (soit le stylo plume en haut) pendant 30 secondes. Par capillarité, l’encre imbibe la partie spongieuse et le stylo se remplit automatiquement, sans appuyer sur un bouton ou actionner un mécanisme complexe. Malheureusement, l’opération prend environ 30 secondes Et une fois le stylo rempli, il faut le retourner, revisser son corps et tremper la plume pendant une bonne seconde dans l’encre…

DD : Juste le temps de se confectionner une dizaine de cocktails…

Vs : Voilà le problème, en effet et en plus, bien qu’élégant, le nouveau venu ne se distingue pas assez de son prédécesseur esthétiquement et vaut beaucoup plus cher (une somme très élevée de 20 $ lors de son lancement en 1956).Pour ajouter à la confusion, le nouveau venu se nomme Parker 61 qui peut être aisément confondu avec 51.Et malgré son tarif, Parker perd de l’argent sur chaque modèle vendu…


DD : Un Don pas si génial que ça finalement…
Vs : Les ventes s’avèrent poussives, ce qui permet à Sheaffer de conserver le leadership sur le segment supérieur, en terme de volume et de préparer sereinement sa riposte pour la fin de la décennie 50 en tirant les leçons des erreurs de l’adversaire de toujours.
DD : Les collaborateurs qui ne tirent pas de leçon de leurs erreurs, je les vire de l’agence…
Vs :Ton univers impitoyable…
DD : I beg your pardon ?
Vs :Nothing !
DD : Go ahead !
Vs: Don Dorman se rattrapera par la suite en créant la première cartouche en plastique de la marque qui équipera en 1959 l’économique Parker 45, un immense succès jusque dans les années 2000…

DD : Vous recommencez avec votre délire sur le futur, en 2000 plus personne n’utilisera de stylo plume. On communiquera de planète en planète avec des instruments mystérieux et on rentrera en contact avec des aliens !
Vs : Si vous tenez jusque là, Don, vous verrez bien….Mais en 1959, Sheaffer présente sa bombe, un des deux modèles contenus dans cet écrin, le Sheaffer PFM, le Pen For Men, appelé également le stylo macho, à cause de son nom, bien-sûr, mais également de sa carrure.

DD : Ah mais je le connais celui-là, il a une plume un peu bizarre, non ?
Vs : Vous êtes un connaisseur Don ! Un effet, ce stylo arbore une plume un peu spéciale que l’on examinera plus loin et il conserve le complexe système de rechargement à Snorkel de son ancêtre (il fallait bien l’amortir !)
DD : Qui a crée ce PFM ?
Vs :Le tandem William Bunn-Lynn Martin avec l’aide de deux ingénieurs, Gordon et Dudds pour cette fameuse plume que l’on examinera en détail plus loin !
DD : Et Parker dans tout cela ?
Vs : Ils vont encore tâtonner 5 longues années avant de trouver la bonne parade ! Kenneth Parker, le big boss en avait assez des formes profilées démodées et des instruments d’écriture peu ergonomiques. Dès le début des années 50 il avait confectionné un prototype avec un grip triangulaire rotatif, rendant la préhension plus aisée, notamment pour les gauchers. Cette idée plaît à Don Dorman et à Dan Parker, le fils de Kenneth. Ces deux là, amis proches, fonctionnaient en tandem, un peu comme Bunn et Martin chez Sheaffer et ils décident de pousser la logique encore plus loin. Non seulement, leur dernier né aura ce fameux grip, mais en plus, une plume rotative, orientable selon les désidératas du scripteur. En plus cette nouvelle plume n’est plus capotée mais apparente et offre une certaine souplesse, des caractéristiques inédites en 1962, année de lancement du Parker VP (pour Very Personnal !)

Ce modèle marque une rupture fondamentale avec la production Parker des 20 années précédentes et le VP, malgré un succès mitigé va servir de base au futur haut de gamme.


En 1964, le Parker lance le 75 (pour 75 ème anniversaire de la firme, 1889+75= 1964, le compte est bon), un croisement entre le 45 pour le chargement à cartouches et le VP pour le concept général, le tout luxueusement habillé d’argent massif sterling-925/1000- à motifs quadrillés.

Malgré un prix très élevé de 25$, le nouveau venu rencontre un immense succès, digne de ses ancêtres, les Duofold, Vacumatic et 51, vendus à des millions d’exemplaires chacun !

DD : Ah oui, je le connais aussi celui-là, plusieurs de mes gros clients ont déjà signé un chèque avec…
Vs : Parfait Don, on va pouvoir se concentrer sur le design maintenant !
DESIGN
Vs : Prenez les tous les deux et considérez-les, impossibles à confondre, n’est ce pas ?
DD : En effet…
Vs : Ils n’ont pas été dessinés à la même époque et cela se ressent nettement. Le PFM provient en ligne droite de l’ère Eisenhower, les golden fifties. Il ressemble aux voitures américaines contemporaines, robustes, énormes et un tantinet baroques.


Impossible de ne pas percevoir, à travers la plume sertie de Sheaffer, l’influence des ailerons popularisés par Cadillac dès la fin des années 40, une idée du grand designer Harley J Earl, considéré comme l'un des premiers stylistes automobiles de l'histoire.Il chapeautait le bureau de style de la toute puissante General Motors.

Accessoirement ce Mr Earl a dessiné le révolutionnaire Waterman CF à cartouche en plastique en 1952…

Le Parker, plus fin, plus sobre se font dans l’esthétique « moderne » parce qu'épurée des sixties où les surcharges de toutes sortes ont disparu, ou presque, comparez donc une Ford Fairlane 500 des années 58-59,

1958
avec une Fairlane de 1964 et vous verrez…

Je trouve que ce Sheaffer PFM vous correspond bien Don, déjà le nom, Pen for Men…
DD : Ce nom me plait bien…
Vs : Vous ne me surprenez pas, mais de là où je viens, cette appellation pourrait faire scandale.
DD : Vous vivez dans un drôle d’endroit !
Vs : Vous n’imaginez même pas, Don !
DD : C’est marée basse, je vais recommander deux whiskies, quel air voulez-vous dans le juke-box ?
Vs : Un Julie London, please !
DD : Ok, je reviens tout de suite.
Don Draper discute avec le garçon, puis glisse une pièce dans le Wurlitzer, je reconnais les premières notes de « Fly me to the Moon ! »

http://www.youtube.com/watch?v=w8r9ZPQ_828
Vs : Vous revoilà, on va pouvoir continuer, Don, à quoi vous fait penser ce PFM ?
DD : On dirait un quater back, avec ses épaules carrées !

Vs : Bonne comparaison, Don, ses extrémités plates renforcent son aspect trapu, tout comme la large agrafe et sa bande de capuchon, sur certains modèles. En parlant du capuchon, remarquez qu’il tient par friction, grâce à trois petits picots. Observez aussi l’extrémité supérieure crénelée ergonomique pour une utilisation facile de la recharge par Snorkel. Il a existé jusqu’à 5 modèles de PFM, voire même davantage…
DD : Expliquez-vous !
Vs : Les PFM « réguliers » étaient numérotés de I à V, selon leurs types de plumes de capuchons, de finition et de tarif. Le PFM I possède des attributs en inox, une plume en alliage de palladium et d’argent (Pd-Ag), un corps et un capuchon en plastique.

Le PFM II possède également cette plume Pd-Ag mais diffère du I par son capuchon en acier brossé et également son point blanc, synonyme de garantie à vie (contrairement à son petit frère.)

Le PFM III Se distingue par sa plume en or 14 carats, son capuchon en plastique et ses attributs dorés.

Le PFM IV possède également la plume or 14 k et des attributs dorés, mais avec un capuchon en acier.

Le PFM V, sommet de la gamme, se distingue des deux précédents par son capuchon plaqué or strié.

Les PFM II, III, IV et V arborent le point-blanc de la garantie à vie, les tarifs s’échelonnent de 10$ pour le PFM I à 25$ pour le PFMV, un écart totalement injustifié au regard de leurs performances respectives…
Il existait également une version « Autograph » du PFM-basée sur le PFM III-, dotée d’une bague de capuchon 14 carats sur laquelle on pouvait faire graver le nom de son propriétaire, un peu mégalo…

DD : IL m’irait bien celui là !
Vs : Je n’en doute pas une seconde, Don ! Les coloris du PFM s’avèrent assez ternes, un noir, un bleu marine (blue navy), un vert assez sombre, un bordeaux et enfin un gris-bleu (ou le contraire) introduit bien plus tard que les autres dans la carrière de cet instrument d’écriture.
DD : C’est un stylo pour businessman, ces coloris ne doivent pas les choquer…
Vs : Exact, Don. Quel modèle préférez-vous ?
DD : J’aime bien la sobriété des PFM I et II et également l’opulence des PFM V et Autograph…
Vs : Bien, il est temps d’introduire son adversaire, le Parker 75 Sterling.

DD : Il fait réellement haut de gamme, celui là !
Vs : Vous remarquez immédiatement la différence de carrure, le P 75 a une circonférence de 11 cm contre près de 14 pour le PFM.
DD : 14 what ?
Vs : Passez au système métrique, Don, ça fait environ 4.33 pouces pour le Parker contre 5.43 pour le Sheaffer.
DD : J’aime les petites colonnes dorées aux extrémités.
Vs : je trouve ces angles un peu discutables, mais ils font partie de la personnalité du 75, on les retrouve- sous forme d’évocation- sur le Parker Premier actuel…

DD : J’aime l’argent massif et ce motif quadrillé, ça fait vraiment américain.
Vs : Sachez que c’est Don Dorman lui-même qui en a eu l’idée. Il s’est inspiré d’une tabatière anglaise du 17 ème siècle qu’il affectionne particulièrement…
DD : j’adore le prénom de ce type et, en plus, il fume, un homme, un vrai !Voilà comment cela se passe à l'agence!
http://www.youtube.com/watch?v=PtMfzasLbu8
Don Draper me tend un immense cigare et m’intime l’ordre de l’allumer. Je m’exécute, avale quelques bouffées et manque de m’étrangler.
DD : Si vous ne supportez pas ce misérable Havane, vous ne pourriez pas tenir longtemps à l’agence !
Vs : Au fait, je croyais Cuba frappé d’embargo…
DD : J’étais accro à leurs cigares avant la venue des rouges…
Vs : ça ne m’étonne pas, Don !
DD : Franchement, mis côte à côte, il m’évoquent un peu Stan Laurel et Oliver Hardy…
Vs : Vous exagérez un peu Don, mais effectivement, nous avons affaire à un stylo large, le PFM, contre un rival assez fin, en tout cas, pour une main masculine.
DD : Combien coûte ce Parker en argent ?
Vs : 25$, le même prix que le PFM V, ils entrent donc frontalement en concurrence. Notez également que le capuchon du 75 arbore une flèche dessinée par le grand designer new-yorkais Joseph Platt en 1933 pour le Parker Vacumatic…

DD : New-York a toujours été le centre du monde !

Vs : Oui, enfin si on veut et au XX ème siècle uniquement.
DD : Quelle jalousie chez ces frenchies !
Vs : Revenons à notre comparatif, si vous le voulez bien, lequel vous plait le plus, Don ?
DD : J’apprécie la carrure du PFM, mais j’avoue ne pas rester insensible à l’aspect luxueux du Parker, à ce stade, je repartirais bien avec les deux…
Vs : Nous allons maintenant nous pencher sur l’ergonomie de ces instruments raffinés !
ERGONOMIE
Vs : Des deux, le Parker apparait le mieux conçu en la matière, avec son grip triangulaire antidérapant et sa plume rotative, orientable à loisir, regardez, Don !

DD : Incredible !
Vs : Comme vous dîtes, Don et les premières versions arborent une pseudo graduation, la réclame insiste d’ailleurs sur le premier stylographe réglable comme l’objectif d’un appareil photo de haut de gamme…Et l’orientation de la plume s’effectue avec de drôles de petits instruments en plastique noir, fournis avec le Parker 75, ce qui évite de se maculer les mains avec la plume, ce qui ferait quelque peu désordre sur un modèle destiné à des cadres supérieurs ou PDG…

DD : Est-ce utile ?
Vs : Si on veut, il s’agit surtout d’un argument marketing, histoire de se différencier de la concurrence.
DD : Je vais nous recommander quelque chose !
Vs : Non, sans façons, je tiens à conserver les idées claires Don !
DD : Comme vous voudrez, garçon un lait fraise pour mon invité et un Manhattan cocktail pour moi !
Vs : Vous allez finir par détruire votre santé, Don !
DD : C’est déjà fait, il faut bien bosser …
Vs : Prenez le Parker en main et donnez moi votre avis.
DD : Il me semble bien équilibré, mais un peu trop fin pour ma main.

Vs : Vous touchez là un des principaux reproches que l’on peut formuler à l’encontre du 75, Don. Cela ne l’empêchera pas de conquérir une très large frange de la clientèle haut de gamme, pendant plusieurs décennies.
DD : Qu’en savez vous, il vient de sortir ce Parker !
Vs : Ah, voilà nos consommations, Don.
Le garçon me jette toujours un regard hostile et dépose promptement nos verres devant chacun de nous.
DD : Je commençais à avoir le gosier sec !

Vs : Votre alcoolisme mondain risque de vous perdre, Don.
DD : La résistance à l’ivresse constitue une clef de la réussite dans ma profession..
Vs : Certainement Don, passons au Sheaffer si vous le voulez bien. Vous noterez la différence de circonférence de section.
DD : En effet, je le trouve plus masculin dans ses dimensions, d’où son nom certainement…
Vs : Tout à fait, Don, donnez moi vos impressions.

DD : La prise en main me plait, sa plus grande circonférence le rend confortable même si je trouve la section un peu glissante, je le trouve léger pour sa taille, mais ce plastique, ça fait un peu bon marché si tu veux mon avis…
Vs : Ah évidemment, le plastique injecté ne peut pas rivaliser avec l’argent massif et le Parker 75 apparait mieux fini et plus solide-sauf peut-être au niveau de la section-, cela est dû à sa construction en métal précieux. Ceci dit, on pourrait lui reprocher son pas de vis interne en plastique. Vous avez également noté les deux capuchons à fermeture à friction, plutôt sûrs, le Sheaffer émet un petit clic discret lorsque l’on ôte son capuchon (mais rien à la fermeture),

au contraire du Parker, muet à l’ouverture et émettant un clic très sonore lorsqu’on l’ encapuchonne, chacun son école !

DD : J’aime bien l’ergonomie du Parker 75 et j’adore l’argent massif, mais je préfère la carrure de footballeur américain du PFM et son nom aussi…
Vs : Vous ne me surprenez guère, Don, nous allons maintenant nous pencher sur la technique de ces deux stars de l’écriture.
TECHNIQUE/CHARGEMENT
Vs :Avant d’aborder ce nouveau chapitre, Don, j’aimerais vous solliciter sur un point un peu délicat, comme vous devez le savoir, votre réputation vous précède sur de nombreux plans et je voudrais hum…
DD : Je crois comprendre où tu veux en venir…
Vs : Vous voyez, si vous aviez l’obligeance de…
DD : Bon arrête, tu deviens rouge comme un coquelicot le frenchie, ou plutôt comme un homard Thermidor, tu veux connaître ma méthode de séduction, n’est ce pas ?
Vs (écarlate et bafouillant) : Heu, oui, oui, mais parlez moins fort…
DD : Personne ne t’entends crier ici, pal, et puis quitte cette expression de séminariste échaudé, je vais te mettre au parfum. Je respecte une méthode en plusieurs étapes :
http://www.wat.tv/video/comment-drague- ... hfrv_.html
Alors, convaincu ? A t’observer, je commence à douter du mythe du french lover…
Vs (avec une furieuse envie de hurler tout en me jetant sous la table) : Je tiens, par avance à présenter mes plus plates excuses à mes lectrices, heu, Don un peu trop direct, les représentantes du beau sexe ne peuvent être traitées de la sorte …
DD : Je te livre MA méthode, mais évidemment, pour toi, il faudrait en confectionner une toute autre et commencer par une sérieuse chirurgie esthétique et un relooking total, pour cela, il faudra que tu gages tes organes vitaux, ta Buick et ton appart auprès de la Mafia de Chicago… J'ai des connaissances dans le milieu, si ça t’intéresse, ils m’ont aidé à trouver des jobs d’hommes troncs à des concurrents dans des fondations d’immeubles, de centres commerciaux et même d’un commissariat de quartier. Ces idiots de cops, ils ont posté des affichettes « missing » au dessus de leurs bureaux miteux et le mec en question se trouve à 10 mètres de là, dans une position à mi chemin entre le penseur de Rodin

et la Vénus de Milo

sans oublier Picasso pour l’expression du visage…

Quels cons ces cops, quels cons… (rire sardonique de Don Draper)
Je blêmis, j’ai l’impression d’avoir le diable en personne en face de moi…
DD : Tu tires la tronche d’un Viêt-Cong qui vient de se prendre 5 tonnes de Napalm directement sur la gueule, fraichement livrés par un B52 qui passait par là. I was just kidding, you fool , si tu prends tout ce que je raconte avec 3 grammes de sang dans l’alcool, au premier degré, on n’est pas sorti de l’auberge…
Vs : On dit 3 gramme d’alcool dans le sang, Don…
DD : Non, non, chez moi, il s’agit bien de 3 grammes de sang dans l’alcool…
Vs : Bon, ça m’apprendra, revenons à nos duettistes. Aussi bien Sheaffer que Parker ont réalisé deux instruments d’écriture très modernes pour leur époque. Je vais aborder dans ce chapitre, également, les modes de chargement qui les distinguent.
DD : Les modes de chargement ?
Vs : La façon de les remplir d’encre tout simplement
DD : I see !
Vs : Chez Sheaffer, on reprend le système Snorkel de son prédécesseur…
DD : Le quoi ?
Moi : Le Snorkel ou prise d’air dans la langue de Shakespeare ou Snorchel dans la langue de Goethe peut véritablement être qualifié d’usine à gaz. Il s’agit du mode de remplissage le plus complexe techniquement jamais utilisé sur un instrument d’écriture, du moins à ma connaissance. Mais plus qu’un long discours, Don, je vais procéder à une petite démonstration.
Je saisis le PFM et dévisse son extrémité dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, la petite canule surgit du conduit…



DD : Holly shit !
Vs : je ne vous le fais pas dire. A ce stade, pour le remplir, il suffit de tremper la tige du Snorkel dans un encrier de tirer l’extrémité supérieure du stylo puis la pousser vers le bas et ensuite patienter dix bonnes secondes afin que le sac en caoutchouc interne puisse se remplir. Ensuite, on retire le tout de la bouteille d’encre et on revisse dans le sens des aiguilles d’une montre et, regardez, la petite tige remonte dans son logement !
DD : Magic !
Vs : Le PFM a repris cette technologie de son prédécesseur immédiat, le Snorkel à plume conique, apparu en 1952,

il fallait bien amortir cette fantaisie futuriste du bureau d’étude Sheaffer. Ceci dit, le Snorkel constitue lui-même une évolution du Touchdown pneumatique introduit par Sheaffer en 1949

et très largement inspiré (copié) de ce que fabriquait Chilton dès 1924 et Crocker également…

DD : Pourquoi une telle technologie ?
Vs : En fait, avec le Snorkel, Sheaffer mettait en avant un mode de chargement « propre » qui ne nécessitait plus d’immerger la plume dans l’encre, en réalité, il s’agissait d’un procédé marketing afin de convaincre les acheteurs que le stylo plume demeurait dans le coup face à l’effrayante vague du stylo bille qui a coûté la vie à tant de manufactures renommées dans les années 50 et 60…
DD : Ton stylo qui avale goulument son liquide favori me donne une idée !
Vs : Oh non…
DD : Garçon, un cocktail inferno pour moi et un Pepsi pour le frenchie !
Vs : Cocktail inferno ?
DD : Une invention personnelle, les ingrédients demeurent secrets mais on peut l’utiliser pour de multiples usages y compris pour déboucher un évier ou pour une dératisation impitoyable, l’US Army m’a contacté dernièrement pour des largages au Vietnam à la place du Napalm…
Vs : Au secours, je veux partir !
DD : Pas avant d’avoir dégusté nos consommations !
Vs : Passons au Parker 75, beaucoup plus classique, un système à cartouches et convertisseur. La cartouche, reprise du 45 n’a pas changé chez Parker depuis 1959, contrairement à Waterman ou Pilot par exemple.
DD : C’est moderne !
Vs : De là où je viens, cela fait un peu banal !
DD : Je préfère le stylo macho qui boit cul sec !
Vs : Vous ne me surprenez pas, Don, on accordera donc notre préférence au PFM au chapitre technique, il le mérite amplement !Reste la plume rotative du Parker, mais elle ne peut, à elle seule renverser la tendance. Le PFM s’apparente à un rêve d’ingénieur à tous points de vue. Y compris au chapitre de la plume que nous allons aborder maintenant.
PLUME/CONDUIT
Vs : Nous allons commencer par la plus impressionnante des deux plumes, Don, celle du PFM…
DD : Montre moi ça, frenchie… ça alors, quelle allure !

Vs : Eh oui, Don, la plume sertie Sheaffer ne ressemble vraiment à aucune autre ; William Bunn avait exigé une plume « différente », afin de succéder dignement à la plume conique, qui avait fait les beaux jours de la firme de Fort-Madison, depuis le début des années 40. Pas question de sombrer dans le classicisme lorsqu’on se nomme Sheaffer, une requête reçue 5 sur 5 par ses concepteurs…

DD : Oui, qui sont les types qui ont osé dessiner et concevoir un truc pareil ?
Vs : Je les ai évoqué tout à l’heure, Don, Gordon et Dudds, ingénieurs-designers, sous la férule étroite de Bunn, leur boss, avec la supervision technique de Lynn P Martin…
DD : Ils devaient être un peu bourrés pour pondre un machin aussi étrange !
Vs :Je ne suis pas d’accord avec vous, Don, je trouve cette plume extrêmement élégante d’un point de vue esthétique et, disons, le, totalement unique dans la production mondiale.
DD : D’où leur est venue l’inspiration ?
Vs : Cette forme fut, en fait, très longue à s’ébaucher, on parle de plusieurs années… Ils ne savaient évidemment pas dans quelle direction aller pour concevoir quelque chose en rupture radicale avec le passé, d’autant qu’on imaginait avoir épuisé toutes les formes possibles à l’époque. Et la direction s’impatientait, lorsque la délivrance intervint vers septembre/octobre 1958, soit quelques mois avant le lancement programmé pour le deuxième semestre 1959…
DD : Qui a eu l’idée, en définitive et de quoi dérive-t-elle ?
Vs : Il s’agit d’un travail collégial, mais, le tandem Gordon-Dudds peut en revendiquer légitiment la paternité. Plusieurs hypothèses se bousculent, mais on évoque une passion d’un des deux, Gordon ou Dudds, on ne sait pas très bien, pour l’ornithologie. Et la queue de l’hirondelle aurait servi d’inspiration…

DD : Tiens donc !
Vs : Une autre hypothèse, beaucoup moins onirique, se base sur la sortie de la baroque Cadillac 1959,

dont une des grosses huiles de l’entreprise aurait fait sa monture vers septembre/octobre 1958 et dont les gigantesques ailerons proéminents auraient évidemment fortement inspirés nos deux lascars à court d’imagination…

DD : Attendez, une Cadillac modèle 1959 en septembre 1958 ?
Vs : Voyons, Don, vous savez bien que le millésime automobile d’une année, commence le premier juillet de l’année précédente dans votre pays, donc toutes les Cadillac vendues à partir du 1er juillet 1958 appartiennent au millésime 1959 !
.DD : Ah oui, of course, je possède moi-même une Cadillac Deville coupé…
Vs : Oui, je sais.
DD : Etrange quand même cette impression que vous cernez toute mon existence…
Vs : Euh, revenons à nos plumes, si vous le voulez bien Lynn Martin a validé rapidement la trouvaille des duettistes, par manque de temps. Mais, il apparaissait logique qu’avec une telle découpe (très échancrée-totalement vide en fait- au milieu), la plume ne pouvait se positionner classiquement. La solution provient de William Bunn, collectionneur avant l’heure, qui a eu souvenir du Moore Fingertip (dont il possédait d’ailleurs un exemplaire !)

Eurêka ! La nouvelle plume sera sertie dans la section, elle demeure bien visible, contrairement aux plumes capotées de la concurrence tout en se singularisant très fortement de tout ce qui existe. Selon certaines sources, une plume de même forme, mais « pleine » aurait été expérimentée mais elle s’avérait moins jolie que la version évidée et plus coûteuse en métal précieux, on s’en tint donc à la plume « inlaid » telle que nous la connaissons. Mission completed,, ouf pour notre fine équipe !
DD : Rien de tel qu’un peu de pression sur une équipe pour obtenir des résultats, on procède comme ça à l’agence !
Vs : Le gracieux conduit du PFM, en forme de goutte d’eau a été moulé en pvc (l’ébonite appartient hélas au passé), mais autorise néanmoins un excellent débit.

DD : Mais au fait, frenchie, tu m’avais parlé de deux plumes différentes sur ce stylo…
Vs : Oh, là, j’allais oublier ce point crucial, Don ! Effectivement, le PFM, en fonction de son standing, ne possède pas la même plume en entrée et en haut de gamme et, pour une fois, on peut envier les plus modestes…
DD : What do you mean ?
Vs: Voilà Don, les deux extrémités de la gamme PFM, un PFM V à plume or 14 carats-qui équipe aussi les PFM III et IV- et un PFM I à plume Pd Ag –idem sur le PFM II-, soit un alliage de palladium et d’argent, vous allez procéder à un petit test.
A tout seigneur, tout honneur, essayez le PFM V, tenez…

DD : Attendez, je sors mon calepin, voilà, hum, c’est doux mais ferme.
Vs : Absolument, Don ! Maintenant, essayez ce plébéien PFM I à plume Pd-Ag !

DD : Tout aussi doux, mais on ressent une légère souplesse, le moins cher écrit mieux que le rupin ! Où allons-nous, comme si la Chevrolet de l’ouvrier surpassait la Cadillac de Don Draper !
Vs :Vous parlez de vous à la troisième personne, Don, mais, une fois encore, j’abonde dans votre sens, amateur de PFM, privilégiez les versions I et II supposées plus modestes, mais plus agréables à l’usage.
DD : A part ça, le débit d’encre me semble assez important et vos deux PFM n’ont pas éprouvé la moindre hésitation, même quand j’exécute nerveusement ma signature…
Vs : Le PFM fait preuve d’une grande fiabilité en toutes circonstances et tolère une utilisation intensive, d’autant qu’il s’avère léger en main.
DD : On pourrait peut-être se pencher sur l’autre, frenchie, mais …
Tout à coup, Don s’interrompt, son regard s’emplit de tristesse, alors qu’une chanson romantique se propage depuis le juke-box Wurlitzer.

http://www.youtube.com/watch?v=9EAELtJgD6A
Vs : Don, ça ne va pas, cette chanson semble vous toucher profondément.
DD : Elle m’évoque mon ancienne épouse Betty et je l’écoutais fréquemment dans ma voiture, en sa compagnie, lorsque tout allait bien entre nous, que de souvenirs…
VS : Si vous le désirez, nous pouvons interrompre cette conversation…
DD : Non, non, continue s’il te plait, frenchie…
Don devient soudain humain et touchant, pourvu que cela dure.
Vs : Penchons nous sur le Parker 75 si vous le voulez bien., sa plume apparait forcément plus classique, mais pas conventionnelle pour autant. Elle est le fruit de la collaboration de Dan Parker et de Don Dorman, sur les instructions anciennes de Kenneth Parker (père de Dan et fils du fondateur Georges-Safford) qui se lassait des plumes capotées, l’échec du 61 a sonné leur glas, à ce niveau de gamme, chez Parker. Vous noterez sa forme élégante, enveloppante, presque semi-annulaire.

DD : Je peux l’essayer ?
Vs : Bien-sûr, tenez, Don .
DD : Quelle merveille, cette plume glisse sur le papier avec la douceur du satin mais, en plus, on éprouve une sensation d’élasticité inconnue sur le Sheaffer qui ressemble à un clou à côté !
Vs : Vous venez de découvrir l’arme secrète du discret et luxueux Parker 75, la relative souplesse de sa plume (assimilable à une semi-souple), bien différente de la raideur du PFM, handicapé par un sertissage n’autorisant quasiment pas d’élasticité. Le classicisme prend ici sa revanche. La plume du 75 se comporte, en plus, avec davantage de douceur sur le papier que celle de son rival.-Sheaffer a régressé sur ce point par rapport aux gammes à plume conique.- Il s’agit, bien évidemment d’une plume or monochrome de 14 carats partout dans le monde, sauf, en France, en vertu d’une loi, où les 18 carats s’imposent. En effet, le P75 possède également la nationalité française, car il a été naturalisé par sa fabrication à Méru, dans l’Oise, parallèlement au site de Janesville, Wisconsin, USA fait de lui une sorte de binational, mi yankee, mi frenchie. D’ailleurs, le PFM a lui, été assemblé également en Australie ! La globalisation, Don, dans quelques décennies, vous comprendrez…
DD : Ridiculous, comme si on m’annonçait que tous les Parker allaient un jour devenir made in France et que vous, les grenouilles alliez concevoir et fabriquer l’intégralité de nos chers stylos… Et pourquoi pas Waterman uniquement chez vous, en Normandie, A-T Cross produisant depuis la Chine communiste et Sheaffer en république tchèque collectiviste ? Ah, ah, quelle blague !
Vs : Vous possédez des dons de voyance. Don , vous noterez le caractère rotatif de la plume du Parker, mais un débit moindre que son concurrent, quoique très correct. De ce fait, le Parker 75 écrit très légèrement plus fin que le PFM-cela dépend aussi de l’encre utilisée- (à largeur de plume égale, of course folks), mais rien de dramatique. Le conduit, de forme traditionnelle et réalisé, là aussi, en plastique, effectue un travail très honnête et le 75 suit toujours la pensée, même fougueuse de son scripteur de maître ! D’ailleurs, Don, tentez le test de la signature avec le Parker .
DD : No problem ! Il fonctionne parfaitement. Au fond, j’adore l’aspect de la plume du PFM, mais je préfère les sensations du Parker, cruel dilemme !
Vs : Eh oui, Don ; choisir consiste aussi à renoncer à…
AUTONOMIE
Vs : Abordons, si vous le voulez bien, Don, le chapitre important de l’autonomie de nos duettistes. Le prédécesseur du PFM, le Snorkel à plume conique avait été justement critiqué pour son autonomie trop juste. Le nouveau venu, plus long et surtout, plus corpulent y remédie quelque peu, même s’il ne rivalise pas avec les plus gros modèles européens à piston…

DD : Vous fabriquez des stylos de luxe dans votre tiers-monde européen, incroyable !
Vs : Absolument Don, mais nous nous égarons. Le Parker 75 utilise, lui, la cartouche Parker sortie avec le populaire Parker 45 de 1959., ce qui ne lui confère pas une autonomie fantastique, mais autorise par contre, un rechargement aisé et immédiat…Evidemment, le Parker 75 était livré avec un convertisseur, pour les amoureux des bouteilles d’encre.
DD : Dis donc, j’ai l’impression que tu esquives le problème, lequel des deux stylos possède la plus grande autonomie ?
Vs : J’allais y venir, Don. Le PFM dispose, bien-sûr, de la plus large autonomie, merci à son physique ventru, heureusement d’ailleurs, car son rechargement nécessite un encrier, plus difficile à transporter qu’une ou plusieurs cartouches, quoiqu’il existe des encriers de voyage…

DD : What’s that ?
Vs : Il s’agit d’un modèle hermétique, très souvent métallique, qui ne maculera pas vos effets personnels, dans vos bagages, même si vous employez les services d’un pur-sang fougueux ou d’un chameau en rut…
DD : Vous dérapez, là, on dirait du Don Draper !
Vs : Je présente toutes mes excuses à mes fidèles lecteurs, votre personne commence à déteindre sur moi, Don.
DD : Ah, enfin, tu vas abandonner le lait fraise pour le bourbon et tes allures de premier communiant, il faudra que je te présente à plusieurs copines…
Vs : On appréciera mon sens de l’abnégation pour la réalisation de ce comparatif… Revenons au Parker 75, comme je l’ai souligné, il compense la capacité inférieure de sa cartouche par un rechargement beaucoup plus simple et plus pratique, en particulier, lors des déplacements. Ceci dit, je ne lasse jamais du Snorkel, le PFM a un petit côté James-Bond ou plutôt Q, pour le délire d’ingénieur.

DD : Ah oui, cet espion anglais se prétendant le meilleur, quelle blague ! Ces crèves la faim de british du Mi5 ou 6-Miserable Intelligence service 5ème ou 6ème à gauche en montant-, sont tout juste bons à espionner le laitier ou un clergyman octogénaire, eu égard à leurs moyens, même le plus pauvre des clodos de New-York les battra à plate couture... Il n’existe que deux services efficaces dans le monde, la CIA et le Mossad. Quant à vous, frenchies, vous parvenez à espionner vos viticulteurs et fromagers pour avoir de la bouffe décente, c’est déjà ça !
Vs : Si j’aurais su, j’aurais pas venu !
DD : Et en plus, t’es même pas fichu de t’exprimer correctement dans ta propre langue, on dit, si j’AVAIS su…
Vs : Je dois m’accrocher, mon calvaire se termine bientôt…
DD : Qu’est-ce que tu marmonnes ?
Vs : Rien, rien…Pour en revenir à nos stylos, le PFM constituait une amélioration sensible en terme d’autonomie par rapport à son prédécesseur, le beaucoup plus fin et court Snorkel, qui n’était autre qu’un Crest à plume conique doté de ce mode de chargement unique, mais quelque peu encombrant dans les entrailles d’un stylo, donc pénalisant l’autonomie.
DD : Je ne comprends pas grand-chose à tes paroles, mais j’ai tendance à préférer le PFM .
Vs :Moi aussi Don, passons à la suite…
Tout à coup, le serveur surgit du diable vauvert, il me toise avec son regard injecté de sang, de la sueur commence à perler sur mon front. D’un geste brusque, il exhibe un objet scintillant qu’il propulse dans ma direction à grande vitesse.
Soudain Don se lève :
DD : Tu as de sérieux problèmes, pal !
Mon cœur bât la chamade, vais-je sortir vivant de cette effrayante expérience, Don et le serveur vont-ils m’achever et me dépouiller de mes précieux stylos ? Découvrez donc immédiatement la suite dans le tome2 : Mad pens, le retour de la vengeance!