Je réponds en vrac à Emmanuel et Moskva. En passant, aucun problème avec l'absence d'accents, puisqu'il n'y a rien à y faire. La longueur n'a pas d'importance, lit qui veut

et il est difficile de bien parler des choses en trois lignes.
l'idee d'avoir un stylo deja accapare par une autre personne ne me laisse pas indifferent. Tout le contraire avec les montres.
Avec une montre, en dehors de celui qui démonte, répare, bricole, a des connaissances de mécanique et d'histoire horlogères, on est totalement passif. Un stylo, on s'en sert, c'est autre chose, je crois. Les deux touchent à des choses symboliques mais un peu différentes.
Il est vrai qu'il est un peu difficile de s'y repérer de prime abord. Que "l'apprentissage", si je puis dire, est plus long. C'est comme le reste, ça commence à venir assez vite dès qu'on a trouvé un point d'entrée, les ressources sont abondantes, quoique souvent une peu floues et imprécises.
Sur la crainte de la fragilité, beaucoup ne sont pas plus fragiles que les stylos d'aujourd'hui. Il faut y faire un peu plus attention quand même, mais j'ai des stylos de 80 ans en parfait état que je crains pas de transporter.
Formes. Il y a de belles formes et de belles recherches aujourd'hui. Mais beaucoup ne sont que des exercices de style ou de la surenchère criarde. La différence tient peut-être à ce que les stylos à plume étaient de vrais objets utilitaires il y a quelques années, que les évolutions, les nouveaux dessins, en empruntant des éléments de toutes parts, étaient toujours inscrits dans leur temps.
Systèmes de remplissage. Que reste-t-il aujourd'hui ? Quelques pistons, le plus commun dans les systèmes autres que les C/C, qui apparaissent au consommateur moyen comme des dinosaures, quelques survivances anecdotiques d'autres systèmes, bulb filler chez Edison, plunger chez Pilot pour n'en citer que deux. C'est normal, le plus pratique remplace normalement le plus exotique ou le moins pratique.
Matières. Oui, bien sûr, la variété des matières était beaucoup plus importante, beaucoup plus riche. Certaines ont mal traversé les années, d'autres sont aussi belles qu'à leur premier jour. Les vrais celluloids modernes par exemple se font rares. S'il est de beaux acryliques, très peu atteignent à la beauté et au plaisir très particulier du toucher des celluloids anciens. Les finitions aussi sont différentes. Encore un exemple, j'avais essayé dans la rubrique Essais (tiens !) un Conway-Stewart moderne, le stylo est très joli, mais quand on compare de près avec un CS bien moins cher d'il y a cinquante ans, la comparaison n'est pas en faveur du petit jeune, même s'il est bien fabriqué et de très bonne qualité. C'est bien plus grossier.
Les plumes. On touche au coeur du plaisir, parce qu'un stylo, c'est d'abord une plume. Pas seulement, mais sans ça, ça n'a - pour moi - que très peu d'intérêt. Là encore, la plupart des stylos modernes se ressemblent, très peu de plumes ont de la vie, et là aussi, la diversité biologique

s'est beaucoup amoindrie. La variété d'autrefois a disparu, les quelques nibmeisters qui surfent sur cet appauvrissement et tentent d'y pallier n'y changent au fond pas grand-chose.
Emmanuel, si on associe souvent plume ancienne et flexibilité, ce n'est pas toujours le cas. Il y avait toutes sortes de plumes, des rondes, des raides voire très raides, des semi-flex, des très flexibles, des stubs, des obliques de tous poils... Je prends l'exemple de mes Pelikan de 1930 à 1950. Tous ont des plumes de très grande qualité, à faire rougir n'importe quelle plume moderne. Il y a des semi-flexibles vives et faciles d'emploi, une fine très flexible, une moyenne un peu rigide, très douce avec un superbe toucher, il y a une merveilleuse oblique très moelleuse, très juteuse, qui donne une écriture extraordinaire. On a des sensations qui n'ont rien à voir avec ce qu'on connaît. S'il y a des plumes difficiles, aucune de celles-ci ne l'est vraiment, même si une moderne rigide sera quand même beaucoup plus facile, passera partout.
L'histoire (et la petite histoire). Ce n'est pas rien. Je ne suis pas du tout collectionneur et je ne le serai jamais, mais ces vieux stylos sont un minuscule domaine intéressant. Histoire des marques et des techniques, croisement avec l'histoire tout court, objets chargés d'émotion et de fantasmes sur leur vie, les mains entre lesquelles ils sont passés.
Il est amusant de voir ce qui vous touche, ce qu'on cherche, aussi. Je ne ressens la plupart du temps aucune émotion, peu de plaisir avec un stylo moderne. C'est pratique, utilitaire, point. Dans les vieux machins, il me semble y avoir des styles, des périodes très différentes.
C'est fini. Ce n'est pas une défense du vintage, ce ne sont pas des réflexions passéistes, c'est juste pour dire que ce n'est pas plus compliqué que le moderne, que la richesse par contre y est bien plus grande. Pour aller partout, pour moi, j'ai deux ou trois modernes solides, fiables qui m'accompagnent. Mais j'ai aussi un ou deux vieux machins plus agréables et tout aussi solides à côté.
Jimmy