Namiki Custom 72 (essai en forme de petit hommage)
Posté : 23 mai 2011 13:05
Petites histoires à propos d'un joli stylo peu courant.
Ecrivant depuis longtemps épisodiquement avec des stylos Pilot/Namiki, je n'ai vraiment découvert leurs grandes qualités que l'année dernière après avoir fait l'acquisition d'un Myu 701 autour duquel je tournais de loin depuis des années, vite suivi par de très discrets petits stylos des années 70, Elite, "Myu brother", Volex et autres, puis par d'autres plus récents comme l'excellentissime et pas ruineux Custom 74. J'utilise maintenant une bonne douzaine de ces stylos et je crains malheureusement que l'histoire ne s'arrête pas là ! Sur celui dont je vais parler, je gardais un oeil depuis longtemps, mais pour des raisons qui restent un peu obscures, c'est un stylo assez rare : en plus d'un an de veille, je n'en ai vu passer que deux exemplaires, immédiatement adoptés. Par un coup de chance, Damien en proposait ici une parure plume/bille à l'état de neuf, j'ai donc sauté sur l'occasion. Voici donc l'essai du Namiki Custom 72. Vous pourrez trouver des photos classiques faites dans les règles de l'art, meilleures que les miennes faites à la va-vite comme toujours > en tête de cette page >.
Deux ans avant le 72, Pilot avait lancé un stylo commémoratif de ses 70 ans, stylo qui ressemblait déjà beaucoup au 72 à quelques détails près. Très sobre, fabriqué en série limitée, il n'avait pas connu un franc succès à l'époque, vraisemblablement pénalisé par sa trop grande simplicité et trop de dépouillement pour un modèle anniversaire. Le 72 était déjà là avec son corps cylindrique tronqué en plastique guilloché, seule lui manquait la bague de capuchon. En 1990, Pilot reprend donc son dessin et lance le Namiki Custom 72.

Pour la petite histoire, Pilot, qui fabrique des stylos depuis 1918, utilise un code à deux chiffres pour nommer certains de ses stylos : le 72 a ainsi été fabriqué 72 ans après la fondation de la marque (avec un petit raffinement supplémentaire pour les stylos au nom à trois chiffres, 742, 743, 823, 845..., le troisième chiffre indiquant alors la place dans la gamme). J'ai vainement cherché des informations basiques sur la période de fabrication du stylo, personne n'a su me répondre malgré mes quelques recherches et courriels. Le Custom 72 a été fabriqué au moins jusqu'en 1994, puisque chez Pilot la date de fabrication figure sur la plume : avril 1994 pour cet exemplaire.

Que voit-on en regardant les photos ? D'abord un stylo au dessin très classique. Une forme presque cylindrique, allant en s'effilant très légèrement vers l'extrémité tronquée net. Un plastique noir brillant guilloché avec un motif discret de lignes en forme de vagues. On aperçoit deux très fines bagues dorées aux extrémités. Bagues trompeuses en photo qui pourraient laisser penser à un stylo en laiton habillé de plastique, qu'on pourrait donc imaginer pesant un certain poids : il n'en est rien, ces bagues discrètes sont seulement décoratives et le stylo, entièrement fait de plastique, est très léger. Pour atténuer la relative sévérité du dessin, le capuchon, lui aussi cylindrique, est agrémenté d'une double bague et d'une jolie frise géométrique ajourée. On remarque que la forme de l'agrafe est inversée par rapport à la belle agrafe courante concave à boule Pilot/Namiki : celle-ci est convexe. Ce capuchon est très sûr avec ses trois tours de vis pour l'ouvrir et le fermer. La plume, l'essentiel, est une classique n°10 d'un seul ton, en or 14 carats (les Japonais sont semble-t-il fiers à juste titre de leurs 14 carats), ferme, ici de taille fine, celle que je préfère chez Pilot. L'alimentation en encre enfin est assurée comme presque toujours par cartouche (Pilot propriétaire) ou convertisseur, le stylo acceptant les trois convertisseurs de la marque, y compris vu sa taille le plus gros et excellent CON-70 à bouton-poussoir.
Le Custom 72 est de taille moyenne, tirant sur la grande taille : le diamètre du corps au-dessus des filets est de 12 mm. C'est en ce qui me concerne la taille limite acceptable, j'ai souvent dit ma préférence pour le confort des stylos fins et légers pour écrire longtemps. Celui-ci, sans être un poids plume, est plutôt léger, gage certain d'agrément durant les longues séances d'écriture : il pèse en état de marche avec encre et convertisseur 15 grammes sans capuchon, 24 avec le capuchon.
Comment écrit M. 72, alors ? Sans surprise, magnifiquement bien comment on peut s'y attendre avec un Pilot/Namiki. J'ai récemment > écrit ici quelques lignes > sur le plaisir rare que me donnaient les exceptionnelles plumes Pilot. Celle-ci ne déroge pas à la règle, c'est une des plumes les plus douces et les plus précises que je connaisse, peut-être la meilleure parmi les Pilot/Namiki fines rigides que j'utilise. Une plume qui se contrôle parfaitement, qui offre un des plus délicats plaisirs d'écriture que j'aie connu avec les plumes modernes, une plume qui apaise la main et l'esprit, à laquelle on a envie de revenir encore et encore. Dès la première seconde, Kiri-same inside, encre un peu aqueuse qui permet de profiter pleinement de cette plume à l'alimentation légère qui rend la couleur évanescente et transparente. Pour comparaison avec une autre très bonne plume fine japonaise rigide, la Sailor en 14 ou 21 carats, la Pilot est nettement plus douce là où la Sailor, différente mais tout aussi agréable est plus acérée. Ces plumes sont exceptionnelles. Comme sur tous les Pilot/Namiki (à l'exception des plumes plus souples, j'espère bien écrire quand j'aurai un moment des essais du petit Falcon et du 742 FA), l'alimentation en encre est d'une régularité exemplaire, impossible à prendre en défaut. J'ai cherché à savoir quel était le bloc-plume du 72, mais là encore, je n'ai pas trouvé de réponse.

Il est des questions qu'on se pose toujours avec un stylo : pourquoi me touche-t-il, quel rôle me fait-il jouer ? Tout d'abord, ce stylo est l'héritier de la ligne des premiers Pilot, mais aussi de la forme et du dessin de beaucoup de beaux stylos des débuts des temps des stylos à plume, merveilleux stylos "flat top" simples, purs instruments à écrire en ébonite noire guillochée, BCHR comment ils disent outre-Atlantique. "Ebonite noire guillochée", c'est plus long à écrire mais c'est aussi plus évocateur, non ? Cet objet ne peut que parler à l'amateur de stylos anciens que je suis avant tout.
Mais surtout, j'aurais pu intituler cet essai "Hommage au Docteur C...", qui officiait dans le sud du Loir-et-Cher dans les années 60. Je vois dans cet objet l'archétype du stylo d'un médecin de campagne d'autrefois. Un de ces hommes parfois austères, parcourant à longueur de journée dans leur costume gris les petites routes dans leur 203, harassés de travail, qu'on attendait parfois durant toute la journée, qui arrivaient à point d'heure certains soirs à la nuit tombée, leur longue tournée pas encore terminée, qui sentaient lorqu'ils vous posaient l'oreille sur le torse le bourgeois honnête, le Cuir de Russie et encore l'after-shave du matin, qui mélangeaient attention paternelle et agacement quand on pleurnichait avant la piqûre. Un stylo sérieux et austère, un stylo à remplir des ordonnances illisibles, à la sévérité tempérée par l'infime touche de fantaisie que lui apporte sa bague nette et légère. Un bel instrument de travail. Minuscule hommage de l'enfant souvent malade à l'homme qui le soignait.
J'avais déjà bien aimé l'interprétation moderne du beaucoup plus lourd - lourd comme toujours avec les CS modernes - Doctor's pen de Conway Stewart > qu'on peut voir ici >, mais ce Namiki, bien plus subtil et léger, joli instrument d'écriture, m'enchante chaque jour.
Pour faire plaisir à Silverado, puisque j'associe souvent les stylos avec des livres de photographie, j'aurais bien aimé pour l'accompagner retrouver des photos du Docteur Ceriani qu'Eugene Smith avait si bien photographié dans ces années-là, mais elles sont perdues dans le bazar ! Donc en fond une photo qui n'a qu'un assez lointain rapport, sinon de proximité. J'ai tout de même évité une mise en scène sommaire avec une bouteille de sirop, un tensiomètre et une seringue !
Quant au stylo à bille de la parure, qu'en dire, sinon que le dernier des stylos publicitaires écrit mieux que n'importe lequel de ces stylos de marque.
Comme d'habitude pour terminer, commentaires, additions, corrections welcome !
Jimmy
Ecrivant depuis longtemps épisodiquement avec des stylos Pilot/Namiki, je n'ai vraiment découvert leurs grandes qualités que l'année dernière après avoir fait l'acquisition d'un Myu 701 autour duquel je tournais de loin depuis des années, vite suivi par de très discrets petits stylos des années 70, Elite, "Myu brother", Volex et autres, puis par d'autres plus récents comme l'excellentissime et pas ruineux Custom 74. J'utilise maintenant une bonne douzaine de ces stylos et je crains malheureusement que l'histoire ne s'arrête pas là ! Sur celui dont je vais parler, je gardais un oeil depuis longtemps, mais pour des raisons qui restent un peu obscures, c'est un stylo assez rare : en plus d'un an de veille, je n'en ai vu passer que deux exemplaires, immédiatement adoptés. Par un coup de chance, Damien en proposait ici une parure plume/bille à l'état de neuf, j'ai donc sauté sur l'occasion. Voici donc l'essai du Namiki Custom 72. Vous pourrez trouver des photos classiques faites dans les règles de l'art, meilleures que les miennes faites à la va-vite comme toujours > en tête de cette page >.
Deux ans avant le 72, Pilot avait lancé un stylo commémoratif de ses 70 ans, stylo qui ressemblait déjà beaucoup au 72 à quelques détails près. Très sobre, fabriqué en série limitée, il n'avait pas connu un franc succès à l'époque, vraisemblablement pénalisé par sa trop grande simplicité et trop de dépouillement pour un modèle anniversaire. Le 72 était déjà là avec son corps cylindrique tronqué en plastique guilloché, seule lui manquait la bague de capuchon. En 1990, Pilot reprend donc son dessin et lance le Namiki Custom 72.

Pour la petite histoire, Pilot, qui fabrique des stylos depuis 1918, utilise un code à deux chiffres pour nommer certains de ses stylos : le 72 a ainsi été fabriqué 72 ans après la fondation de la marque (avec un petit raffinement supplémentaire pour les stylos au nom à trois chiffres, 742, 743, 823, 845..., le troisième chiffre indiquant alors la place dans la gamme). J'ai vainement cherché des informations basiques sur la période de fabrication du stylo, personne n'a su me répondre malgré mes quelques recherches et courriels. Le Custom 72 a été fabriqué au moins jusqu'en 1994, puisque chez Pilot la date de fabrication figure sur la plume : avril 1994 pour cet exemplaire.

Que voit-on en regardant les photos ? D'abord un stylo au dessin très classique. Une forme presque cylindrique, allant en s'effilant très légèrement vers l'extrémité tronquée net. Un plastique noir brillant guilloché avec un motif discret de lignes en forme de vagues. On aperçoit deux très fines bagues dorées aux extrémités. Bagues trompeuses en photo qui pourraient laisser penser à un stylo en laiton habillé de plastique, qu'on pourrait donc imaginer pesant un certain poids : il n'en est rien, ces bagues discrètes sont seulement décoratives et le stylo, entièrement fait de plastique, est très léger. Pour atténuer la relative sévérité du dessin, le capuchon, lui aussi cylindrique, est agrémenté d'une double bague et d'une jolie frise géométrique ajourée. On remarque que la forme de l'agrafe est inversée par rapport à la belle agrafe courante concave à boule Pilot/Namiki : celle-ci est convexe. Ce capuchon est très sûr avec ses trois tours de vis pour l'ouvrir et le fermer. La plume, l'essentiel, est une classique n°10 d'un seul ton, en or 14 carats (les Japonais sont semble-t-il fiers à juste titre de leurs 14 carats), ferme, ici de taille fine, celle que je préfère chez Pilot. L'alimentation en encre enfin est assurée comme presque toujours par cartouche (Pilot propriétaire) ou convertisseur, le stylo acceptant les trois convertisseurs de la marque, y compris vu sa taille le plus gros et excellent CON-70 à bouton-poussoir.
Le Custom 72 est de taille moyenne, tirant sur la grande taille : le diamètre du corps au-dessus des filets est de 12 mm. C'est en ce qui me concerne la taille limite acceptable, j'ai souvent dit ma préférence pour le confort des stylos fins et légers pour écrire longtemps. Celui-ci, sans être un poids plume, est plutôt léger, gage certain d'agrément durant les longues séances d'écriture : il pèse en état de marche avec encre et convertisseur 15 grammes sans capuchon, 24 avec le capuchon.
Comment écrit M. 72, alors ? Sans surprise, magnifiquement bien comment on peut s'y attendre avec un Pilot/Namiki. J'ai récemment > écrit ici quelques lignes > sur le plaisir rare que me donnaient les exceptionnelles plumes Pilot. Celle-ci ne déroge pas à la règle, c'est une des plumes les plus douces et les plus précises que je connaisse, peut-être la meilleure parmi les Pilot/Namiki fines rigides que j'utilise. Une plume qui se contrôle parfaitement, qui offre un des plus délicats plaisirs d'écriture que j'aie connu avec les plumes modernes, une plume qui apaise la main et l'esprit, à laquelle on a envie de revenir encore et encore. Dès la première seconde, Kiri-same inside, encre un peu aqueuse qui permet de profiter pleinement de cette plume à l'alimentation légère qui rend la couleur évanescente et transparente. Pour comparaison avec une autre très bonne plume fine japonaise rigide, la Sailor en 14 ou 21 carats, la Pilot est nettement plus douce là où la Sailor, différente mais tout aussi agréable est plus acérée. Ces plumes sont exceptionnelles. Comme sur tous les Pilot/Namiki (à l'exception des plumes plus souples, j'espère bien écrire quand j'aurai un moment des essais du petit Falcon et du 742 FA), l'alimentation en encre est d'une régularité exemplaire, impossible à prendre en défaut. J'ai cherché à savoir quel était le bloc-plume du 72, mais là encore, je n'ai pas trouvé de réponse.

Il est des questions qu'on se pose toujours avec un stylo : pourquoi me touche-t-il, quel rôle me fait-il jouer ? Tout d'abord, ce stylo est l'héritier de la ligne des premiers Pilot, mais aussi de la forme et du dessin de beaucoup de beaux stylos des débuts des temps des stylos à plume, merveilleux stylos "flat top" simples, purs instruments à écrire en ébonite noire guillochée, BCHR comment ils disent outre-Atlantique. "Ebonite noire guillochée", c'est plus long à écrire mais c'est aussi plus évocateur, non ? Cet objet ne peut que parler à l'amateur de stylos anciens que je suis avant tout.
Mais surtout, j'aurais pu intituler cet essai "Hommage au Docteur C...", qui officiait dans le sud du Loir-et-Cher dans les années 60. Je vois dans cet objet l'archétype du stylo d'un médecin de campagne d'autrefois. Un de ces hommes parfois austères, parcourant à longueur de journée dans leur costume gris les petites routes dans leur 203, harassés de travail, qu'on attendait parfois durant toute la journée, qui arrivaient à point d'heure certains soirs à la nuit tombée, leur longue tournée pas encore terminée, qui sentaient lorqu'ils vous posaient l'oreille sur le torse le bourgeois honnête, le Cuir de Russie et encore l'after-shave du matin, qui mélangeaient attention paternelle et agacement quand on pleurnichait avant la piqûre. Un stylo sérieux et austère, un stylo à remplir des ordonnances illisibles, à la sévérité tempérée par l'infime touche de fantaisie que lui apporte sa bague nette et légère. Un bel instrument de travail. Minuscule hommage de l'enfant souvent malade à l'homme qui le soignait.
J'avais déjà bien aimé l'interprétation moderne du beaucoup plus lourd - lourd comme toujours avec les CS modernes - Doctor's pen de Conway Stewart > qu'on peut voir ici >, mais ce Namiki, bien plus subtil et léger, joli instrument d'écriture, m'enchante chaque jour.
Pour faire plaisir à Silverado, puisque j'associe souvent les stylos avec des livres de photographie, j'aurais bien aimé pour l'accompagner retrouver des photos du Docteur Ceriani qu'Eugene Smith avait si bien photographié dans ces années-là, mais elles sont perdues dans le bazar ! Donc en fond une photo qui n'a qu'un assez lointain rapport, sinon de proximité. J'ai tout de même évité une mise en scène sommaire avec une bouteille de sirop, un tensiomètre et une seringue !
Quant au stylo à bille de la parure, qu'en dire, sinon que le dernier des stylos publicitaires écrit mieux que n'importe lequel de ces stylos de marque.
Comme d'habitude pour terminer, commentaires, additions, corrections welcome !
Jimmy