Un beau Montblanc 134
Posté : 01 juin 2009 10:14
J’avais à quelques reprises essayé de vieux Montblanc et j’avais à chaque fois beaucoup aimé leurs qualités de fabrication et d’écriture. Stylos sobres sinon austères, plumes très agréables. Voyant celui-ci qui m’avait instantanément séduit – on ne dira jamais assez l’attrait des bonnes photos et de la présentation sur un site de vente - chez un vendeur sérieux, j’ai cédé à la tentation après un moment de réflexion.
Montblanc est une très vieille maison. Ne connaissant à peu près rien à leurs vintage, j’ai avant et après l’achat pris quelques renseignements et fait quelques recherches, petits plaisirs de l’ancien. C’est là où on se rend compte que l’information n’est pas si abondante qu’on aurait pu l’imaginer avec une telle signature.
Le stylo est un modèle 134 en bon état. Dans la nomenclature Montblanc de cette époque, le 1 signe un Meisterstück, le modèle haut de gamme (il y avait des modèles 2xx et 3xx, par ordre décroissant de gamme), le 3 indique un remplissage à piston et le 4 marque la taille, qui allait comme aujourd’hui jusqu’au 9 pour les plus gros. C’est donc un stylo de taille moyenne, plutôt petit selon les canons modernes : à peu près de la taille d’un Pelikan 400 ou d’un Balance standard fermé. Il mesure 12,5 cm fermé, 11,6 sans capuchon, nettement plus court dans ce cas que le Pelikan. Le diamètre est sensiblement le même, 11,5 mm environ. Le stylo est fabriqué, corps et capuchon, dans un très joli celluloïd noir à reflets bruns chauds, superbe en mains, légèrement translucide par endroits où on devine alors le réservoir (la fenêtre d'encre courte striée est obscurcie). Le toucher est très agréable. Le bouton du piston est abrité sous un capuchon à dévisser sur lequel l'empreinte a été polie, juste en-dessous duquel figure, à peine lisible, la classique gravure DRP - Deutsches Reich Patent - accompagnée du numéro du brevet. Le capuchon à trois bandes plaquées or porte encore bien lisible à son extrémité l’inscription en creux Montblanc-Meisterstück, l’étoile au sommet est devenue un peu ivoire avec le temps. La dorure du clip est un peu ternie. La belle plume elle aussi un peu ternie porte les classiques inscriptions 4810, le M cerclé de l’étoile Montblanc, puis un P en écriture ornée en dessous. La forme flat-top du stylo qui va en s’effilant légèrement est sobre, discrète, élégante et bien équilibrée, c’est ce qui, à côté des qualités espérées de la plume, m’a tout de suite séduit.
Ce modèle a commencé sa carrière avant la guerre. Il y en a eu de nombreuses variantes, sommet du capuchon plus long (ce qui est plus harmonieux à mon goût), différents clips dont celui, classique, qui ressemble à une aiguille de montre, différentes bandes de capuchon gravées ou non…
C’est là où cela devient amusant. Le vendeur annonce un stylo de 1950. Après vérification avec lui, il semble dater plus précisément des années 46-48, années où la plume d’origine aurait dû être en acier, restrictions de l’après-guerre obligent. Ce n’est pas une plume en or, le P estampé sur la plume fait rapidement penser qu’elle est en palladium. Ces plumes en palladium ont été fabriquées en 1938 pour remplacer celles en or, ce dernier étant réservé à l’effort de guerre : la plume a donc vraisemblablement été échangée. Quelques autres discussions avec le vendeur, sur FPN, quelques échanges de mails avec des spécialistes sur la forme et les attributs permettent à l’apprenti Sherlock de se familiariser un peu avec l’histoire de la marque. On voit bien qu’en ces temps difficiles certaines pièces d’avant ou pendant la guerre ont encore été utilisées après.
La plume maintenant. C’est donc une plume fine en palladium, très souple et très flexible. C’est une plume de gourmet : elle est très douce, souple presque à la limite de la mollesse, et pourtant elle reste précise et incisive. Le trait est très fin avec une main légère, la variation devient importante dès qu’on appuie. Une plume délicieuse et subtile, au caractère différent des autres que j’affectionne, certainement parmi celles-ci une des plus délicates. C’est ma seule plume en palladium, je ne sais pas si d’autres partagent ses qualités. Le stylo écrit remarquablement bien, je l’imagine parfaitement fiable, même si le piston demandera un peu d’attention lors de sa manipulation.
C’est un petit bonheur d’écrire longuement la nuit avec ces vieux stylos et ces belles plumes avec toujours le sentiment qu’elles apportent lentement la paix à la main et à l’esprit. Colette qui, dit-on, aimait écrire au Meisterstück, utilisait peut-être un de ces stylos…
Peu, sinon pas du tout sensible aux Montblanc modernes, je n’aurais pas pensé en acheter un jour. Les qualités de la plume dépassent mes attentes, elle est vraiment très plaisante. Financièrement, ce beau 134 qui précède immédiatement les séries à la forme torpédo des Meisterstück d’aujourd’hui inchangée depuis le début des années 50 est encore abordable, les modèles plus gros, 136, 138 (rare), 139 étant plus recherchés et beaucoup plus chers comme c’est souvent le cas avec les modèles imposants. La marque est beaucoup collectionnée, ce qui implique des prix souvent élevés pour certains modèles vintage. Je ne suis pas, on l’aura compris, un spécialiste, mais après avoir regardé d’un peu plus près, on trouve également très facilement de nombreux modèles de qualité d’avant 1970, voire d’avant-guerre montés avec de belles plumes à des prix plus que raisonnables.
Il y a finalement assez peu d’information exhaustive sur les Montblanc vintage. Un bon point de départ, comme l’avait signalé Bluebird il y a quelque temps, ce message en en-tête du forum FPN.
Il existe un livre de référence sur les Montblanc de 1946 à 1979 : « Collectible stars » de Jens Rösler et Stefan Wallrafen (2001, allemand/anglais).
Une photo sur fond d’un portrait de Colette par Gisele Freund (dans « Itinéraires », Albin Michel, 1985) avec un exemple d'écriture. On verra bien mieux le stylo sur les pages du blog de Carlos SanchezAlamo. Le 134 est très bien photographié à la fin de cette page. S’il est des vendeurs que je recommande très chaudement, Carlos en fait partie.
Vos éventuels commentaires, questions, additions, précisions ou rectifications sont les bienvenus.
Jimmy
Montblanc est une très vieille maison. Ne connaissant à peu près rien à leurs vintage, j’ai avant et après l’achat pris quelques renseignements et fait quelques recherches, petits plaisirs de l’ancien. C’est là où on se rend compte que l’information n’est pas si abondante qu’on aurait pu l’imaginer avec une telle signature.
Le stylo est un modèle 134 en bon état. Dans la nomenclature Montblanc de cette époque, le 1 signe un Meisterstück, le modèle haut de gamme (il y avait des modèles 2xx et 3xx, par ordre décroissant de gamme), le 3 indique un remplissage à piston et le 4 marque la taille, qui allait comme aujourd’hui jusqu’au 9 pour les plus gros. C’est donc un stylo de taille moyenne, plutôt petit selon les canons modernes : à peu près de la taille d’un Pelikan 400 ou d’un Balance standard fermé. Il mesure 12,5 cm fermé, 11,6 sans capuchon, nettement plus court dans ce cas que le Pelikan. Le diamètre est sensiblement le même, 11,5 mm environ. Le stylo est fabriqué, corps et capuchon, dans un très joli celluloïd noir à reflets bruns chauds, superbe en mains, légèrement translucide par endroits où on devine alors le réservoir (la fenêtre d'encre courte striée est obscurcie). Le toucher est très agréable. Le bouton du piston est abrité sous un capuchon à dévisser sur lequel l'empreinte a été polie, juste en-dessous duquel figure, à peine lisible, la classique gravure DRP - Deutsches Reich Patent - accompagnée du numéro du brevet. Le capuchon à trois bandes plaquées or porte encore bien lisible à son extrémité l’inscription en creux Montblanc-Meisterstück, l’étoile au sommet est devenue un peu ivoire avec le temps. La dorure du clip est un peu ternie. La belle plume elle aussi un peu ternie porte les classiques inscriptions 4810, le M cerclé de l’étoile Montblanc, puis un P en écriture ornée en dessous. La forme flat-top du stylo qui va en s’effilant légèrement est sobre, discrète, élégante et bien équilibrée, c’est ce qui, à côté des qualités espérées de la plume, m’a tout de suite séduit.
Ce modèle a commencé sa carrière avant la guerre. Il y en a eu de nombreuses variantes, sommet du capuchon plus long (ce qui est plus harmonieux à mon goût), différents clips dont celui, classique, qui ressemble à une aiguille de montre, différentes bandes de capuchon gravées ou non…
C’est là où cela devient amusant. Le vendeur annonce un stylo de 1950. Après vérification avec lui, il semble dater plus précisément des années 46-48, années où la plume d’origine aurait dû être en acier, restrictions de l’après-guerre obligent. Ce n’est pas une plume en or, le P estampé sur la plume fait rapidement penser qu’elle est en palladium. Ces plumes en palladium ont été fabriquées en 1938 pour remplacer celles en or, ce dernier étant réservé à l’effort de guerre : la plume a donc vraisemblablement été échangée. Quelques autres discussions avec le vendeur, sur FPN, quelques échanges de mails avec des spécialistes sur la forme et les attributs permettent à l’apprenti Sherlock de se familiariser un peu avec l’histoire de la marque. On voit bien qu’en ces temps difficiles certaines pièces d’avant ou pendant la guerre ont encore été utilisées après.
La plume maintenant. C’est donc une plume fine en palladium, très souple et très flexible. C’est une plume de gourmet : elle est très douce, souple presque à la limite de la mollesse, et pourtant elle reste précise et incisive. Le trait est très fin avec une main légère, la variation devient importante dès qu’on appuie. Une plume délicieuse et subtile, au caractère différent des autres que j’affectionne, certainement parmi celles-ci une des plus délicates. C’est ma seule plume en palladium, je ne sais pas si d’autres partagent ses qualités. Le stylo écrit remarquablement bien, je l’imagine parfaitement fiable, même si le piston demandera un peu d’attention lors de sa manipulation.
C’est un petit bonheur d’écrire longuement la nuit avec ces vieux stylos et ces belles plumes avec toujours le sentiment qu’elles apportent lentement la paix à la main et à l’esprit. Colette qui, dit-on, aimait écrire au Meisterstück, utilisait peut-être un de ces stylos…
Peu, sinon pas du tout sensible aux Montblanc modernes, je n’aurais pas pensé en acheter un jour. Les qualités de la plume dépassent mes attentes, elle est vraiment très plaisante. Financièrement, ce beau 134 qui précède immédiatement les séries à la forme torpédo des Meisterstück d’aujourd’hui inchangée depuis le début des années 50 est encore abordable, les modèles plus gros, 136, 138 (rare), 139 étant plus recherchés et beaucoup plus chers comme c’est souvent le cas avec les modèles imposants. La marque est beaucoup collectionnée, ce qui implique des prix souvent élevés pour certains modèles vintage. Je ne suis pas, on l’aura compris, un spécialiste, mais après avoir regardé d’un peu plus près, on trouve également très facilement de nombreux modèles de qualité d’avant 1970, voire d’avant-guerre montés avec de belles plumes à des prix plus que raisonnables.
Il y a finalement assez peu d’information exhaustive sur les Montblanc vintage. Un bon point de départ, comme l’avait signalé Bluebird il y a quelque temps, ce message en en-tête du forum FPN.
Il existe un livre de référence sur les Montblanc de 1946 à 1979 : « Collectible stars » de Jens Rösler et Stefan Wallrafen (2001, allemand/anglais).
Une photo sur fond d’un portrait de Colette par Gisele Freund (dans « Itinéraires », Albin Michel, 1985) avec un exemple d'écriture. On verra bien mieux le stylo sur les pages du blog de Carlos SanchezAlamo. Le 134 est très bien photographié à la fin de cette page. S’il est des vendeurs que je recommande très chaudement, Carlos en fait partie.
Vos éventuels commentaires, questions, additions, précisions ou rectifications sont les bienvenus.
Jimmy