Une escadrille de Pelikan
Posté : 17 mai 2009 20:04
Ceci n’est ni une collection, ni même un début de collection. Mais parmi les stylos anciens, il en est dont j’aimerais avoir plusieurs exemplaires, dont je ne lasserais assurément pas. Les anciens Pelikan font partie de ceux-là. Pour leur qualité de construction, pour leur dessin caractéristique, par-dessus tout pour la diversité et la qualité de leurs plumes, pour l’immense plaisir d’écriture qu’ils procurent encore de nos jours. Ces Pelikan qui ont marqué leur temps ne sont pas toujours spectaculaires, il y en a eu finalement assez peu de modèles, mais il y a là une riche matière pour ceux qui s’intéressent à l’histoire du design, qui voudraient entamer une collection ou qui aimeraient simplement découvrir de belles plumes pour écrire.
A tout seigneur tout honneur. Partant de la gauche sur la photo un Pelikan 100 de 1940 en très bon état. En celluloid noir à très légers reflets verts, plume 14 carats M semi-flexible, bouton de piston lisse. Les gravures sont parfaitement visibles, le clip est un peu terni. Le corps possède une fenêtre pour visualiser le niveau d’encre. Le 100 existe en différentes couleurs de « binde », l’habillage du corps. Les Pelikan ont été parmi les tous premiers à offrir un remplissage à piston, lequel, soit en liège soit en plastique sur le 100 (en plastique sur celui-ci), demande un peu d’attention.
Les 100 sont de petits stylos courts et très légers, moins minuscules que ne pourrait le laisser penser le premier contact. Lorsqu’on met le capuchon, ils se transforment de manière surprenante en longilignes stylos de taille normale. En passant, j’écris toujours sans capuchon, j’aime beaucoup la sensation en main de ces stylos trompeusement petits.
Ce 100 réglé à la perfection est le seul stylo dont je ne me séparerais actuellement pour rien au monde. Aucun de ceux que je possède n’approche l’intensité du plaisir que procure cette plume, son chant léger sur le papier. Je me demande souvent ce qui fait le charme très particulier de ce stylo : la forme caractéristique moderniste très nette, sans le moindre superflu, à la limite de l’austérité encore accentuée par le noir, l’alliance parfaite de la légèreté de l’objet et de la merveilleuse et subtile plume incisive, la fausse impression de fragilité qu’il donne qui fait le toucher et le manipuler avec infiniment plus de délicatesse que d’autres, la très forte charge émotionnelle dûe à l’époque et à l’histoire. Rien que le poser dans le creux de la main et le regarder donne déjà du plaisir. Il y a dans ce petit objet insignifiant au dessin magnifique quelque chose d’unique, de difficile à décrire, quelque chose de presque magique.
Le suivant est également un 100, plus ancien, de 1933, en très bon état également, vert marbré, certainement la couleur la plus répandue. Les pélicans sont un peu effacés sur le sommet du capuchon en ébonite à double bande dorée. Le bouton du piston est strié. Je n’énumèrerai pas ici les subtiles différences entres modèles qui font la joie des collectionneurs. La plume B (qui correspond à une M moderne) a une marque inhabituelle. Ce stylo réglé plus sec - j'ai plus tard accru le débit - que le précédent est également très plaisant à l’usage, avec une plume très douce au caractère moins typé que le 100 noir. Quand on compare les plumes de ces stylos avec celles de leurs descendants modernes, comme on regrette que ces derniers aient perdu les qualités et la vie de ces plumes anciennes.
Vient ensuite un 100N marbré gris. Une de mes rares réussites sur eBay après une petite restauration du piston, qui n’est plus en liège sur ce modèle. Très bon état, capuchon en celluloid bien brillant, bonnes gravures, Pelican étant ici orthographié avec un « C », ce qui doit marquer un modèle export. La fenêtre d’encre est obscurcie. celui-ci a été fabriqué à la fin des années 40. La plume est une F semi-flexible, très juteuse et très agréable, qui donne le meilleur d’elle-même remplie d’Herbin, ce qui m’a surpris au début, je n’aime guère en général le mariage Pelikan-Herbin. Les 100N fabriqués à partir de 1937, évolution du 100, concurrence oblige, sont un peu plus gros que celui-ci, avec le même capuchon caractéristique en même temps un peu lourd et très élégant, avec une capacité d’encre plus importante, ils sont un peu plus longs avec une forme plus effilée, moins trapue et plus conforme à la mode « streamlined ». Ce 100N est un des stylos que j’utilise au quotidien, bien plus agréable que beaucoup de stylos modernes, discret et assez élégant, au piston moins délicat que les 100, léger, très fiable, très solide, une grande autonomie, très agréable en mains. Je l’emporte partout sans crainte là où j’hésiterais à exposer les 100. Le 100N est un joli stylo facile à dénicher, qu’on trouve à prix raisonnable.
Si j'ai une préférence pour le 100, le 100N est mon stylo idéal du quotidien.
Un classique 400 de 1954, couleur light tortoise très claire, superbe plume M oblique un peu flexible qui pisse l’encre (les italiques obliques sont intéressantes quand elles coulent bien, les Pelikan obliques anciennes sont parmi les plus belles plumes qui soient, incisives, douces et incroyablement moelleuses). Le même stylo que le 400 moderne - il a aussi existé des 400N et NN à l’extrémité légèrement différente -, presque rien n’a changé jusqu’à aujourd’hui, le Souverän M400 moderne est le même. Un stylo de tous les jours pas trop gros, robuste, infatigable, un cheval de labeur au piston très doux et à la plume interchangeable en un clin d’œil, très facile à trouver, inusable, avec des plumes au caractère bien plus intéressant que leurs homologues contemporaines. Un stylo très courant dont il est difficile de se lasser, peut-être la pierre angulaire des amateurs de Pelikan.
Le dernier est un 140 strié vert, la couleur la plus classique chez Pelikan, à plume OM, en état moyen. 120 et 140 sont des stylos efficaces, sans grand charisme, de bons outils montés avec de bonnes plumes interchangeables qui n’ont d’autre prétention que de bien faire leur travail. Une des petites faiblesses du 140 est la fragilité du placage. Ce stylo ne fonctionnait pas quand je l’ai trouvé, j’étais content comme tout, c’était le premier stylo que je j’avais réparé en changeant moi-même le piston. Pas grand mérite ici, c’est à la portée d’un bricoleur pas bien doué ! On trouve ces stylos pour pas très cher, s’ils ne sont pas follement sexy, ils valent l’arrêt.
Voici pour terminer quelques bons liens pour ceux que le sujet intéresserait et qui ne les connaîtraient pas.
Le site de Rick Propas, the PENguin. Une très bonne introduction aux Pelikan, à lire absolument. En sommeil pour encore quelque temps (à ce jour 15/5/2009), Rick étant actuellement absent.
Celui de Martin Lehmann (co-auteur avec Jürgen Dittmer du livre de référence bilingue « Pelikan Schreibgeräte », Pelikan Writing Instruments 1929-2004). C’est bête, j’ai traîné pour l’acheter et je n’en trouve plus. Si quelqu’un en voit passer un, merci de me le signaler. Ajouté plus tard : j'en ai trouvé un.). Tout sur ce site pour identifier rapidement les modèles, si on ne cherche pas à trop entrer dans les détails.
Un article sur la restauration des pistons. D’autres choses intéressantes sur le site.
Quelques notes sur la réparation encore.
Cet autre enfin avec pas mal d'informations utiles.
En vous remerciant d'avoir lu jusqu'au bout et en attendant de voir d’autres stylos et d’autres notes, vos commentaires, additions et corrections éventuels sont les bienvenus.
Jimmy
Edité plus tard pour rajout d'un lien oublié.
A tout seigneur tout honneur. Partant de la gauche sur la photo un Pelikan 100 de 1940 en très bon état. En celluloid noir à très légers reflets verts, plume 14 carats M semi-flexible, bouton de piston lisse. Les gravures sont parfaitement visibles, le clip est un peu terni. Le corps possède une fenêtre pour visualiser le niveau d’encre. Le 100 existe en différentes couleurs de « binde », l’habillage du corps. Les Pelikan ont été parmi les tous premiers à offrir un remplissage à piston, lequel, soit en liège soit en plastique sur le 100 (en plastique sur celui-ci), demande un peu d’attention.
Les 100 sont de petits stylos courts et très légers, moins minuscules que ne pourrait le laisser penser le premier contact. Lorsqu’on met le capuchon, ils se transforment de manière surprenante en longilignes stylos de taille normale. En passant, j’écris toujours sans capuchon, j’aime beaucoup la sensation en main de ces stylos trompeusement petits.
Ce 100 réglé à la perfection est le seul stylo dont je ne me séparerais actuellement pour rien au monde. Aucun de ceux que je possède n’approche l’intensité du plaisir que procure cette plume, son chant léger sur le papier. Je me demande souvent ce qui fait le charme très particulier de ce stylo : la forme caractéristique moderniste très nette, sans le moindre superflu, à la limite de l’austérité encore accentuée par le noir, l’alliance parfaite de la légèreté de l’objet et de la merveilleuse et subtile plume incisive, la fausse impression de fragilité qu’il donne qui fait le toucher et le manipuler avec infiniment plus de délicatesse que d’autres, la très forte charge émotionnelle dûe à l’époque et à l’histoire. Rien que le poser dans le creux de la main et le regarder donne déjà du plaisir. Il y a dans ce petit objet insignifiant au dessin magnifique quelque chose d’unique, de difficile à décrire, quelque chose de presque magique.
Le suivant est également un 100, plus ancien, de 1933, en très bon état également, vert marbré, certainement la couleur la plus répandue. Les pélicans sont un peu effacés sur le sommet du capuchon en ébonite à double bande dorée. Le bouton du piston est strié. Je n’énumèrerai pas ici les subtiles différences entres modèles qui font la joie des collectionneurs. La plume B (qui correspond à une M moderne) a une marque inhabituelle. Ce stylo réglé plus sec - j'ai plus tard accru le débit - que le précédent est également très plaisant à l’usage, avec une plume très douce au caractère moins typé que le 100 noir. Quand on compare les plumes de ces stylos avec celles de leurs descendants modernes, comme on regrette que ces derniers aient perdu les qualités et la vie de ces plumes anciennes.
Vient ensuite un 100N marbré gris. Une de mes rares réussites sur eBay après une petite restauration du piston, qui n’est plus en liège sur ce modèle. Très bon état, capuchon en celluloid bien brillant, bonnes gravures, Pelican étant ici orthographié avec un « C », ce qui doit marquer un modèle export. La fenêtre d’encre est obscurcie. celui-ci a été fabriqué à la fin des années 40. La plume est une F semi-flexible, très juteuse et très agréable, qui donne le meilleur d’elle-même remplie d’Herbin, ce qui m’a surpris au début, je n’aime guère en général le mariage Pelikan-Herbin. Les 100N fabriqués à partir de 1937, évolution du 100, concurrence oblige, sont un peu plus gros que celui-ci, avec le même capuchon caractéristique en même temps un peu lourd et très élégant, avec une capacité d’encre plus importante, ils sont un peu plus longs avec une forme plus effilée, moins trapue et plus conforme à la mode « streamlined ». Ce 100N est un des stylos que j’utilise au quotidien, bien plus agréable que beaucoup de stylos modernes, discret et assez élégant, au piston moins délicat que les 100, léger, très fiable, très solide, une grande autonomie, très agréable en mains. Je l’emporte partout sans crainte là où j’hésiterais à exposer les 100. Le 100N est un joli stylo facile à dénicher, qu’on trouve à prix raisonnable.
Si j'ai une préférence pour le 100, le 100N est mon stylo idéal du quotidien.
Un classique 400 de 1954, couleur light tortoise très claire, superbe plume M oblique un peu flexible qui pisse l’encre (les italiques obliques sont intéressantes quand elles coulent bien, les Pelikan obliques anciennes sont parmi les plus belles plumes qui soient, incisives, douces et incroyablement moelleuses). Le même stylo que le 400 moderne - il a aussi existé des 400N et NN à l’extrémité légèrement différente -, presque rien n’a changé jusqu’à aujourd’hui, le Souverän M400 moderne est le même. Un stylo de tous les jours pas trop gros, robuste, infatigable, un cheval de labeur au piston très doux et à la plume interchangeable en un clin d’œil, très facile à trouver, inusable, avec des plumes au caractère bien plus intéressant que leurs homologues contemporaines. Un stylo très courant dont il est difficile de se lasser, peut-être la pierre angulaire des amateurs de Pelikan.
Le dernier est un 140 strié vert, la couleur la plus classique chez Pelikan, à plume OM, en état moyen. 120 et 140 sont des stylos efficaces, sans grand charisme, de bons outils montés avec de bonnes plumes interchangeables qui n’ont d’autre prétention que de bien faire leur travail. Une des petites faiblesses du 140 est la fragilité du placage. Ce stylo ne fonctionnait pas quand je l’ai trouvé, j’étais content comme tout, c’était le premier stylo que je j’avais réparé en changeant moi-même le piston. Pas grand mérite ici, c’est à la portée d’un bricoleur pas bien doué ! On trouve ces stylos pour pas très cher, s’ils ne sont pas follement sexy, ils valent l’arrêt.
Voici pour terminer quelques bons liens pour ceux que le sujet intéresserait et qui ne les connaîtraient pas.
Le site de Rick Propas, the PENguin. Une très bonne introduction aux Pelikan, à lire absolument. En sommeil pour encore quelque temps (à ce jour 15/5/2009), Rick étant actuellement absent.
Celui de Martin Lehmann (co-auteur avec Jürgen Dittmer du livre de référence bilingue « Pelikan Schreibgeräte », Pelikan Writing Instruments 1929-2004). C’est bête, j’ai traîné pour l’acheter et je n’en trouve plus. Si quelqu’un en voit passer un, merci de me le signaler. Ajouté plus tard : j'en ai trouvé un.). Tout sur ce site pour identifier rapidement les modèles, si on ne cherche pas à trop entrer dans les détails.
Un article sur la restauration des pistons. D’autres choses intéressantes sur le site.
Quelques notes sur la réparation encore.
Cet autre enfin avec pas mal d'informations utiles.
En vous remerciant d'avoir lu jusqu'au bout et en attendant de voir d’autres stylos et d’autres notes, vos commentaires, additions et corrections éventuels sont les bienvenus.
Jimmy
Edité plus tard pour rajout d'un lien oublié.