La journée de Simenon commence à 6 heures. Il se lève le premier, prépare son café et travaille jusqu'à 9 heures environ. Puis, selon le rite minutieux du premier jour, accomplit sa promenade jusqu'à midi, déjeune en famille, fait une sieste d'une heure, repart se promener en compagnie de sa femme. Ils converseront en chemin de « choses anodines », mais absolument pas du roman. Ils rentreront pour le dîner. Si c'est un « roman non dur » — un Maigret par exemple — Simenon regardera la télévision en famille et lira les journaux. Si c'est un « roman dur », depuis Lettre à mon juge, le romancier, avant de se coucher, écrit au crayon trois ou quatre pages du prochain chapitre. Mais il ne les relira même pas le lendemain et tapera directement à la machine.

« Je ne suis qu'un artisan, dit-il encore, j'ai besoin de la machine pour sentir si la vie y est. J'envie les peintres parce qu'ils se battent avec la matière. Si je pouvais graver mes romans dans la pierre, je serais encore plus heureux. » Il est vrai sans nul doute que sans machine à écrire nous n'aurions pas le même Simenon, non seulement par le style mais par l'inspiration. Simenon maniant le porte-plume se confesserait plus intimement. Tapant à la machine, il peint. Les touches ont dans l'opération un rôle de filtre. Elles lui imposent même un rythme de phrases. Simenon a forgé son style et sa fortune selon les cadences de son « usine à clavier » d'où sont sortis en quarante ans deux cent cinquante ouvrages représentant plus d'un million de dollars.
Simenon écrivait très souvent directement à la machine à écrire. Il ne travaillait qu'a la lumière électrique.
