J'écoutais l'autre jour un vieil enregistrement d'avant-guerre (la seconde !) de je-ne-sais-plus-qui, avec la manière de parler de l'époque et les intonations qui ont beaucoup changé. Lisant les mots d'Alain, je les entends de la même façon, clairement, calmement et distinctement énoncés, de la manière dont on lisait ou parlait à la radio.
Comme, déchiffrant le carnet d'Apollinaire, je l'entends lui aussi, dont la voix qui m'émeut étrangement m'avait beaucoup surpris la première fois où je l'avais entendue, avec la diction qui nous apparaît emphatique caractéristique de l'époque encore : > écoutez-le par exemple ici >. Envoûtant.
Jimmy
Un bel exemple d'écriture
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Re: Un bel exemple d'écriture
jpeg : merci pour les pages d'Alain. L'écriture correspond bien au rythme propre de sa pensée. De même que l'on voit dans la page d'Apollinaire que l'unité close (les marges comme condition du poème-monde) et la rythmique inséparables de la poésie imposent des reprises successives, et donc un travail du texte différent. Ce qui peut aussi intervenir dans une prose ouvragée : les romans en tant qu'ils doivent créer l'épaisseur d'un monde amènent le même type de pratique (voir les manuscrits de Balzac ou de Flaubert - beaucoup moins avec Stendhal, qui joue moins sur la suggestion et l'implicite, et tend à écrire d'un souffle en chroniqueur).
Concernant l'évolution de la diction, cela vient aussi du fait que la poésie n'est plus aujourd'hui un genre en vogue (un succès d'édition, c'est 5000 exemplaires...) : ce que nous entendons comme de l'emphase, c'est souvent le rythme propre à la parole poétique. De même pour l'éloquence. Alain écrit admirablement sur ces questions dans la troisième (je crois : sur la poésie cela commence dans cette leçon, et il y revient régulièrement jusqu'à la cinquième, mais je ne sais plus où il s'intéresse à l'éloquence à travers Jaures mimant pour la désamorcer la fureur étranglée du peuple) de ses Vingt leçons sur les beaux-arts.
Concernant l'évolution de la diction, cela vient aussi du fait que la poésie n'est plus aujourd'hui un genre en vogue (un succès d'édition, c'est 5000 exemplaires...) : ce que nous entendons comme de l'emphase, c'est souvent le rythme propre à la parole poétique. De même pour l'éloquence. Alain écrit admirablement sur ces questions dans la troisième (je crois : sur la poésie cela commence dans cette leçon, et il y revient régulièrement jusqu'à la cinquième, mais je ne sais plus où il s'intéresse à l'éloquence à travers Jaures mimant pour la désamorcer la fureur étranglée du peuple) de ses Vingt leçons sur les beaux-arts.
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Re: Un bel exemple d'écriture
On est surpris au début par le rythme, par ce qu'on perçoit d'abord comme de la monotonie. Puis on entend les cassures, les changements de rythme et de ton, les chutes, l'accélération (peut-être liée, je ne sais pas, à la durée du support d'enregistrement, l'impression vers la fin de l'eau qui accèlère vers la bonde). Ce qui reste, c'est ce martèlement sourd. Je me souviens d'enregistrements de chanteurs de cette époque, il y a un lien évident.
Quand je l'ai entendu pour la première fois, j'avais en tête une magnifique lecture moderne d'Apollinaire : c'est déboussolant.
Jimmy
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Re: Un bel exemple d'écriture
Le martellement est peut-être ce que l'on a le plus perdu dans la diction de la poésie. Paradoxe à une époque où le rap et les "battles" s'appuient justement dessus pour donner de la force à des textes en eux-mêmes souvent bien moins structurés par le rythme...
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