

Je vous la partage....
Lettre à Messieurs les Editeurs
Magazine le Stylographe
Par courriel
Maison de retraite Les Chrysanthèmes, le 1er Novembre
Bonjour Messieurs,
Je prends la plume, enfin le clavier, pour vous dire quelle ne fut pas ma surprise de trouver, chez mon buraliste habituel, caché derrière les revues, disons légères, que je ne manquais jamais d’acheter depuis la disparition de ma chère épouse, un exemplaire du magazine que vous publiez, consacré aux stylographes.
J’en ai moi-même utilisé plusieurs, jusque dans les années 70. J’ai alors été converti (de force, enfin si j’ose dire) au stylo à bille, par ma secrétaire, qui m’en avait offert un alors que je l’avais emmenée en voyage d’étude en Suisse…Un Caran d’Ache, je crois…
J’avais expliqué à mon épouse qu’il s’agissait d’un cadeau d’un fournisseur important, rencontré à Genève…Quand je pense que nous étions en fait à Montreux, dans un charmant petit hôtel…Mais je m’égare…
Depuis que je suis entré en maison de retraite, il y a bientôt six mois, nous bénéficions d’une initiation à l’informatique. J’ai donc abandonné le stylo à bille, et les revues légères, d’ailleurs…
Je ne suis retourné chez mon buraliste que parce que nous avons eu un dysfonctionnement de notre connexion internet et que je craignais que cela dure plus de 24 heures…Mais je m’égare…
C’est à cette occasion que j’ai donc remarqué votre Magazine.
Comment peut-on encore en 2016 éditer une revue, fort belle au demeurant, sur les stylos ! A l’heure du web ! Incroyable !
Je l’ai donc achetée, pour y glisser par pudeur, mes fameuses revues légères…
L’ayant acquise, je l’ai lue.
De la première page, à la dernière…
Eh ben dites donc !
Incroyable !
Je n’en reviens pas…
C’est simple, depuis la disparition de ma chère Léontine, c’est mon plus grand choc émotionnel.
Si, si…Vraiment !
C’est simple, ils ont dû me donner des sédatifs afin que je puisse dormir !
Et je n’ai pas pu prendre mon Viagra, le médecin m’a dit que j’étais – je cite – assez excité comme ça !
Un magazine rempli de stylos, des interviews de gens qui parlent d’écriture, et des tests, comme ceux que l’auto-journal faisait dans les années 60…
J’ai couru le lendemain chez mon buraliste, dés potron-minet, quand il ouvre à peine, et lui ai demandé s’il avait encore les anciens numéros…
Retournés, qu’il m’a dit…Oh, pas autant que moi, lui ai-je répondu !
D’où cette lettre, Messieurs.
Il me faut, vous entendez, il me faut tous les exemplaires de votre magazine, depuis le début.
J’ai viré ma chaise percée pour faire de la place dans ma chambre. Elle est très bien sur le balcon, et c’est très agréable de faire ses besoins à l’air libre. Cela me rappelle mes camps scouts, dans les années 30…
Mais je m’égare…
J’ai cru, depuis ce fameux stylo à bille offert clandestinement, que s’en était fini du stylo à plume ! Et là, à bientôt 90 ans, je découvre que pas du tout !!!
Vous amenez du bonheur dans ma vie de vieillard, Messieurs. Je vais aller m’acheter un de ces stylos modernes, et un flacon d’encre…
J’écrirais des lettres d’amour à ma voisine de gauche, une jeunette de 77 ans…Et puis d’autres, avec des dessins suggestifs – je sais encore bien dessiner – à celle de droite…Vous savez, faut bien se distraire…et passé un certain âge, il y a un homme pour vingt femmes… Alors…je suis très sollicité…
Et le stylo à plume, ça me permettra de séduire celles, rares, mais les plus belles, qui se refusent encore à moi.
Messieurs, je vous dois une fin de vie heureuse !
Merci de bien vouloir faire livrer les numéros anciens du Stylographe à l’adresse suivante :
Lucas Zanova
Chambre No 69
Maison de retraite « Les Chrysanthèmes »
1, rue du Cimetière
78610 BIENTÔT-SOUS-TERRE
Bien stylographiquement !
LZ