"- Quand on écrit au calame... "
Posté : 12 sept. 2016 00:54
Extrait d'un roman de Metin Arditi, un auteur originaire de Turquie. Une écriture à la délicatesse de miniature orientale...
" Et on pouvait lire ses encres aujourd'hui comme au premier jour ! Comme quand le calligraphe avait trempé son calame dans le flacon ! Et on pourrait les lire aussi bien dans mille ans !
Son regard balaya les rangées de flacons à vendre. C'est vrai qu'il y en avait beaucoup ! (...)
Il allait faire la plus belle encre qui soit." (...)
- Tout à l'heure je mettrai la marmite à chauffer repris Djelal. La laine va d'abord s'enfumer, puis elle va fondre et laisser un goudron. J'ajouterai de l'eau, très peu, trois doigts d'un petit verre et rien que de l'eau. Pas de gomme ! Pas d'encre de seiche ! Pas de brou de noix ! Rien ! Et pour mélanger l'eau au goudron une tige de bambou, mon Elie, rien d'autre qu'une tige de bambou. (...)
- Quand on écrit au calame, avait repris Djelal, le corps tout entier doit participer à la calligraphie. Des yeux jusqu'aux jambes. Et même jusqu'aux pieds. Jusqu'aux doigts de pied...! Comme pour une danse . Que fait un danseur ?
- il tourne, avait répondu Elie.
- Et pour cela il doit...? Il doit ...? Respirer ! (...)
Il lui avait appris ensuite à tailler un roseau. Puis à tracer un long trait droit au calame. Puis à dessiner une volute. Puis à copier. Puis à imaginer de nouvelles façons d'écrire les caractères en respectant la tradition tout en laissant parler le sens du beau " que chacun a dans son coeur " disait Djelal. (...)
La calligraphie l'apaisait. Sa rigueur le rassurait. Il aimait l'effort qu'elle exigeait de lui, la possibilité qu'elle lui offrait de dessiner de façon à la fois précise et pleine de fantaisie."
Le Turquetto , Metin Arditi, Actes Sud, Babel 2011.
" Et on pouvait lire ses encres aujourd'hui comme au premier jour ! Comme quand le calligraphe avait trempé son calame dans le flacon ! Et on pourrait les lire aussi bien dans mille ans !
Son regard balaya les rangées de flacons à vendre. C'est vrai qu'il y en avait beaucoup ! (...)
Il allait faire la plus belle encre qui soit." (...)
- Tout à l'heure je mettrai la marmite à chauffer repris Djelal. La laine va d'abord s'enfumer, puis elle va fondre et laisser un goudron. J'ajouterai de l'eau, très peu, trois doigts d'un petit verre et rien que de l'eau. Pas de gomme ! Pas d'encre de seiche ! Pas de brou de noix ! Rien ! Et pour mélanger l'eau au goudron une tige de bambou, mon Elie, rien d'autre qu'une tige de bambou. (...)
- Quand on écrit au calame, avait repris Djelal, le corps tout entier doit participer à la calligraphie. Des yeux jusqu'aux jambes. Et même jusqu'aux pieds. Jusqu'aux doigts de pied...! Comme pour une danse . Que fait un danseur ?
- il tourne, avait répondu Elie.
- Et pour cela il doit...? Il doit ...? Respirer ! (...)
Il lui avait appris ensuite à tailler un roseau. Puis à tracer un long trait droit au calame. Puis à dessiner une volute. Puis à copier. Puis à imaginer de nouvelles façons d'écrire les caractères en respectant la tradition tout en laissant parler le sens du beau " que chacun a dans son coeur " disait Djelal. (...)
La calligraphie l'apaisait. Sa rigueur le rassurait. Il aimait l'effort qu'elle exigeait de lui, la possibilité qu'elle lui offrait de dessiner de façon à la fois précise et pleine de fantaisie."
Le Turquetto , Metin Arditi, Actes Sud, Babel 2011.