Ferveurs plumitives

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Ballon
Asa Gao
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Ferveurs plumitives

Message par Ballon »

Bonjour à tous,

Je partage avec vous cet article paru dans "Le monde" du 14 juin 2007. Je trouve qu'il résume particulièrement bien l'amour du stylo-plume que nous partageons. Au fil des lignes, nous retrouvons de vieilles connaissances : André Mora et un certain Jean B.

Ferveurs plumitives

RITUEL LITTÉRAIRE OU CÉRÉMONIE QUOTIDIENNE : LES BEAUX STYLOS CONTINUENT DE FAIRE DÉCOUVRIR LE PLAISIR DE L'ÉCRITURE MANUSCRITE.

"Quand la démangeaison d'écrire saisit un homme, rien ne peut le guérir que le grattement de la plume", affirmait en 1842 l'écrivain irlandais Samuel Lover dans son roman Handy Andy. Un siècle et demi plus tard, les hommes de plume semblent avoir troqué leurs délicats instruments contre d'efficaces claviers d'ordinateur, prêts à recueillir et enregistrer le flot de leur prose. "Je me suis très vite converti au traitement de texte", reconnaît l'écrivain amateur de stylos Douglas Kennedy, qui publie ce printemps La femme du Veme aux Editions Belfond. "Cela simplifie tellement le processus d'édition : corriger rapidement, déplacer d'énormes blocs de texte et pouvoir envoyer un roman entier à mon éditeur par e-mail !". Une activité littéraire intensive qui n'exclut pas l'écriture manuscrite : "Je prends des notes de façon obsessionnelle dans de petits carnets moleskine. Je jette les grandes lignes de mes romans et dresse des listes sur des blocs-notes jaunes."

Ainsi l'ordinateur s'est-il imposé dans la pratique de l'écriture sans détrôner le stylo, réservé à certains usages. "Ils peuvent cohabiter dans un même univers ; ils ne s'opposent pas mais se complètent l'un l'autre", souligne Paolo Coelho, auteur brésilien de L'Alchimiste, et récemment de La sorcière de Portobello paru chez Flammarion. "Pour les corrections par exemple, il est toujours nécessaire d'imprimer une version papier et de travailler sur le texte au stylo."

Glissé dans la poche d'une veste ou posé sur la table de travail, le stylo reste donc un indispensable compagnon, surtout lorsqu'il possède, aux yeux de son utilisateur, une valeur particulière. Car pour Paolo Coelho, détenteur de près de deux cents stylos plumes et ambassadeur de la marque Montegrappa, comme pour de nombreux collectionneurs, les instruments d'écriture sont aussi et surtout de très beaux objets, dignes de toutes les attentions.

Montblanc de légende, rare exemplaire de la marque japonaise Namiki, dont le décor en laque est entièrement réalisé à la main, Waterman des années 1930 ou stylo Cartier en édition limitée : ils font rêver les collectionneurs prêts à dépenser jusqu'à plusieurs milliers d'euros pour décrocher l'objet convoité. "Il est possible que la généralisation de l'informatique ait favorisé un regain d'intérêt pour les stylos de collection, perçus comme un souvenir de l'écriture d'antan", analyse l'expert André Mora, dont la boutique connue de tous les amateurs est installée au 7, rue de Tournon à Paris, dans le 6e arrondissement.

MOMENT PRIVILÉGIÉ

Offerts par un proche ou acquis dans une circonstance particulière (en boutique spécialisée, brocante ou vente aux enchères), ces objets se parent d'une valeur affective qui ne les quitte plus. La passion des stylos naît souvent ainsi, au détour d'un moment privilégié. "Quand j'étais petit, mon père m'accompagnait toujours pour acheter un stylo à la papeterie", se souvient Jean Buchser, avocat spécialisé en droit fiscal et fervent collectionneur. "Nous prenions le temps de trouver la plume qui me convenait, c'était un objet important que nous choisissions avec soin." Suite à un coup de foudre en 1983 pour le Man 100, un Waterman créé en édition limitée pour le centenaire de la marque, l'enfant devenu grand se lance dans une collection qui atteint aujourd'hui quelque quatre cents pièces, dont le Pelikan avec lequel son père a passé ses examens de médecine à la fin des années 1950.

Loin de rester dissimulés dans leurs écrins protecteurs, certains d'entre eux l'accompagnent au quotidien, dans ses activités personnelles comme professionnelles. "J'ai toujours quatre à six stylos sur moi", témoigne Jean Buchser. "Lorsque je suis en rendez-vous avec un client, je choisis un modèle fiable et pratique pour prendre des notes. Chez moi, je me pose dans un monde qui va vite. Je prends le temps de choisir un modèle que j'apprécie et qui s'adapte à la circonstance. C'est un peu comme une cérémonie du thé !" Un hommage au plaisir de l'écriture manuscrite. Selon qu'il s'agit d'un mot doux ou d'une lettre de voeux, l'élu ne sera pas le même. Les pièces anciennes à la plume plus souple permettront quelques effets calligraphiques, tandis que le cadeau d'un proche sera tout destiné pour lui adresser quelques mots.

Réalisé avec un bel objet, l'acte d'écriture gagne en solennité et en épaisseur. Il se fait le reflet de la personnalité de l'écrivant. Ainsi Paolo Coelho utilise-t-il un de ses stylos plumes pour dédicacer un livre à un lecteur ou pour écrire son journal. "J'aime le fait que l'écriture manuscrite puisse refléter mon état d'esprit. La main étant une prolongation du cerveau, mon style d'écriture peut être calme, ou nerveux, selon mon humeur", confie-t-il.
Et Jean Buchser de conclure : "Apposer des mots sur une page blanche est aussi une manière très personnelle d'exister, de laisser une empreinte."

Julia Dubreuil
Modifié en dernier par Ballon le 14 févr. 2017 22:32, modifié 1 fois.
Ballon

Comme la plume reçue le jour de la Saint-Nicolas en deuxième année à l'école primaire.
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LYTH
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Re: Ferveurs plumitives

Message par LYTH »

Quel poète ce JeanB ! :D
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Re: Ferveurs plumitives

Message par lyrane »

Merci !
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Alain146
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Re: Ferveurs plumitives

Message par Alain146 »

Merci Ballon.
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Caribou
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Re: Ferveurs plumitives

Message par Caribou »

Merci pour le partage de ce bel article, Luc ! :thumbsup:

Cordialement,
Cari.
"La tradition, c'est nourrir les flammes, pas vénérer les cendres" (Gustav MAHLER).
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