Une escadrille de Pelikan

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Ceci n’est ni une collection, ni même un début de collection. Mais parmi les stylos anciens, il en est dont j’aimerais avoir plusieurs exemplaires, dont je ne lasserais assurément pas. Les anciens Pelikan font partie de ceux-là. Pour leur qualité de construction, pour leur dessin caractéristique, par-dessus tout pour la diversité et la qualité de leurs plumes, pour l’immense plaisir d’écriture qu’ils procurent encore de nos jours. Ces Pelikan qui ont marqué leur temps ne sont pas toujours spectaculaires, il y en a eu finalement assez peu de modèles, mais il y a là une riche matière pour ceux qui s’intéressent à l’histoire du design, qui voudraient entamer une collection ou qui aimeraient simplement découvrir de belles plumes pour écrire.

A tout seigneur tout honneur. Partant de la gauche sur la photo un Pelikan 100 de 1940 en très bon état. En celluloid noir à très légers reflets verts, plume 14 carats M semi-flexible, bouton de piston lisse. Les gravures sont parfaitement visibles, le clip est un peu terni. Le corps possède une fenêtre pour visualiser le niveau d’encre. Le 100 existe en différentes couleurs de « binde », l’habillage du corps. Les Pelikan ont été parmi les tous premiers à offrir un remplissage à piston, lequel, soit en liège soit en plastique sur le 100 (en plastique sur celui-ci), demande un peu d’attention.

Les 100 sont de petits stylos courts et très légers, moins minuscules que ne pourrait le laisser penser le premier contact. Lorsqu’on met le capuchon, ils se transforment de manière surprenante en longilignes stylos de taille normale. En passant, j’écris toujours sans capuchon, j’aime beaucoup la sensation en main de ces stylos trompeusement petits.

Ce 100 réglé à la perfection est le seul stylo dont je ne me séparerais actuellement pour rien au monde. Aucun de ceux que je possède n’approche l’intensité du plaisir que procure cette plume, son chant léger sur le papier. Je me demande souvent ce qui fait le charme très particulier de ce stylo : la forme caractéristique moderniste très nette, sans le moindre superflu, à la limite de l’austérité encore accentuée par le noir, l’alliance parfaite de la légèreté de l’objet et de la merveilleuse et subtile plume incisive, la fausse impression de fragilité qu’il donne qui fait le toucher et le manipuler avec infiniment plus de délicatesse que d’autres, la très forte charge émotionnelle dûe à l’époque et à l’histoire. Rien que le poser dans le creux de la main et le regarder donne déjà du plaisir. Il y a dans ce petit objet insignifiant au dessin magnifique quelque chose d’unique, de difficile à décrire, quelque chose de presque magique.

Le suivant est également un 100, plus ancien, de 1933, en très bon état également, vert marbré, certainement la couleur la plus répandue. Les pélicans sont un peu effacés sur le sommet du capuchon en ébonite à double bande dorée. Le bouton du piston est strié. Je n’énumèrerai pas ici les subtiles différences entres modèles qui font la joie des collectionneurs. La plume B (qui correspond à une M moderne) a une marque inhabituelle. Ce stylo réglé plus sec - j'ai plus tard accru le débit - que le précédent est également très plaisant à l’usage, avec une plume très douce au caractère moins typé que le 100 noir. Quand on compare les plumes de ces stylos avec celles de leurs descendants modernes, comme on regrette que ces derniers aient perdu les qualités et la vie de ces plumes anciennes.

Vient ensuite un 100N marbré gris. Une de mes rares réussites sur eBay après une petite restauration du piston, qui n’est plus en liège sur ce modèle. Très bon état, capuchon en celluloid bien brillant, bonnes gravures, Pelican étant ici orthographié avec un « C », ce qui doit marquer un modèle export. La fenêtre d’encre est obscurcie. celui-ci a été fabriqué à la fin des années 40. La plume est une F semi-flexible, très juteuse et très agréable, qui donne le meilleur d’elle-même remplie d’Herbin, ce qui m’a surpris au début, je n’aime guère en général le mariage Pelikan-Herbin. Les 100N fabriqués à partir de 1937, évolution du 100, concurrence oblige, sont un peu plus gros que celui-ci, avec le même capuchon caractéristique en même temps un peu lourd et très élégant, avec une capacité d’encre plus importante, ils sont un peu plus longs avec une forme plus effilée, moins trapue et plus conforme à la mode « streamlined ». Ce 100N est un des stylos que j’utilise au quotidien, bien plus agréable que beaucoup de stylos modernes, discret et assez élégant, au piston moins délicat que les 100, léger, très fiable, très solide, une grande autonomie, très agréable en mains. Je l’emporte partout sans crainte là où j’hésiterais à exposer les 100. Le 100N est un joli stylo facile à dénicher, qu’on trouve à prix raisonnable.

Si j'ai une préférence pour le 100, le 100N est mon stylo idéal du quotidien.

Un classique 400 de 1954, couleur light tortoise très claire, superbe plume M oblique un peu flexible qui pisse l’encre (les italiques obliques sont intéressantes quand elles coulent bien, les Pelikan obliques anciennes sont parmi les plus belles plumes qui soient, incisives, douces et incroyablement moelleuses). Le même stylo que le 400 moderne - il a aussi existé des 400N et NN à l’extrémité légèrement différente -, presque rien n’a changé jusqu’à aujourd’hui, le Souverän M400 moderne est le même. Un stylo de tous les jours pas trop gros, robuste, infatigable, un cheval de labeur au piston très doux et à la plume interchangeable en un clin d’œil, très facile à trouver, inusable, avec des plumes au caractère bien plus intéressant que leurs homologues contemporaines. Un stylo très courant dont il est difficile de se lasser, peut-être la pierre angulaire des amateurs de Pelikan.

Le dernier est un 140 strié vert, la couleur la plus classique chez Pelikan, à plume OM, en état moyen. 120 et 140 sont des stylos efficaces, sans grand charisme, de bons outils montés avec de bonnes plumes interchangeables qui n’ont d’autre prétention que de bien faire leur travail. Une des petites faiblesses du 140 est la fragilité du placage. Ce stylo ne fonctionnait pas quand je l’ai trouvé, j’étais content comme tout, c’était le premier stylo que je j’avais réparé en changeant moi-même le piston. Pas grand mérite ici, c’est à la portée d’un bricoleur pas bien doué ! On trouve ces stylos pour pas très cher, s’ils ne sont pas follement sexy, ils valent l’arrêt.

Voici pour terminer quelques bons liens pour ceux que le sujet intéresserait et qui ne les connaîtraient pas.

Le site de Rick Propas, the PENguin. Une très bonne introduction aux Pelikan, à lire absolument. En sommeil pour encore quelque temps (à ce jour 15/5/2009), Rick étant actuellement absent.

Celui de Martin Lehmann (co-auteur avec Jürgen Dittmer du livre de référence bilingue « Pelikan Schreibgeräte », Pelikan Writing Instruments 1929-2004). C’est bête, j’ai traîné pour l’acheter et je n’en trouve plus. Si quelqu’un en voit passer un, merci de me le signaler. Ajouté plus tard : j'en ai trouvé un.). Tout sur ce site pour identifier rapidement les modèles, si on ne cherche pas à trop entrer dans les détails.

Un article sur la restauration des pistons. D’autres choses intéressantes sur le site.

Quelques notes sur la réparation encore.

Cet autre enfin avec pas mal d'informations utiles.

En vous remerciant d'avoir lu jusqu'au bout et en attendant de voir d’autres stylos et d’autres notes, vos commentaires, additions et corrections éventuels sont les bienvenus.

Jimmy

Edité plus tard pour rajout d'un lien oublié.

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J'ai un peu de mal à identifier les modèles et les plumes L'image est jolie.

J

[Bluebird]

J'aime les deux photos ... ...

Et dans le premier escadron , en effet , le premier , le 100, a quelque chose de particulier ...

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Oui Bluebird, on se demande toujours ce qui créée les liens particuliers (lire : le fétichisme ) avec certains objets. Celui-ci m'est vraiment spécial.

J

[Bluebird]

Oui Bluebird, on se demande toujours ce qui créée les liens particuliers (lire : le fétichisme ) avec certains objets. Celui-ci m'est vraiment spécial.

J

I understand ....

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Ooops, erreur d'édition pour correction d'une erreur pas vue, j'ai cliqué sur "Citer" au lieu d'"Editer". Sorry.

J

[Loositen]

Je crois que je vais finir par craquer pour un de ces 100 ou 100N... Ils sont vraiment de toute beauté dans leur simplicité et si la qualité de la plume correspond au design pour reprendre la fable alors... enfin bref!

Quid de leur durabilité dans le temps??

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Quid de leur durabilité dans le temps??

Le plus vieux de ceux-ci date de 1933 et fonctionne à la perfection, cela doit répondre à ta question.

Mécaniquement, il faut surveiller les choses habituelles, fêlures, etc... S'il ne vient pas de chez quelqu'un de sérieux ou au moins qui sait de quoi il parle, s'il n'a pas été entretenu sur les modèles dont le joint est en liège (100 d'avant la guerre et premiers 100N), le piston risque de fuir, cela se répare sans problème.

Ces stylos sont extrêmement fiables.

Jimmy

[Loositen]

Merci de ta réponse. Le site "Penguin" de R proppas m'a l'air trés sérieux, les prix aussi mais son sérieux offre une certaine garantie à la clé.

En fait j'hésite entre les 2, 100 ou 100N. J'aime vraiment la ligne du 100 avec son coté carré, simple et rustique. D'un autre coté, le 100N offre une jolie ligne aussi et je suppose qu'au niveau défauts et qualités ce doit être équivalent à quelque chose prés.

Il reste la solution d'acheter un de chaque modèle mais là...

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Le 100 est plus petit, un peu plus fin, donne l'impression d'être plus délicat. Le 100N est un peu plus gros, très proche des canons modernes, c'est un stylo de taille moyenne (en ce qui me concerne, c'est LE stylo qui me va le mieux à la main, il me va à la perfection, c'est une rare, très agréable et étonnante sensation). La majorité de ceux qu'on trouve datent d'après-guerre, ils ont des joints de piston en synthétique qui demandent un peu moins d'attention que les 100 ou 100N d'avant-guerre. Le choix de plumes est extrêmement varié et elles sont interchangeables.

Le gros des troupes est composé de verts marbrés, les plus communs. Pour un modèle courant de 100N, compter à la louche entre 80 et 160 euros en passant par un particulier ou un vendeur raisonnable, jusqu'à 200-230 chez un vendeur sérieux et réputé comme Rick par exemple, qui offre une garantie et un service absolument impeccables. Les 100 iront chercher dans les mêmes eaux, peut-être un peu plus cher la plupart du temps, mais on peut aussi en trouver pour pas grand-chose, cela dépendra de la chance. Pour avoir une idée des prix réels selon les différents vendeurs, eBay offre une bonne vision d'ensemble si on prend le temps. Attention, il y a plein de choses pourries.

Juste quelques avis mal dégrossis. Les subtilités et les pinaillages d'enfer entre modèles commencent à ce point .

Jimmy

[petizan]

Merci jpeg pour tant de tentations,
comme quoi, quand la simplicité frise la perfection, quelques photos et ça repart comme au premier post…
PS
Le livre sous les plumes : Hemingway (Paris est une fête ?), Joyce… ? http://forum.styloplume.net/posting.php ... f=29&t=149#

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Le livre sous les plumes : Hemingway (Paris est une fête ?), Joyce… ?

C'est une page d'"Itinéraires", la très belle monographie de la photographe d'origine allemande Gisele Freund, chez Albin Michel.

Jimmy

[Loositen]

Bon bin voilà, à force de regarder tes Pelikan, Jpeg, j'ai craqué et fait l'acquisition d'un 100 de 1942 à plume M (j'espère que ça ira).

Euh je ne pourrai pas poster de photo, je ne possède pas de numérique...

Faudrait plus que je vienne trainer par ici mais il y a tellement de belles choses qu'il est bien difficile de résister. D'un autre coté, je ne regrette pas l'achat et je l'attend avec impatience!

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Super, Loositen ! Quelle couleur, un vert marbré ? 1942 : plume en or ou en acier ? J'attends tes commentaires avec intérêt.

Aujourd'hui a été une journée placée sous le signe du Pelikan : eh ben moi-euh, j'ai trouvé (acheté serait un mot plus juste !) un magnifique Ibis, pratiquement comme neuf. Je n'en avais pas souvent vu dans cet état. Fenêtre parfaitement transparente, empreintes parfaites, pas une marque, superbe plume oblique fine, à pleurer, comme neuve elle aussi.

C'est pas de ma faute, j'étais pas tout seul, d'abord, et on n'a rien fait pour m'arrêter.

Et pis j'ai aussi trouvé hier un de mes rêves, un 100N tout Tortoise. Chuuuuttttttt...

Et pis aussi que même que j'ai vu et écrit trois mots avec un Lizard, que c'est quand même quèque chose, un Lizard. Çui-là n'est pas à moi, il faut en laisser un peu aux autres, faut dire que les autres, il a l'air tellement content avec...

Jimmy

[Bluebird]

UN 100N TOUT TORTOISE ????????????? !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!




et dans la même journée avoir essayé un LIZARD ????


Mais c'est le Nirvana Pelikanien , ça !!!

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Ouais, normal, une journée banale, quoi. Plus un Ibis, vous oubliez l'Ibis

N'avait qu'à se faire porter pâle pour faire la tournée des grands-ducs, la fille. L'aurait fait la connaissance d'un gars follement sympathique en plus.

J

[Bluebird]

pffffffffffffff .....


scrogneugneu ... me vengerai... c'est pô juste

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Un mot sur l'Ibis et sa plume. Je devrais pourtant commencer à avoir l'habitude, mais je suis une fois de plus émerveillé par la variété et la qualité ahurissantes de ces vieilles plumes Pelikan. Celle-ci, une oblique fine, m'enchante tellement elle est légère et aérienne. Variation subtile du trait, précision, sensations accentuées par la petite taille et le poids plume (9 g rempli d'encre, tout nu sans capuchon) de ce frêle petit stylo. Une plume à personnalité à part, je n'ai pas d'équivalent.

Ich bin wahnsinnig in love again.

Signé : El Pelikano

[petizan]

C'est pas de ma faute, j'étais pas tout seul, d'abord, et on n'a rien fait pour m'arrêter.

Non coupable ! Même pas vrai…
j'ai dit : après faut aussi aller chez Mora, si c'est pas une façon de retenir l'âme perdue ?
Et en voyant la sueur voiler ton visage après que le dealer ai susurré ÎBIS, les tremblements qui t'ont parcouru quand il l'a sorti de derrière ses fagots, et ce râle dès les premiers écrits que je ne peux décrire plus avant ici…
J'ai compris qu'un homme frappé d'un coup de foudre bien ajusté devient sourd à toute chose censée qui veut l'éloigner de l'objet de sa passion.
Au moins, j'aurai été témoin d'une scène d'anthologie : t'as une belle plume, tu sais… 

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Aller chez Mora pour voir et toucher les Oldwin, tu parles d'une retenue... ! Salaud-le-peuple-aura-ta-peau !

Je pense que j'ai trouvé, après un moment de recherches, de recoupements et de grattage de tête ce qui était à côté dans l'Ibis et ne me pose finalement aucun problème.

"T'as une belle plume, tu sais" : va donc, eh, toi-même ! En y repensant, qu'il ait "susurré" est le mot juste ! C'est remarquablement bien décrit, j'ai avec le recul le sentiment que toute ma volonté s'est retrouvée annihilée dès qu'il l'a fait apparaître (avec quel métier !) et surtout dès que j'ai écrit trois mots avec ! J'ai le souvenir d'une espèce de blanc de cinq ou six minutes où plus rien ne comptait : parce que c'était lui, parce que c'était moi J'avais été bien préparé par le Lizard, il faut tout de même le dire !

C'est vraiment une chose étrange : seuls les Pelikan me font cet effet.

Jimmy