Je vous propose cette fois-ci la revue d'un Yukari atypique, le Yukari Chinkin Matsu :

Dans ma revue précédente du Yukari Royale Kingfisher, je vous avais rapidement présenté la collection Yukari, et ses deux familles bien connues, les Yukari "standard", et les Yukari Royale.
Cette nomenclature a été bouleversée fin 2014 par l'arrivée du Yukari Chinkin, qui constitue ce qu'on pourrait considérer comme une troisième famille.
En effet, celui-ci rompt avec le principe du Yukari décoré en technique maki-e : s'il est toujours en laiton recouvert de laque urushi, le décor utilise cette fois la technique Chinkin.
Par ailleurs, le Yukari Chinkin répond sans doute aux attentes les Namiki-addicts en adoptant un gabarit intermédiaire pas trop gros mais moins fin que le Yukari "standard", et surtout une silhouette "Flat Top". Youpi


Le Chinkin Matsu, avec un Yukari Poisson Tropical et un Yukari Royale Martin Pêcheur
Si son capuchon reste monobloc, le Chinkin se distingue également par sa très jolie agrafe dont la forme rappelle celle des Namiki vintage. Il emprunte au Yukari Royale la bordure dorée à la base du capuchon, mais possède la même plume que le Yukari standard.

Il mesure 136 mm avec son capuchon, et 126 mm sans.
Parlons maintenant un peu de cette technique Chinkin. Originaire de Chine et remontant à la dynastie Sung (960 - 1279), celle-ci a été introduite au Japon durant l'ère Kamakura (1281 - 1385).

Le principe de la technique Chinkin est le suivant : l'objet est dans un premier temps recouvert de laque urushi noire "Roiro", puis les motifs sont gravés dans la laque à l'aide de minuscules ciseaux. Des feuilles ou de la poudre d'or (ou plus rarement d'argent) sont ensuite introduits dans les motifs gravés. Après avoir été soigneusement poli, l'objet est ensuite à nouveau laqué et longuement poli. La surface obtenue est lisse comme un miroir et pourtant le motif possède une grande profondeur grâce aux subtilités de la gravure emprisonnée dans la laque.
Si le principe du Chinkin peut sembler assez simple, son exécution est en revanche très difficile, en particulier sur des petits objets en trois dimensions comme les stylos. Elle nécessite de très longues années d'apprentissage et une concentration et une maîtrise extrêmes, car la moindre erreur est rédhibitoire : un coup de ciseau approximatif ne peut plus être réparé ou masqué.
La technique Chinkin se décompose en plusieurs sous-techniques selon les outils utilisés et la forme de leur tranchant, ou le type d'incisions réalisées. Par exemple, la technique Tenbori consiste à graver uniquement des petits points, le motif final étant obtenu par les variations de densité des points gravés.
Les plus belles pièces combinent plusieurs techniques et c'est cette combinaison qui permet d'obtenir un rendu des textures et un réalisme parfois complètement bluffants. Réservée aux meilleurs artisans, le Chinkin est souvent considéré comme la technique ultime dans l'art de la décoration des objets laqués. Un exemple ici.
Et pour aller plus loin, un lien vers une très impressionnante vidéo réalisée par Namiki montrant en détail cette technique Chinkin. La démonstration commence à 1'30 après le début de la vidéo. Attention les yeux

La famille Yukari Chinkin comprend quatre modèles : grues (tsuru), pin (matsu), roseau de Chine (susuki) et cerisier en fleurs (sakura)

Image piquée sur le web
L'intérêt de ces Yukari Chinkin, est, au delà de leur originalité, leur excellent rapport qualité / prix. En effet, ce sont les moins chers des Yukari, et Namiki propose même le Chinkin à un tarif plus abordable que le Yukari Royale Urushi uni (Noir ou vermillon).
Certes les décors réalisés ne sont pas d'une extrême complexité, mais la qualité de réalisation reste, Namiki oblige, sans aucune concession.
Si ces modèles Chinkin ne sont pas nominativement signés par un artiste, ils bénéficient néanmoins de la signature collective de l'école Kokkokai dont je vous ai parlé dans la revue du Yukari Royale Kingfisher.
Quand j'ai appris la sortie de ces modèles, c'est le Matsu (Pin) qui m'a immédiatement attiré. Mais quand je suis allé les voir en boutique, j'ai eu beaucoup de mal à choisir entre le Matsu et le Tsuru (Grues), qui sont à mon avis les deux plus réussis. Le Tsuru utilise justement la technique Tenbori.
Finalement je suis revenu à ma première impression et j'ai pris le Matsu.

Le sujet de ce Matsu est le pin, et plus précisément le pin à cinq aiguilles (pinus pentaphylla), que les Japonais appellent Goyo-Matsu. Celui-ci a dans la nature une silhouette caractéristique qui en fait une des espèces préférées des Japonais dans l'art du bonsaï.
Je trouve que le décor réalisé sur ce Yukari Matsu reproduit très bien l'esprit du goyo-matsu tel qu'il est également restitué dans les plus beaux bonsaï.
Regardons d'un peu plus près ce décor :

D'encore plus près :




On aperçoit ici la signature de l'école Kokkokai (la nation, la lumière et le groupe) qui atteste que le décor a été réalisé par l'un des membres de l'école, mais on ne saura jamais lequel


J'ai choisi mon Matsu en plume F, une plume agréable, précise, assez juteuse, disposant d'une très bonne glisse, et dont l'alimentation est impossible à prendre en défaut. C'est du F Japonais, donc c'est très fin.

Comme tous les Yukari, le Chinkin est équipé du fameux convertisseur CON70 de Pilot, le meilleur du marché.
Et pour finir, la traditionnelle petite vidéo du stylo.
